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Accueil du site > Culture & Loisirs > Culture > A quoi servent les éditeurs ?

A quoi servent les éditeurs ?

Le dimanche 12 septembre, une polémique littéraire a éclaté sur le net, dont les chroniqueurs de la rituelle et irremplaçable rentrée littéraire n’ont rien dit, et dont ils ne diront évidemment rien. Pourtant, on peut s’interroger... Et si ce mini-événement avait davantage d’importance et de signification que les débats autour du dernier Houellebecq et les sempiternelles spéculations autour de l’attribution des prix ? L’initiateur de la polémique a été François Bon. Sa « cible » : un livre tout récemment mis en ligne par son auteur, dans des conditions d’amateurisme et de désinvolture qui ont scandalisé notre star nationale de la littérature numérique. Le livre s’appelle Point vif, et son auteur Pierre Mari. Ce dernier n’est pas un débutant : il a déjà publié essais et romans, et pas chez n’importe quels éditeurs (PUF, Actes Sud...). Point vif a été refusé par Actes Sud, puis par tous les autres éditeurs sollicités. Quelle a été finalement la réaction de Pierre Mari ? Créer un blog, sans beaucoup d’illusion. Cela afin d’offrir à son texte un minimum de visibilité, comme il le dit dans sa présentation : « Ma seule préoccupation, aujourd’hui, est de chercher d’autres voies par lesquelles ce texte pourrait trouver un public. Qu’on me permette un aveu paradoxal : internet est très loin, à mes yeux, de constituer la forme rêvée. Je suis trop pénétré de la mystique du livre pour que ce moyen de diffusion constitue autre chose qu’un pis-aller, une manière de ne pas renoncer, de quêter un écho, d’éveiller des possibles et peut-être de susciter des rencontres. Mon horizon demeure, irréversiblement, le grain du papier et l’encre d’imprimerie. » Ces dernières lignes ont manifestement fait bondir François Bon. Dans une lettre ouverte à Pierre Mari intitulée « Un modèle de non-web », il dénonce la mise en ligne hâtive et bâclée d’un texte dont il proclame par ailleurs l’« excellence » et la « force ». Il regrette que l’auteur ait cédé à un mouvement d’orgueil solitaire et qu’il ne se soit pas adressé à ceux qui, comme lui, offrent un véritable service d’édition en ligne. Et qu’il n’ait pas davantage réfléchi à la stratégie d’accompagnement d’un texte qui mérite amplement d’être soutenu. Quelques heures plus tard, fin de la polémique, qui aura été finalement féconde : Pierre Mari accepte que Point vif soit prochainement édité par François Bon sur Publie.net. 

Cette petite agitation vite apaisée n’aurait guère d’intérêt si elle ne posait de vraies questions, auxquelles il importe de réfléchir d’urgence.

1) D’abord, comment expliquer la « spirale de refus », pour reprendre l’expression de François Bon, qui accule un auteur à la lassitude, et en définitive à une diffusion de son oeuvre vouée à l’échec ? Disons les choses comme elles méritent d’être dites : il y a quinze ans, Point vif aurait été accueilli par un éditeur, et il y a cinquante ans, aucun doute qu’on se serait battu pour le publier. François Bon rappelle à juste titre qu’un texte aussi fort aurait trouvé à la fois sa place sur l’étal des libraires, qu’il aurait été relayé par les revues – qui se seraient activées en sa faveur – et qu’un espace critique attentif, fervent, se serait déployé autour de lui. Le texte est inclassable, me dira-t-on. Certes. Il n’appartient à aucun genre défini, il est tantôt autobiographie, tantôt récit, tantôt méditation morale sur l’époque. Certes. Et alors ? Les éditeurs ne sont-ils pas là pour accompagner les créations « inclassables » et proposer à un public même restreint de les découvrir ? Qu’un éditeur comme Actes Sud, qui n’hésite pas à multiplier les déclarations de singularité et de résistance à la marchandisation du livre, ne veuille pas d’un tel texte, en dit long, à mon avis, sur l’état général de délabrement de l’édition en France.

2) Le net est-il l’avenir de la création littéraire ? La bataille du papier et du numérique est-elle engagée ? Les écrivains doivent-ils d’ores et déjà se préparer à de prochaines révolutions ? Sur ces questions, je me garderai bien de faire une réponse tranchée. Qui peut le faire, d’ailleurs ? Mais le simple fait qu’on commence à les poser est significatif. François Bon se demande, avec beaucoup de légitimité, si « les dispositifs traditionnels de l’édition sont encore à même d’accueillir les noyaux de la création ». Les « critères de publiabilité » sont aujourd’hui tels qu’internet peut constituer une aubaine miraculeuse pour des paroles singulières, vivantes, insolentes, dont la machine éditoriale ne veut pas. Comme le rappelait François Bon à un internaute qui l’accusait de vouloir « la mort du livre papier » : les éditeurs se débrouillent très bien pour organiser leur suicide tout seuls.

3) Qu’est-ce que l’espace public est donc devenu, dans un pays de vieille et forte tradition culturelle comme le nôtre, pour qu’un texte comme Point vif n’y ait plus accès, et pour que des milliers de lecteurs potentiels en soient privés ? Dans un article datant d’il y a plus de trente ans, et consacré à Bernard-Henri Lévy, sous le titre « L’industrie du vide », Cornelius Castoriadis dénonçait le « processus de destruction accélérée de l’espace public de pensée ». Nous en sommes toujours là aujourd’hui. Et plus que jamais. Les colères et les indignations ne servent même plus à rien, à ce stade. On reste sans voix, par exemple, quand Le Monde titre en première page sur le dernier Houellebecq : « une analyse aiguë du déclin de l’homme occidental ». De qui se moque-t-on ? Quels nigauds espère-t-on encore appâter avec cette nourriture avariée ? Et par quelle aberration en arrive-t-on à s’extasier devant une prose marinée dans la haine de soi et des autres ? Sans l’appui d’aucune artillerie médiatique, le livre de Pierre Mari nous interroge sur le travail contemporain en entreprise, le devenir peu reluisant de nos révoltes, le langage mécanique et désincarné dont nous sommes tous plus ou moins complices, la possibilité ou non de se frayer un chemin propre dans cette société irrespirable... De quoi renvoyer Houellebecq au néant de médiocrité névrotique dont aucun éditeur n’aurait jamais dû le sortir.

Qu’on se le dise – même si quelques lignes et quelques ferveurs rassemblées ne feront pas grand-chose contre la puissance de feu de la « rentrée littéraire ».

Et que François Bon soit remercié, une fois de plus, pour avoir fait office de passeur littéraire.


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8 réactions à cet article    


  • Halman Halman 16 septembre 2010 10:54

    Je l’ai téléchargé et mis sur mon pda pour le lire en format livre électronique.

    Rares sont les auteurs qui mettent leurs livres sur le net, comme DiCosmo ou De Rosnay.


    • tinga 16 septembre 2010 11:47

      Les éditeurs sont là pour faire du fric, le livre numérique est l’avenir, prenons l’édition musicale (partitions), les éditeurs font un maximum de de profit avec les compositeurs du domaine public, les collections sont maintenant disponibles en pdf dans les différentes bibliothèques numérisés, je possède sur une simple clé usb pour plusieurs dizaines de milliers d’euros de partitions , tout à fait légalement, et il en est de même pour la littérature classique.

      Les éditeurs font bien peu leur métier, ils ont plus un rôle de censeur et de formatage de la pensée.


      • ben_voyons_ ! ben_voyons_ ! 16 septembre 2010 22:01

        Pas mal ce discours de névrosé psychotique voyant des parasites partout, prônant l’individualisme total (et suicidaire) et proférant des menaces de mort envers autrui.
        N’oubliez quand même pas de prendre vos médicaments.


      • Emile Mourey Emile Mourey 16 septembre 2010 17:07

        Amusant et bien vu !

        Il n’ y a pas seulement les sociétés d’édition qui sont aveugles mais les médias et aussi les politiques et même la société.

        Il ne faut pas demander aux auteurs de donner à boire à des ânes qui n’ont pas soif. Cela fait déjà un certain nombre d’années, pour ma part, que je me suis fait une raison. J’ai publié mes sept premiers ouvrages en auto-édition. Et aujourd’hui, je me contente de faire de temps en temps quelques articles sur Agoravox, histoire de préciser ou de développer quelques points avec mon commentateur régulier Antenor. http://www.agoravox.fr/actualites/religions/article/a-la-recherche-du-mahomet-81224

        Dommage, car notre société est en pleine confusion idéologique ; et on annonce même le retour au religieux. Pauvre Marcel Gauchet qui préconisait la sortie de la religion tout en ne refusant pas une nouvelle spiritualité qui serait repartie sur les bases d’une histoire mieux comprise !


        • Defrance Defrance 16 septembre 2010 21:16

          A RIEN !

           Il suffit de demander quelques N° ISBN, puis faire imprimer son livre chez un imprimeur indépendant . Le seul problème est de le faire connaitre et là il est vrai que les éditeurs sont capable de vous faire acheter n’importe quoi , y compris du BHL pour empocher 30 a40 % du prix de vente !

           Quand au livre électronique, c’est trop fatiguant a lire, difficile a trimballer partout dans la poche .. bref un gadjet qui se vend bien aussi ?


          • vinvin 17 septembre 2010 01:42

            En dehors de l’ édition en ligne, du genre « publi-net », sachez que concernant l’ édition papier, il est possible de s’ « auto-éditer ».


            C’ est ce qu’ a fait M. EDOUARD NABE avec son récent livre, qui s’ intitule (L’ homme qui arrêta d’ écrire).

            Je n’ ai pas l’ intégralité des formalité a effectués pour l’ auto-édition, mais je sais qu’ in faut envoyer 3 exemplaire de l’ oeuvre a la "bibliothèque Nationale, un autre exemplaire a je ne sais plus quel organisme, et on reçoit en retour un numéro d’ édition, ( numéro ISBN, ainsi qu’ un dépôt légal,) et ensuite on fait imprimer le livre en série 200/300 exemplaire , ou plus, et soit on contacte des libraire pour la vente du livre, soit on peut créer une plateforme de vente en ligne sur internet.

            Je ne suis pas expert en informatique donc je ne sais pas faire les liens, mais si vous allez dans google, et si vous taper dans la barre des taches : ( Auto-édition,) vous aurez tous les renseignements concernant l’ auto-édition. J’ y suis allé et c’ est assez bien documenté ! 



            Cordialement.




            VINVIN. 

            • pigripi pigripi 17 septembre 2010 11:25

              Je viens d’écrire un roman que j’ai envoyé à trois éditeurs que je pensais susceptibles d’être intéressés.
              Auparavant, j’avais fait lire le manuscrit à différentes personnes dont le dénominateurs commun est la passion de la lecture. Elles avaient toutes été enthousiasmées et avaient trouvé mon roman original et palpitant, ce qui m’avait encouragée.

              Le premier refus est venu d’Albin Michel, sous forme de lettre circulaire sans commentaire personnalisé. C’est sec mais pro.

              Le deuxième est venu de Le Dilettante avec un commentaire qui m’a donné l’impression d’être une élève de classe de troisième, commentaire écrit à la main d’une calligraphie d’ado penchée à gauche avec des arguments contradictoires. Je me suis sentie humiliée.

              JE peux parfaitement comprendre que mon roman ne soit pas dans la ligne éditoriale d’un éditeur qui doit faire tourner sa boutique mais qu’une môme me donne des leçons à 3 balles, je trouve cela indécent.
              Le plus ironique de ses arguments étant que mon histoire n’est pas « convaincante » alors qu’il s’agit d’une auto fiction...

              J’ai pensé bien sûr à l’édition électronique mais les titres déjà publiés ne m’ont pas inspirée, je voyais mal mon roman parmi eux.

              Oui, je sais, diffuser auprès de trois éditeurs n’est pas suffisant mais je pensais avoir bien ciblé. Ok, je vais envoyer mon manuscrit à 100 éditeurs smiley


              • vinvin 17 septembre 2010 23:26

                (@PIGRIPI).




                Cela dépend de pourquoi, et dans quel but vous écrivez !.....

                Bien sur avoir écrit sur la couverture de votre livre ALBIN MICHEL, FLAMMARION, DILETTANTE, Etc... sa fait bien....

                Mais reste a savoir si vous écrivez pour devenir « connu », ou si écrivez pour faire passer un message ?.....

                Si vous écrivez pour diffuser un message quelconque, sachez que vous avez la possibilité de vous « auto-éditer » et qu’ il n’ y a rien de plus facile, ( voir mon post précédent,) et que vous pouvez trouver tous les renseignement dans « google » concernant l’ auto-édition qui vous permettrons d’ éditez votre livre.


                Bien cordialement.





                VINVIN. 

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Safouin


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