Paru dans l’Humanité :
UNE GUERRE, POUR QUOI, POUR QUI
?
Le détonateur éclata à Sarajevo. Mais les charges
étaient prêtes, patiemment accumulées depuis des années par les
milieux dirigeants européens. Dans la violence des affrontements
impérialistes, sur le terrain économique et sur le théâtre
colonial, il fallait détruire l’autre. Jaurès ne cessa d’alerter
sur la montée des périls, œuvrant jusqu’à la balle de Raoul
Villain pour conjurer le désastre, cherchant à unir les socialistes
et les classes ouvrières d’Europe contre un carnage où ils
avaient tout à perdre. « On croit mourir pour la patrie, on meurt
pour les industriels », écrira Anatole France lorsque ses yeux se
furent décillés sur la réalité du conflit. De 1913 à 1918, le
gain net des sociétés allemandes par action passa de 1,6 milliards
de marks à 2,2 milliards malgré la chute qui se profilait. Si
400.000 entreprises – surtout petites ou moyennes – disparurent
en France, Renault, Citroën, Berliet, Michelin réussirent à
dégager des profits spectaculaires et à accumuler des réserves qui
leur permirent de dévorer leurs concurrents.
La guerre nettoyait le terrain du
profit au profit des capitalistes dominants. Ainsi, le chimiste
Kulhmann, bien qu’ayant perdu ses installations dans le Nord et en
Lorraine, parvint à décupler son capital en quatre ans et à
multiplier son profit par six. Le patronat et les Cent familles qui
dominèrent l’après-guerre s’opposèrent farouchement et avec
beaucoup de succès à la loi du 1 juillet 1916 qui prévoyait
l’imposition des bénéfices exceptionnels de la guerre. Pour eux,
la guerre était une formidable conjoncture économique et un moyen
d’assoir leur puissance à l’échelle mondiale.
Mais ce sont les grandes entreprises
américaines qui ont le milieu tiré leur épingle de ce jeu
sanglant. Avant même l’entrée en guerre des Etats-Unis en 1917,
leur bénéfice avait triplé. Banquiers de la France et de
l’Angleterre en guerre, les capitalistes américains deviennent
alors les premiers exportateurs mondiaux de charbon, d’acier, de
machines, d’automobiles, de coton et produits alimentaires. Ils
récupérèrent alors à bas prix les investissements français en
Amérique, solidement assis sur leur prospérité : le plus gros
fournisseur de munitions de la guerre, Du Pont de Nemours, a fait
passer son profit en quatre ans de 6 à 266 millions de dollars.
Jaurès l’avait annoncé dès 1905 :
« La concurrence économique de peuple à peuple et d’individu,
l’appétit du gan, le besoin d’ouvrir à tout prix, même à coup
s de canon, des débouchés nouveaux pour dégager la production
capitaliste, encombrée et comme étouffée de son propre désordre,
tout cela entretient l’humanité d’aujourd’hui à l’état de
guerre permanente et latente ; ce qu’on appelle la guerre n’est
que l’explosion de ce feu souterrain qui circule dans toutes les
veines de la planète et qui est la fièvre chronique et profonde de
toute vie »… Est-ce vraiment si daté ?
http://www.humanite.fr/11-novembre-1918-cette-guerre-quil-ne-fallait-pas-faire-557172
Hummm ! Y a bon la guerre pour les capitalistes.