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Commentaire de René Job

sur Quand l'Education nationale se lance dans l'apologie de la mondialisation


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René Job (---.---.131.38) 14 décembre 2006 15:50

@ Philippe Renève

Tout d’abord, merci pour le plaisir de cette conversation.

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« J’entends par science (ou théorie scientifique) un ensemble de propositions cohérentes reposant sur un véritable postulat, non démontrable et non récusable : elle vaut ce que vaut le postulat. Et par idéologie, a contrario, un système fondé sur des bases présupposées et destructibles. »

Oui, une théorie est un ensemble de croyances projeté sur ce que nous pensons être du « réel ». La réalité est donc de la croyance. Pour que l’adhésion fonctionne, il faut l’impression effective que l’expérience valide chacune des croyances. Chaque proposition exprime un degré de validation collective de cette expérience. Ainsi quand nous disons qu’une proposition est évidente, nous ne disons rien d’autre que : quiconque prendra la peine d’examiner mentalement le phénomène décrit conviendra qu’on peut croire ce qu’on en dit. C’est donc de l’expérience individuelle partagée que la science procède. Je pense à une certaine expérience de physique où les observateurs n’interprétaient pas de la même manière la chute d’un objet depuis le haut d’une tour pisane.

Là où ça devient scabreux, c’est lorsque les croyances portent sur un ensemble de phénomènes supposés existants et que tout le discours tend à valider les intérêts sociaux de groupes humains minoritaires avec l’intention affichée de jouer un rôle de conseiller prés les gouvernements. On voit donc le Politique absorbé par l’Economique.

Là, je soutiens que nous sommes dans un discours pseudo scientifique dont la fonction est de pré-orienté les choix collectifs en faveur d’une minorité. Autrement dit, les événements ainsi provoqués viendront par l’expérience valider le discours et le reconduire sans que quiconque ait l’idée d’en discuter les mécanismes puisque croyances vérifiées par la simple observation de phénomènes qui nous seraient extérieurs (sur le modèle de la Physique). On parlera alors de lois naturelles.

Sur l’ordonnancement de la science économique par rapport à la Sociologie. Je ne vous suis pas car justement l’Economie est entrain d’absorber aussi cette discipline. J’aime bien la sociologie parce qu’elle distingue bien entre phénomènes collectifs et phénomènes individuels. Bien que je trouve que nombre de sociologues ne sont pas complets au sens où ils versent trop dans le quantitativisme à travers l’instrument statistique. Par contre, attendez vous à vivre un retournement : la sociologie comme branche de l’Economie. Le phénomène est en cours. Ce qui fait que les premières propositions de la Sociologie seront fonction de celles de l’Economie. Un agrégat économique de type keynésien n’est rien d’autre que la somme de ses parties. Ce qui remettrait en cause la distinction sus-énoncée. Le seul évènement positif pour lutter contre ce processus d’absorption pourrait venir des travaux des Nouvelles Technologies et Sciences de la Cognition (NTSC) qui ont bien montré que dans le Tout, il y a des propriétés émergentes qui n’existent pas au niveau des parties. Ce qui favoriserait un autre discours plus explicatif et moins dogmatique.

Le problème vient de la liaison de la discipline économique avec les intérêts économiques. Smith a bien vu cet aspect du problème. Il voyait bien que les gens les plus intelligents dans ces choses étaient aussi ceux qui avaient les plus forts intérêts socio-économiques. Le risque était donc que ces derniers travaillent habilement à orienter le Politique dans le sens de leurs seuls intérêts en faisant miroiter aux autres des possibilités de participation à leur mouvement d’enrichissement sur la base d’une tromperie analogique (voir Rousseau). Phénomène qui aurait par contre coup tendance à remettre en question les régimes politiques de type démocratique. Car la démocratie est le régime de contre-pouvoirs où le peuple des citoyens décident de tout y compris d’une autre façon de vivre ensemble.

Je ne souscris pas non plus à votre idée de recherche des équilibres entre les différents aspects bien que j’aime votre mouvement de complétude. Effectivement penser en fonction uniquement d’un aspect n’a pas de sens sinon que méthodologique (décomposition du complexe en partie simples) au risque de devoir ensuite retrouver les articulations qui rendent un discours total cohérent. On a bien vu les risques politiques de ce genre de pratique : l’individu n’existe qu’en relation avec la dimension « Production ». Il doit être une fonction travail productive, efficiente, exploitable. Les « communistes » ont validé la vision micro-économique chosifiante. Je suis en accord avec Dea Balta sur la perte de la dimension spirituelle dans ces formes du penser. L’homme a été réifié. C’est aussi ça la faillite idéologique des « gauches ». Son incapacité à construire un autre discours économique un peu plus sérieux et explicatif. Parce que l’individu est une réalité imaginaire parlante : elle s’adresse à l’être en nous désireux d’accumuler les objets de puissance et de jouissance de manière illimitée. C’est la logique de la corne d’abondance qui produit un enrichissement personnel sans fin en faisant oublier le sort de Midas.

Nous discutons aussi de la fin du keynésianisme vers les années 70. Ce qu’on oublie, c’est que Keynes n’a été suivi qu’en temps de crise macro-politique. Le New Deal, la Seconde Guerre Mondiale, la Guerre Froide. Dans une période historique relativement calme (ce qui ne veut pas dire que des dangers importants n’existent pas), une pensée équilibrante et partageuse n’est pas souhaitée par les riches. Ils n’ont plus besoin de sacrifier aux peuples. La tromperie analogique fonctionne suffisamment bien pour que la majorité suive contre ses propres intérêts en croyant les servir au mieux (l’individu n’est-il pas « doué » d’un bon sens ?).

Vous dites aussi :

« En ce sens, je dis et je maintiens qu’il existe une science économique, fondée à l’intérieur de la sociologie, dont elle n’est qu’une branche, sur l’hypothèse logique que les activités économiques de l’homme peuvent être, au moins pour partie, isolées des autres activités et étudiées indépendamment. Ce postulat, réducteur et discutable, est toutefois très difficile à réfuter dans son principe. »

L’individu, réduction de l’homme à ses actes calculables, n’existe pas en soi. Voir les questions relatives aux « enfants sauvages ». Il n’y a pas « d’individu ». C’est un concept qui n’a de réalité complète que parce qu’il se fonde sur le sentiment de soi propre à tout homme et à ses aspects strictement égoïstes. L’égoïsme étant alors élevé en doctrine passionnelle au point d’effacer toute autre considération. La doctrine de l’intérêt, c’est la doctrine de l’égoïsme calculable. L’altruisme n’est rien d’autre que la somme des égoïsmes individuels fondé sur le constat que ce qui arrive à autrui peut m’arriver à moi aussi. C’est une solidarité intéressée qui en découle. Quand dans le sentiment de soi, on n’a plus l’impression que des risques peuvent nous touchés ou bien qu’ils le peuvent, arrive alors deux possibilités : soit on ne veut plus partager parce qu’on ne se sent plus concerner, soit on ne le veut plus parce qu’on se sent concerner mais mal protéger puisque trop d’individus (et oui les autres ont intérêts à agir aussi) bénéficient de la solidarité. Des groupes homogènes d’individus ont tendance à se former et à s’affronter pour savoir qui aura le droit à protection et qui n’y aura plus droit. C’est là où le Politique intervient pour arbitrer.

La réalité du concept individu est mentale. Il existe sur le plan imaginaire où il a la même consistance que le réel. C’est donc une entité conceptuelle imaginaire qui dispose d’une force psychique analogue aux forces du réel. On peut tout aussi bien croire en l’existence des chimères ou des anges. Sa valeur explicative tient dans le fait qu’expérimentalement, par intérêt et éducation (formation, instruction), il exprime une des nombreuses tendances humaines en l’hypertrophiant. Tous les jours nous avons donc tendance à croire que la réalité individuelle existe. Tout se passe comme si...

Nous nous construisons en relation les uns avec les autres. Nous sommes des produits sociaux (effets de langages) qui disposent d’une part de singularité parce que nous sommes aussi distinct concrètement sur le plan physico-chimique les uns des autres. Les maladies sont collectives. Le désir d’amour est collectif. La vie est collective (par exemple : la dégradation de l’environnement qui est aussi le milieu qui conditionne la survie de notre espèce...et de bien d’autres).

L’individu est un fantasme égologique qui trouve sa source dans une volonté de toute puissance. L’économie, à l’heure actuelle, est la discipline des enfants immatures qui se voudraient d’essence divine.

Il n’y a pas non plus de science de l’individu. Les croyances scientifiques reposent sur des expériences répétées et traduitent en terme collectif puis rédigées sous forme de propositions conventionnelles applicables avec ou sans démonstrations. Autrement, nous n’aurions que des solipsismes. Le cas de l’Economie est spécial au sens où il s’adresse à des motivations précises en l’homme. C’est un discours intéressant et très intéressé sur le plan du positionnement de chacun dans un groupe donné. Il porte reconnaissance et valorisation de soi. L’attribution des richesses par les plus puissants en dépend. Le discours économique est aussi implicitement la reconnaissance des rapports de domination (la libre concurrence, la lutte entre les individus, la répartition des richesses entre individus méritants, les avantages comparatifs, la main invisible, etc.).

Pour en sortir, il faut une nouvelle pensée sociale. Une nouvelle philosophie. On la trouvera non chez les modernes mais chez les Anciens. On la trouvera dans ce que les modernes n’ont pas repris des Anciens. Presque toutes les pensées des modernes sont des égologies géométrisantes. Ma raison, c’est toute les raisons. Tout fonctionne comme moi. Si ça ne marche pas comme moi alors que je ne suis pas « malade », c’est que l’autre l’est.

Mesurer des sociétés dont les membres se prennent pour des individus est simplement mesurer des sociétés de grands malades à très vite déconditionnés. L’état global de la planète traduit les effets de l’individualisme égologique. L’homme n’est pas au centre. Il est une donnée d’un milieu singulier. S’il pense mal, il s’autodétruira. C’est pour l’instant la pensée animale irréfléchie qui prédomine dans les esprits.

Peu de gens liront tout ce que je viens d’écrire. C’est normal. C’est trop long. Le temps, c’est de l’argent. C’est même la première de toute les « matières premières » d’un individu puisque c’est la mesure de la durée qu’est son existence. Il faut donc rendre chaque moment mesurable utile. La matière est aussi du conceptuel. On ne peut façonner le monde que si on le modélise efficacement sur le plan de l’imaginaire pour s’en croire comme « maître et possesseur ». On pourra l’échanger en en traduisant la valeur supposée en prix.

Combien vaut la planète et tout ce qu’elle contient (individus compris) ?

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Très amicalement.


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