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Commentaire de Lorenzo

sur Contrat première embauche : bouc émissaire des universités


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Lorenzo (---.---.117.10) 19 mars 2006 16:35

Bonjour à tous,

Machinchose, la question qui se pose à nous aujourd’hui n’est pas de savoir si on doit rétablir le travail des enfants ou tout autre abus de ce genre dans nos sociétés. Ne prenez pas le problème à l’envers : le problème est que nous, sociétés développées, ne maîtrisons en aucune manière ce qui se passe dans les pays à bas coût de main d’oeuvre comme la Chine ou l’Inde, en particulier en matière d’acquis sociaux et de droit du travail. Sans parler des régimes en place (la Chine reste une dictature, mais pas l’Inde par exemple), les cultures locales, la manière d’appréhender le travail, et pourquoi ne pas le dire, la motivation des gens (les salariés de ces pays sentent que leur avenir est devant eux) sont très différentes.

La réalité du monde d’aujourd’hui est que la maîtrise d’un certain nombre des leviers indispensables pour assurer la prospérité et le bien-être de tous nous échappe (ou alors il faut m’expliquer ce que nous pouvons faire à l’échelle de la France ou même de l’Europe pour contrer la tendance en cours). Nous pouvons essayer d’aller faire la révolution en Chine pour changer les choses, mais très honnêtement, je doute que cela soit couronné de succès (les étudiants de Tien-an-Men en 1989 s’y sont cassés les dents avant nous).

La mise à niveau des salaires indiens ou chinois par rapport aux nôtres n’est pas pour demain, même à raison de 15% ou 20% d’augmentation par an dans certains secteurs... on part de très loin ! En Inde, vous pouvez payer une trentaine de personnes pour développer des logiciels pour le prix d’un programmeur français. Que pouvons-nous faire face à cela ? Vous allez me répondre peut-être : « augmentons les salaires des travailleurs indiens ! ». Mais ce n’est même pas une attente de leur part ! Les développeurs indiens cités ci-avant sont très contents de leur sort, car le salaire qu’ils ont déjà, si faible soit-il à nos yeux, leur donne un très bon pouvoir d’achat dans leur pays... !

Les patrons, je vous le rappelle, ont la possibilité, dans un contexte d’économie mondialisée, de délocaliser le travail pour trouver ailleurs l’avantage concurrentiel qu’ils ont perdu. Ce n’est pas parce qu’ils trouvent ça bien ou parce qu’ils ont une aversion particulière à l’égard du salarié français, mais parce que la survie de leurs entreprises (celles qui emploient des gens et qui permettent à ces derniers de vivre, justement...) en dépend. Si vous vous mettez un instant à la place d’un patron, que préférez-vous dans ce cas ? La mort de votre entreprise ou la possibilité de continuer ailleurs ?

Dans les deux cas, des cohortes de salariés se retrouvent au chômage en France. Donc la question que nous devons nous poser, c’est de savoir comment maintenir le travail en France. Et pas par des mesures coercitives. Il faut au contraire créer un climat favorable pour les entrepreneurs, chose qui n’existe pas en France aujourd’hui. Et pourtant, ce sont les entrepreneurs qui créent les emplois. Alors pourquoi une telle aversion envers les patrons dans ce pays ?

Notre seule chance, je regrette de le dire, est de nous adapter du mieux que nous le pouvons à des règles que nous n’avons pas choisies mais qui s’imposent de fait à nous.

Au cas où nous ne l’aurions pas remarqué, nous ne sommes plus au temps des canonières. Il était facile, en ce temps-là, d’imposer nos vues au monde entier (à la Chine et à l’Inde justement, entre autres...) mais cette époque est malheureusement révolue.

Dans l’autre sens, il y a aussi l’idée de fermer les frontières pour se protéger (comme le proposent certaines personnes très très très à droite). Mais attention ça va dans les deux sens : il ne faudra pas essayer d’aller vendre des Airbus ou des centrales nucléaires ailleurs dans ce cas... ! Or, la prospérité d’un pays dépend quand même en grande partie de ce que ses entreprises sont capables de... vendre ! Comment assurer la prospérité de tous en France, si nous ne vendons plus rien ?

Comprenez-moi bien, Machinchose, je ne dis pas que ce qui se passe actuellement est bien, je suis le premier à trouver cela terrible au contraire. Mais c’est une réalité que nous ne pouvons plus faire semblant d’ignorer. Alors n’essayons pas d’avoir le beurre, l’argent du beurre et la crémière en prime. Nous devons avoir une approche un peu plus volontariste par rapport à une situation où nous avons une marge de manoeuvre plus que limitée. Le CPE est-il une réponse ? Je n’en sais rien, mais n’ayons pas peur d’essayer. Croyez-vous que la précarité des jeunes n’existe pas de fait dans la situation actuelle où ils passent de stage en stage et de CDD en CDD et d’intérim en intérim ?

En revanche, je vous rejoins totalement sur le fait que cette réponse possible (le CPE) doit aller de pair avec un coup de fouet en matière de politique de l’éducation. Mais attention, vous devez penser à ceux qui sont déjà bien avancés dans leur cursus éducatif actuel, et ceux qui en sont déjà sortis ! Les effets d’une nouvelle politique en matière d’éducation ne pourront se faire sentir que dans 5 à 10 ans, pas avant !

Très cordialement. Lorenzo.


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