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Commentaire de rosebud

sur Gaz de schiste : désastre financier ou écologique ?


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rosebud 1er mars 2013 16:55

Non la vraie nuisance c’est l’ignorance ! il n’y a plus guère que Claude Allègre pour prétendre que le réchauffement est une vue de l’esprit- le dernier avertissement (sévère) concernant les conséquences du réchauffement climatique a été donné le 18 novembre par la Banque Mondiale elle-même.


Par ailleurs concernant cette très naïve idée que le gaz de schiste pourrait rétablir notre prospérité économique, il faudra bien vous rendre compte que c’est fini les 30 glorieuses et qu’à partir de maintenant il va falloir fonctionner avec une croissance nulle quoiqu’en dise les promesses électorales- 

Ce qui est idiot (et mortifère) c’est de penser que l’environnement n’est qu’une commodité ou un décor interchangeable pour des junkies énergétiques incapables de produire quoique ce soit par eux-mêmes, juste en mode consommation non stop. Pour l’instant nous n’avons que cette planète comme socle de vie, donc la préserver est juste la moindre des choses.

Pour finir en ce qui concerne le « miracle américain » observez bien ce qu’il va se passer dans les prochains mois, dans le sillage de ce qui vient de se produire avec Cheasapeake :

Début 2012, deux consultants américains tirent la sonnette d’alarme dans Petroleum Review, la principale revue de l’industrie pétrolière britannique. Tout en s’interrogeant sur la « fiabilité et la durabilité des gisements de gaz de schiste américains », ils relèvent que les prévisions des industriels coïncident avec les nouvelles règles de la Securites and Exchange Commission (SEC), l’organisme fédéral de contrôle des marchés financiers. Adoptées en 2009, celles-ci autorisent en effet les compagnies à chiffrer le volume de leurs réserves comme bon leur semble, sans vérification par une autorité indépendante. 

Pour les industriels, la surestimation des gisements de gaz de schiste permet de faire passer au second plan les risques liés à leur exploitation. Or la fracturation hydraulique n’a pas seulement des effets délétères sur l’environnement : elle pose aussi un problème strictement économique, puisqu’elle génère une production à très faible durée de vie. Dans la revue Nature, un ancien conseiller scientifique du gouvernement britannique, David King, souligne que le rendement d’un puits de gaz de schiste décroche de 60 à 90% au terme de sa première année d’exploitation. 

Une chute aussi brutale rend évidemment illusoire tout objectif de rentabilité. Dès qu’un forage s’épuise, les opérateurs doivent à toute vitesse en creuser d’autres pour maintenir leur niveau de production et rembourser leurs dettes. Quand la conjoncture s’y prête, pareille course en avant peut faire illusion pendant quelques années. C’est ainsi que, combinée à une activité économique chétive, la production des puits de gaz de schiste - atone sur la durée, mais fulgurante à brève échéance - a provoqué une baisse spectaculaire des prix du gaz naturel aux Etats-Unis, passés de 7 à 8 dollars par million de BTU (British Thermal Unit) en 2008 à 3 dollars en 2012. 

Les spécialistes en placements financiers ne sont pas dupes. « L’économie de la fracturation est une économie destructrice, avertit le journaliste Wolf Richter dans Business Insider. L’extraction dévore le capital à une vitesse étonnante, laissant les exploitants sur une montagne de dettes lorsque la production s’écroule. Pour éviter que cette dégringolade n’entame leurs revenus, les compagnies doivent pomper encore et encore, en compensant les puits taris par d’autres qui le seront demain. Hélas, tôt ou tard, un tel schéma se heurte à un mur, celui de la réalité. »

Géologue ayant travaillé pour Amoco (avant sa fusion avec BP), M. Arthur Berman se dit lui-même surpris par le rythme « incroyablement élevé » de l’épuisement des gisements. Evoquant le site d’Eagle Ford, au Texas, - « la mère de tous les champs d’huile de schiste" -, il indique que la baisse annuelle de la production dépasse les 42% ». Pour s’assurer des résultats stables, les exploitants vont devoir forer « presque mille puits supplémentaires chaque année sur le même site. Soit une dépense de 10 à 12 milliards de dollars par an… Si on additionne tout cela, on en arrive au montant des sommes investies dans le sauvetage de l’industrie bancaire en 2008. Où est-ce qu’ils vont prendre tout cet argent ? »

La bulle gazière a déjà produit ses premiers effets sur quelques-unes des plus puissantes compagnie pétrolière de la planète. En juin dernier, le président-directeur général d’ExxonMobil, M. Rex Tillerson, criait famine en expliquant que la baisse des prix du gaz naturel aux Etats-Unis était certes une chance pour les consommateurs, mais une malédiction pour sa société, victime d’une diminution drastique de ses revenus. Alors que, devant ses actionnaires, ExxonMobil prétendait encore ne pas avoir perdu un seul centime à cause du gaz, M. Tillerson a tenu un discours presque larmoyant devant le Council on Foreign Relations (CFR) l’un des think tanks les plus influents du pays : « on est tous en train d’y laisser notre chemise. On ne gagne plus d’argent. Tout est dans le rouge. »

A peu près au même moment, la compagnie gazière britannique BG Group se voyait acculée à une « dépréciation de ses actifs dans le gaz naturel américain à hauteur de 1,3 milliard de dollars » synonyme de « baisse sensible de ses bénéfices intermédiaires ». Le 1er novembre 2012, après que la compagnie pétrolière Royal Dutch Schell eut enchaîné trois trimestres de résultats médiocres, avec une baisse cumulée de 24% sur un an, le service d’information du Dow Jones rapporta cette funeste nouvelle en s’alarmant du « préjudice » causé par l’engouement pour les gaz de schiste à l’ensemble du secteur boursier. 

Pourtant pionnière dans la course aux gaz de schiste, Chesapeake Energy n’échappe pas non plus à la bulle. Ecrasée sous le poids de ses dettes, l’entreprise américaine a dû mettre en vente une partie de ses actifs - des champs gaziers et des pipelines pour une valeur totale de 6,9 milliards de dollars - afin d’honorer les traites de ses créanciers. « La compagnie réduit un peu plus ses voiles, alors que son président-directeur général en avait fait l’un des leaders de la révolution des gaz de schiste » déplore le Washington Post. 

Comment les héros de cette “révolution” ont-ils pu tomber aussi bas ? L’analyste John Dizard observait dans le Financial Times du 6 mai 2012 que les producteurs de gaz de schiste avait dépensé des montants « deux, trois, quatre, voire cinq fois supérieurs à leurs fonds propres afin d’acquérir des terres, de forer des puits et mener à bien leurs programmes. » Pour financer la ruée vers l’or, il a fallu emprunter des sommes astronomiques « à des conditions complexes et exigeantes », Wall Street ne dérogeant pas à ses règles de conduite habituelles. Selon Dizard, la bulle gazière devrait pour tant continuer de croître, en raison de la dépendance des Etats-Unis à cette ressource économiquement explosive. « Compte tenu du rendement éphémère des puits de gaz de schiste, les forages vont devoir se poursuivre. Les prix finiront par s’ajuster à un niveau élevé et même très élevé, pour couvrir non seulement les dettes passées mais aussi des coûts de production réalistes. »

Il n’est pas exclu néanmoins que plusieurs grosses compagnies pétrolières se retrouvent confrontées simultanément à une même débâcle financière. Si cette hypothèse se confirmait, dit M. Berman, « on assisterait à deux ou trois faillites ou opérations de rachat retentissantes, en vertu de quoi chacun reprendrait ses billes et les capitaux s’évaporeraient. Ce serait le pire des scénarios. »

En d’autres termes, l’argument selon lequel les gaz de schiste prémuniraient les Etats-Unis ou l’humanité tout entière contre le “pic pétrolier” - niveau à partir duquel la combinaison des contraintes géologiques et économiques rendra l’extraction du brut insupportablement difficile et onéreuse - relèverait du conte de fées. Plusieurs rapports scientifiques indépendants parus récemment confirment que la “révolution” gazière n’apportera pas de sursis dans ce domaine. 

(Gaz de schiste, la grande escroquerie- In le monde diplomatique, mars 2013)




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