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Commentaire de Mwana Mikombo

sur Hollande au Congo : la France doit tenir bon


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Mwana Mikombo 30 octobre 2012 15:39

Cher Musavuli

Il n’est jamais trop tard, même après beaucoup de temps, quand on parvient à découvrir une réalité cruciale soigneusement camouflée qui vous concerne. La découverte, c’est la condition sans laquelle aucun horizon n’est envisageable. Le manque de découverte, c’est l’inconscience. Les africains se débattent et s’étouffent les uns contre les autres comme des poissons dans un filet ou des mouches dans une toile d’araignée. Ce filet, ou cette toile d’araignée, est tissé et tendu par les occidentaux. Les africains n’en ont aucune conscience. Peut-on envisager quelque solution pour sortir de cette léthargie ?

Vous affirmez partager une grande partie de ma réflexion. Je m’en réjouis et c’est tant mieux. Cependant, un point capital suscite vos réserves. Il s’agit de la nécessité, dès maintenant, de projeter l’effacement des frontières coloniales et néocoloniales. Votre réticence repose sur deux raisons : 1°) les dirigeants africains d’aujourd’hui sont hostiles à toute modification des frontières coloniales ; 2°) les occidentaux qui s’en mêleraient. La première raison est la pierre angulaire de la charte de l’UA, chambre d’enregistrement des états généraux coloniaux. Pourquoi donc on se torture tant si c’est pour entretenir les carcans coloniaux ?

Vous remarquerez, malgré tout, que le Soudan a récemment été partagé en deux et qu’actuellement l’hypothèque du partage du Mali imposé par la rébellion Touareg peine à être levée. Elle le sera sans doute probablement dans les mois à venir, car le bon dieu François Hollande s’y prépare. L’argument du Soudan et du Mali n’est peut-être pas suffisant d’autant plus que ces deux exemples vont dans le sens de la logique coloniale de la balkanisation de l’Afrique contrairement à la logique du regroupement fraternel des pays africains qui nous intéresse ici. Mais, ces deux exemples suggèrent déjà que les frontières coloniales peuvent subir des modifications malgré l’hostilité de l’UA. Mais, l’hostilité de l’UA et l’intervention des occidentaux ne sont pas exemptes des risques. Elles peuvent être paralysées en fonction de l’opportunisme et de l’ampleur du mouvement indépendantiste. La vraie raison pouvant fonder une réticence n’est donc pas là. La raison profonde de votre réticence, c’est votre fascination devant le fait colonial comme la fascination d’un esclave envers son maître. Cette fascination consiste à attendre des dirigeants africains actuels la remise en cause des frontières coloniales. Sous cet angle, bien évidemment, rien n’est faisable. Nos Etats coloniaux et néocoloniaux ne le feront jamais ! Jamais ! C’est le pacte néocolonial, leur profession de foi !

Vous pensez que la remise en cause des frontières coloniales et néocoloniales par les Etats africains actuels est possible si ces Etats parvenaient à contrôler l’ensemble de leurs territoires. C’est une grave erreur, car, sans aller très loin, ce contrôle des territoires par nos Etats néocoloniaux se fait déjà sous l’égide des occidentaux. Même les affrontements et guerres fratricides qui ravagent le continent comme actuellement en République démocratique du Congo sont leur façon de contrôler leurs territoires. Vous pensez encore que la disparition des frontières coloniales est possible si l’Afrique se démocratise profondément et respecte les droits de l’homme. C’est encore une grave erreur d’appréciation. Quand on dit « démocratie », on parle de quoi ? La démocratie est un concept européen qui, paraît-il, signifie le pouvoir du peuple par le peuple et pour le peuple. Alors, y a t-il en Afrique un seul pays où un tel pouvoir existe ne serait-ce que dans les balbutiements ? Même en Europe et en Amérique, initiateurs de la démocratie, vous aurez du mal à trouver un pays où un tel pouvoir existe réellement puisque dans tous ces pays, les peuples sont pris à la gorge par une grave crise économique et sociale imposée par leurs ploutocraties, c’est-à-dire des pouvoirs au-dessus de leurs peuples et jouant contre leurs peuples. Et pour voir la démocratie en profondeur, il faudrait même s’entendre sur le concept « peuple » dans lequel chacun met ce qu’il veut. Pour ma part, la démocratie en Afrique n’est qu’un slogan creux dicté par les occidentaux. Il en est de même des « droits de l’homme » que le célèbre opposant nationaliste camerounais, Mongo Béti, qualifiait à juste titre de « droits de l’homme blanc ». Ces slogans creux importés que les africains répètent mécaniquement, comme des perroquets, sous le dictat des occidentaux, n’ont pour but que de détourner les peuples africains de leur vrai combat, le combat pour la libération du joug des occidentaux, le combat pour la liberté du continent noir. La liberté d’abord ! La souveraineté d’abord. La démocratie ensuite, et encore s’il en faut.

Quand l’Europe était sous la botte nazie, le mot d’ordre des nations européennes n’était pas la démocratie, mais la libération du joug nazi. Les européens ne s’étaient pas offerts le luxe de jouer à la démocratie, ni aux« droits de l’homme » sous la botte des nazis. Ils ont d’abord livré la chasse aux nazis. La résistance était le seul honneur. Le mot d’ordre démocratique sans détail était : « A chacun son Bosch ! ». Les« droits de l’homme » ne rentraient pas en ligne de compte. Aujourd’hui encore, cette chasse aux nazis continue, pourtant les nazis, les hitlériens, étaient et sont eux aussi des hommes. Pourquoi veut on qu’il en soit autrement pour les africains ? Eh bien, c’est pour renvoyer la libération du continent noir par les noirs aux calendres grecs.

Enfin, vous dites qu’ « On ne fait pas disparaître une frontière entre un pays soumis à la dictature et un pays démocratisé ». Vous avez totalement raison, sous réserve de la définition des concepts de« dictature » et de « démocratie » élaborés en d’autres lieux. Pour moi, l’effacement des frontières coloniales et néocoloniales ne peut être mené que par la coalition des forces anti coloniales autochtones combattant dans des pays limitrophes, poursuivant l’objectif de regrouper leurs pays en une fédération étendue. Je suis sûr qu’un tel mouvement fédérateur des résistants noirs africains soulèvera l’enthousiasme des masses, non seulement dans la région même, mais partout en Afrique, dans la diaspora noire ainsi que dans les colonies en Outre-mer. La représentativité transfrontalière, autrement dit la vocation à effacer les frontières et à fédérer les peuples des états transfrontaliers, est l’un des critères solides sur lesquels repose l’authenticité d’un mouvement de libération nationale en Afrique noire.


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