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Commentaire de Brath-z

sur « Robespierre a été un grand dirigeant de la démocratie en acte »


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Brath-z Brath-z 12 juin 2011 09:09

C’est amusant que tu mentionnes ce fait, ffi, car j’ai justement relu hier le discours de Maximilien Robespierre sur l’Angleterre et ses manœuvres en 1789 et après. Je copie ici le passage le plus explicite :

Maximilien Robespierre, Rapport sur la situation politique de la République, prononcé devant la Convention Nationale le 27 brumaire an II (17 décembre 1793)

« Il est connu aujourd’hui de tout le monde que la politique du cabinet de Londres contribua beaucoup à donner le premier branle à notre révolution. Ses projets étaient vastes ; il voulait, au milieu des orages politiques, conduire la France, épuisée et démembrée, à un changement de dynastie, et placer le duc d’York sur le trône de Louis XVI. Ce projet devait être favorisé par les intrigues et par la puissance de la maison d’Orléans, dont le chef, ennemi de la cour de France, était, depuis longtemps étroitement lié avec celle d’Angleterre. Content des honneurs de la vengeance et du titre de beau-père du roi, l’insouciant Philippe aurait facilement consenti à finir sa carrière au sein du repos et de la volupté. L’exécution de ce plan devait assurer à L’Angleterre les trois grands objets de son ambition ou de sa jalousie, Toulon, Dunkerque et nos colonies. Maître à la fois de ces importantes possessions, maître de la mer et de la France, le gouvernement anglais aurait bientôt forcé l’Amérique à rentrer sous la domination de Georges. Il est à remarquer que ce cabinet a conduit de front, en France et dans les États Unis, deux intrigues parallèles, qui tendaient au même but : tandis qu’il cherchait à séparer le midi de la France du nord, il conspirait pour détacher les provinces septentrionales de l’Amérique des provinces méridionales, et comme on s’efforce encore aujourd’hui de fédéraliser notre République, on travaille à Philadelphie à rompre les liens de la confédération qui unissent les différentes portions de la république américaine.

Ce plan était hardi ; mais le génie consiste moins à former des plans hardis qu’à calculer les moyens qu’on a de les exécuter. L’homme le moins propre à deviner le caractère et les ressources d’un grand peuple est peut-être celui qui est le plus habile dans l’art de corrompre un parlement. Qui peut moins apprécier les prodiges qu’enfante l’amour de la liberté que l’homme vil dont le métier est de mettre en jeu tous les vices des esclaves ?

Semblable à un enfant dont la main débile est blessée par une arme terrible qu’elle a l’imprudence de toucher, Pitt voulut jouer avec le peuple français, et il en a été foudroyé. Pitt s’est grossièrement trompé sur notre révolution ; comme Louis XVI et les aristocrates français, abusés par leur mépris pour le peuple, mépris fondé uniquement sur la conscience de leur propre bassesse. Trop immoral pour croire aux vertus républicaines, trop peu philosophe pour faire un pas vers l’avenir, le ministre de Georges était au dessous de son siècle ; le siècle s’élançait vers la liberté, et Pitt voulait le faire rétrograder vers la barbarie et vers le despotisme. Aussi l’ensemble des événements a trahi jusqu’ici ses rêves ambitieux, il a vu briser tour à tour par la force populaire les divers instruments dont il s’est servi ; il a vu disparaître Necker, d’Orléans, La Fayette, Lameth, Dumourier, Custine, Brissot, et tous les pygmées de la Gironde. Le peuple français s’est dégagé jusqu’ici des fils de ses intrigues, comme Hercule d’une toile d’araignée. »

Pour ce qui est de la franc-maçonnerie et de son influence, il serait idiot de la nier quand Philippe d’Orléans (pas encore Égalité) était le grand maître de la loge française et qu’une part importante des parlementaires tant de la Constituante que de la Législative puis de la Convention en étaient membres. Néanmoins, il faut distinguer au sein de la Révolution une rupture entre 1789 et 1791, et une autre entre 1791 et 1793.

En effet, sous la Constituante, une grande majorité des parlementaires, même franc-maçons, est croyante, soit catholique, soit déiste (comme l’était Robespierre lui-même). Le rejet des formes de la catholicité durant cette période s’est faite sur l’idée que la religion avait été détournée de son objet par de mauvais prêtres. Le culte de l’Être Suprême, la Religion Naturelle et même la théophilantropie et le culte de la Déesse Raison (que Robespierre combattra comme « athéisme » sous la Convention, et qui était porté par une fraction des Enragés, puis, surtout, par les Exagérés et les mascarades antireligieuses) n’étaient au fond que des catholicismes dévêtus des formes du culte et des commandements du dogme. La franc-maçonnerie était alors à la pointe de ce combat, réussissant à rejeter le statut particulier du catholicisme que le côté droit (l’abbé Maury, notamment) avait obtenu peu de temps auparavant. Malgré tout, le serment des prêtres lui conférait un statut particulier.
Sous la Législative, on voit apparaître pour la première fois un fort parti athée, qui entend d’abord débarrasser la France du « fanatisme » et de « l’obscurité » (les Francs-Maçons étant « fils de la Lumière », on comprend que ce vocabulaire est le leur) puis ensuite, sous la Convention, combattre la religion sous toutes ses formes.
C’est précisément sous la Convention qu’apparaît une nouvelle ligne de fracture entre les déistes et les athées. La cérémonie en l’honneur de l’Être Suprême (une idée qui date de bien avant la Révolution) au cours de laquelle la statue de l’athéisme a été brûlée pour laisser place à la Raison est typique de cet affrontement. On trouvait des francs-maçons aussi bien chez les athées (Vadier) que chez les déistes (Couthon). Notons que ces derniers ont été vus après thermidor comme les défenseurs de la religion, avant d’être honnis comme responsables des mascarades antireligieuses (commises par ceux qui les ont fait chuter le 10 thermidor an II !) sous le Directoire.


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