"Il faut le combler, ce gouffre effroyable.
Eh bien ! Voici la liste des propriétaires français. Choisissez parmi
les plus riches, afin de sacrifier moins de citoyens ; mais
choisissez ; car ne faut-il pas qu’un petit nombre périsse pour sauver
la masse du peuple ?
Allons, ces deux mille notables possèdent de quoi combler le déficit.
Ramenez l’ordre dans vos finances, la paix et la prospérité dans le
royaume (...).
Vous reculez d’horreur... Hommes inconséquents ! Hommes pusillanimes !
Et ne voyez-vous pas qu’en décrétant la banqueroute, vous vous souillez
d’un acte mille fois plus criminel ? (...) Croyez-vous que les
milliers, les millions d’hommes qui perdront en un instant, par
l’explosion terrible ou par ses contrecoups, tout ce qui faisait la
consolation de leur vie, et peut-être leur unique moyen de la
sustenter, vous laisseront paisiblement jouir de votre crime ?
Contemplateurs stoïques des maux incalculables que cette catastrophe
vomira sur la France, impassibles égoïstes, êtes-vous bien sûrs que
tant d’hommes sans pain vous laisseront tranquillement savourer les
mets dont vous n’avez voulu diminuer ni le nombre ni la délicatesse ?
Non : vous périrez."
Discours par lequel Mirabeau exhorta l’Assemblée
constituante, face à la crise, à décider la confiscation d’un quart des
plus grandes fortunes (1789).