• AgoraVox sur Twitter
  • RSS
  • Agoravox TV
  • Agoravox Mobile


Commentaire de beubeuh

sur L'Union Européenne face aux vieux démons de l'immigration


Voir l'intégralité des commentaires de cet article

beubeuh 25 juin 2008 16:20

Il y a quand même un certains nombre d’idées reçues et de lieux communs dans tout cela, et elles sont souvent concentrées dans la phrase de Rocard "nous ne pouvons pas accueillir toute la misère du monde" , qui constitue désormais le point de départ de toutes les argumentations sur l’immigration. Le problème ce n’est pas tellement qui nous pouvons ou non accueillir, mais dans l’équation "immigration=misère du monde" qui est admise par tout le monde alors qu’elle est loin d’être évidente.

Les phénomènes migratoires sont en effet beaucoup plus complexes que ce que les journalistes et surtout les hommes politiques se complaisent à nous laisser croire, tant le thème est rentable éléctoralement (la xénophobie d’un côté, le misérabilisme de l’autre). En Afrique notamment, les gens émigrent énormément, mais il le font très majoritairement vers leur propre pays ou vers d’autre pays africains. Les flux vers l’Europe sont certes importants, mais ils sont assez faibles en regard des migrations inter-africaines. D’autre part, il est faux de dire que les migrations, c’est "la misère du monde". Ce serait plutôt la frange supérieure de la pauvreté africaine qui vient chez nous, pour la bonne raison que l’émigration représente un coût non-négligeable : il faut en effet payer le voyage, qui est non négligeable pour un Africain, surtout s’il se fait clandestinement. L’immigration est donc le plus souvent une stratégie économique, un investissement duquel on espère tirer des revenus et/ou une qualification professionnelle, et surtout une ascension sociale. Mais cela n’est pas le seul cas, on voyage aussi, comme tous le monde, pour des raisons personnelles, politiques dans bien des cas, parfois aussi idéologiques. Enfin il faut souligner l’impact décisif, dans les pays de départ, des médias (cinéma, séries TV) dont les contenus sont essentiellement fabriqués en Europe, dont ils donnent une image idéalisés. Pour les migrants, qui sont souvents très jeunes, MTV et Cie sont souvent une source de motivation importante. Il faut également balayer le mythe d’une immigration constituée essentiellement de crèves-la-faim analphabètes. Dans l’un des rares endroits ayant permi de constituer des statistiques fiables, le camp de Sangatte, on a ainsi pu voir que 6 adultes sur 10 avaient une qualification équivalente à un bac +4.

Tout cela pour dire qu’il ne faut se leurrer sur les bienfaits éventuels des politiques de co-développement, qui ne pourront marcher que si elles sont massives et soutenues à long terme, et pas des boutons de culotte comme aujourd’hui.

Il ne faut pas non plus se faire d’illusion sur le traitement administrativo-policier de l’immigration que nous vendent les gouvernements. Le fait même qu’il existe une filière clandestine d’immigration parallèle à la filière légale montre que les consignes des Etats en matière d’immigration ne sont pas en adéquation avec les besoins économiques réels (un clandestin étant obligé de travailler pour vivre, le fait même qu’ils restent sur le territoire montre qu’ils trouvent à s’employer). Je trouve d’ailleurs assez surprenant que personne à droite ne relève le caractère complètement contradictoire de la politique "d’immigration choisie" -du dirigisme digne de l’Union Soviétique - avec le libéralisme professé par le même gouvernement. Le seul résultat de tout cela, c’est qu’on se retrouve avec tout une catégorie de gens qui échappe au suivi administratif (sauf en ce qui concerne leurs impôts, bien sûr) qui serait nécessaire pour que leur intégration se déroule convenablement. Et ce n’est pas l’absurde politique du chiffre qui est actuellement mise en place (et dans laquelle on intègre, je le rappelle, des ressortissants de futurs membres de l’espace Schengen, histoire de gonfler les statistisques) qui changera quoi que ce soit à cet état de fait, tant que les entreprises françaises offriront des rémunérations supérieures à celles des pays d’émigration.

D’une manière générale, toutes les politiques d’immigration se basent sur la responsabilisation de l’immigré, concept qui n’a aucun sens car dans un système mondialisé, la première responsabilité d’un homme est d’assurer des revenus les plus élévés possibles à lui-même et à sa famille. Immigrer clandestinement est peut-être interdit légalement, mais d’un point de vue moral cela n’a rien de répréhensible, donc, sauf à nous comporter comme des barbares, les sanctions prises à l’encontre des clandestins ne seront jamais dissuasives.


Voir ce commentaire dans son contexte





Palmarès