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Commentaire de Strega

sur Euthanasie : quand la vie obéit aux lois du marché


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Strega 7 juillet 2010 14:37

J’ai lu cet article avec grand intérêt.

Ceci dit il m’apparait loin de la réalité sociale. D’une part parce qu’il fustige certains progrès et changements de mentalité, notamment le droit à l’avortement et l’incinération. Mais il touche aussi à la question essentielle du suicide, puisque c’est de cela qu’il s’agit.

L’écrasante majorité des suicides sont liés à une affection mentale, provisoire ou de longue durée. Coups de blues, psychopathologies, coups de folie, pression sociale en sont les moteurs. L’idée est d’en limiter l’apparition, de modérer autant que possible les facteurs déclenchants, de traiter le malade (puisque la dépression est une maladie) jusqu’à guérison ou, dans le cas de malades à vie dont je fais partie, de permettre à l’individu de mener une vie aussi épanouissante que possible, encadrée par le corps médical.

Lorsque vous parler de volonté de mourir non-liée à la maladie mentale (aussi appelé suicide philosophique), vous parlez d’une infime minorité des suicidants. Et vous avez donc plutôt raison de dénoncer ces émissions-choc montrant de telles personnes ultra-minoritaires. Ces personnes-là n’ont pas à réclamer l’assistance de l’Etat pour mettre fin à leurs jours ; l’euthanasie est donc une abomination, un pousse-au-suicide. L’Etat s’y intéresse-t-il afin de purger une partie des personnes âgées et alléger leur charge ? Je n’ose l’imaginer.

Mais on assiste aujourd’hui à l’excès inverse : l’acharnement thérapeutique. Maintenir en vie un malade contre vents et marées, et contre sa volonté. Ce genre de pratique doit être vigoureusement combattu. Un malade doit avoir le choix de dire : Débranchez-moi. Ceci est un droit. On a le droit de ne plus vivre ; on peut à tout instant chercher à le faire. C’est une liberté fondamentale. On peut refuser médicaments, nourriture, arrêter de respirer ou d’aller aux toilettes. Je le sais d’expérience pour avoir arpenté inlassablement les couloirs des services psychiatriques : on ne peut soigner quelqu’un contre son gré. Si un malade ne veut pas qu’on l’aide, toute tentative de soin à long terme est vouée à l’échec. C’est pourquoi une bonne partie du travail en psychiatrie consiste à faire prendre conscience au patient de la nécessité de se soigner. Mais si une personne âgée veut être débranchée, il faut pouvoir définir si ceci est un choix clairement réfléchi ou un acte de désespoir. Et s’il y a désespoir, il faut en traiter les causes. Parce qu’elle est peut-être battue ou isolée, elle s’ennuie ou se sent partir. Il y a un énorme travail des personnels de santé « du grand âge » pour éviter ce genre de travers. Mais il y a encore à faire, en témoignent ces structures pointées du doigt pour les maltraitances.

Il y a une chose qui m’a assez frappé dans votre article : le lien fait entre euthanasie d’une personne âgée et euthanasie des handicapés mentaux. Il y a un principe élémentaire à ne pas oublier ; un handicapé mental pris en charge et désireux de se soigner ne peut par définition pas être en pleine clarté d’esprit s’il demande à être euthanasié. D’une part parce que c’est de sa part une demande de suicide, d’autre part parce que cela va complètement à l’encontre de la méthode de soin en psychiatrie.

J’ai vu des personnes en psychiatrie, de n’importe quel âge, demander aux infirmiers de les euthanasier. C’est extrêmement choquant. Trois jours après, la personne avait complètement changé de discours et reprenait goût à la vie. Puis rechute. Jusqu’à être stabilisée. C’est difficile. Ça ne marche pas toujours. Certains malades s’abandonnent, n’y croient plus, quittent le soin et replongent. Qu’une chose soit dite, c’est que ce ne sont pas les malades internés qui sont les plus à craindre, mais ceux qui ne le sont pas, ou plus alors qu’ils le devraient encore.

Que l’Etat initie des euthanasies restera, dans tous les cas, une atrocité. C’est au cours de la seconde guerre mondiale qu’un pays, parce qu’ils étaient jugés « inaptes », inutiles, impurs et coûteux, a décidé des euthanasies massives de personnes handicapées. C’était le troisième Reich. On connait leur moralité. Faire de même envers des personnes âgées serait de notre part nous mettre à leur niveau de barbarie.

Je finirai par ces quelques mots : Le suicide ou la vie. Un choix personnel et intransmissible à un quelconque gouvernement. Et si une personne veut s’éteindre, laissez-là s’en aller en paix.


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