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Accueil du site > Culture & Loisirs > Étonnant > « Ne me touche pas ! »

« Ne me touche pas ! »

Segpa ... touche

Une société de la distance …

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Voilà le cri de rage qui arrive à chaque fois que le ton monte entre un élève et son professeur. Un main se tend pour calmer ou pour retenir, pour arrêter une algarade ou bien ponctuer la fermeté du ton. C'est alors que la rage emporte celui qui ne se contient plus mais n'accepte aucune entrave à sa toute-puissance : « Ne me touche pas ! »

Non seulement, la colère n'aime rien tant que le tutoiement pour ces enfants que des parents désorientés ou une société judiciarisée ont mis en posture d'avoir tous les droits mais aucun devoir, aucune limite, aucune contenance. Chacun se veut personne inaccessible, sphère inviolable, incapable de supporter le moindre contact physique avec l'adulte qui est face à eux.

Bien sûr, les dérives du passé ont laissé bien des traces dans les mémoires et sur certains corps. Le châtiment corporel a toujours été une faillite sans nom, un aveu d'impuissance et de mépris, de négation de la dignité de l'élève. Je n'évoque même pas les gestes déplacés de quelques malades qui n'auraient jamais dû se trouver face à des enfants …

Mais désormais se joue tout autre chose dans ce cri de dédain, ce refus de reconnaître l'autorité et le corps de l'enseignant. Il y a des élèves qui ne supportent plus une main sur l'épaule pour donner un conseil, un bras en travers de leur passage pour freiner une chevauchée sauvage, un contact furtif et involontaire quand l'adulte se penche sur eux pour fournir une indication.

Nous sommes vécus comme des ennemis, des êtres porteurs sans doute d'une maladie transmissible, d'un affreux virus. Il n'est pas rare de voir des gamins se hérisser, pris d'un tremblement, révulsés dans ce cas si banal d'un contact corporel. Ils portent la haine au plus profond d'eux -même,comme s'ils vivaient dans un espace totalement hostile, parfaitement étranger.

Que je les plains ces pauvres gamins qu'il est impossible de frôler ! Qu'ils sont dérisoires quand ils revendiquent la loi en gueulant « Vous n'avez pas le droit de me toucher ! » Eux qui s'accordent sans cesse tous les droits, qui réfutent toute forme d'autorité, qui transgressent toutes les règles, se réclament de cette fameuse loi dont ils ignorent tout.

JPEG Comment éduquer sans toucher ? Comment montrer le chemin sans prendre la main ? Nier le corps c'est nier la possibilité de se reconnaître dans l'école, d'accepter le fait qu'elle est un lieu de confiance et d'éducation, de transmission et de passion. Ces mômes qui ont ce frisson de dégoût sont en perdition. Il n'est pas étonnant qu'ils n'aient aucune empathie, qu'ils puissent aller jusqu'au meurtre sans même avoir conscience de faire mal à l'autre.

Ceux qui mettent dans la tête de ces gamins de telles idées, agissent en connaissance de cause . Ils savent très bien les effets désastreux de ce cercle infernal qui transforme l'école en zone de turbulence, en espace de conflit sans modulation aucune. Tant que je resterai en poste, je me refuse à m'interdire ces marques d'affectueux respect que sont une main sur l'épaule ou bien une légère petite tape sur l'avant- bras accompagnée d'un commentaire gentil pour une erreur commise.

L'école doit rester un lieu d'humanité. Je sais qu'il existe des furieux pour espérer remplacer les professeurs par des ordinateurs. Une société sans contact, une société où se toucher devient une agression, est à bien des égards, un très grand danger. Que s'est-il passé pour que nos adolescents se vivent ainsi comme des êtres inaccessibles aux autres, surtout à ceux qui sont pas de leur clan ?

Nous marchons sur la tête. Nous nous pensons comme des hologrammes virtuels, des êtres sans consistance dont la vie désormais s'exprime essentiellement dans une immatérialité délirante. Ce « Tu ne me touches pas ! » annonce la fin de la société du partage. Communiquer passe également par le toucher ou bien nous perdons notre essence même d'humains sensibles.

Corporellement leur.

 


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14 réactions à cet article    


  • claude-michel claude-michel 5 février 2014 10:41

    « Ne me touche pas ! »

    Colère venue des USA...réplique courante dans les écoles de ce pays depuis des dizaines d’années (du au départ au racisme)...mais qui perdure de nos jours...même dans de célèbres universités.. !

    • C'est Nabum C’est Nabum 5 février 2014 12:51

      Claude Michel


      Et ailleurs l’on me joue du couplet de la psychologie de l’enfant ou de l’adolescent à laquelle naturellement je ne comprends rien. Pourtant, que deviendront-ils en refusant de reconnaître le corps de l’autre comme n’étant pas celui d’un ennemi ?

    • claude-michel claude-michel 5 février 2014 12:56

      Par C’est Nabum...Bien sur vous avez raison..mais les temps change (comme les personnes hélas pas souvent en bien)...Il reste (pour les vieux) des souvenirs d’une époque ou les portes n’étaient jamais fermées...et l’école une référence pour le devenir des enfants... !

      Souvenirs..souvenirs..(tout fout le camp...)

    • C'est Nabum C’est Nabum 5 février 2014 13:50

      claude-michel 


      Effectivement, désormais le temps est loin où l’école était une chance offerte à tous ! 


    • gaijin gaijin 5 février 2014 13:00

      « Nous sommes vécus comme des ennemis ...... »
      mais n’est ce pas le cas ? de leur point de vue ( ou plutot au niveau de leur ressentit ) qu’elle est l’alternative et comment faire face a une société qui ne veut pas d’eux ?
      s’intégrer ? pour quoi faire ?
      coluche déjà : « tu seras un chômeur honnête ....comme ton père »
      cruel cynique mais tellement lucide et prophétique

      le refus du contact c’est le refus de reconnaitre l’autre en tant que tel, lui dénier sa position d’être humain c’est la position du psychopathe
      position absurde mais entre deux impasses comment peut t’ on espérer qu’ils choisissent la plus difficile ?
      coluche encore
      « la société ne veut pas de nous qu’elle se rassure on ne veut pas d’elle » 

      ainsi est il
      par un reste de décence ou une nécessaire hypocrisie on leur propose éducateurs, professeurs .....alors que dans la vision de ces autres psychopathes qui nous dirigent la seule chose a faire serait de les parquer derrière des barbelés ....
      http://www.courrierinternational.com/article/2013/10/10/la-prison-un-business-juteux
      le monde idéal : 90% de prisonniers 9 % de gardiens 1% de dirigeants


      • C'est Nabum C’est Nabum 5 février 2014 13:51

        gaijin


        C’est ce qui me navre

        Je crois encore en l’école plaisir et eux la considérent comme une épreuve

      • gaijin gaijin 5 février 2014 15:31

        être navré est la dernière manifestation d’humanité qui nous reste


      • marmor 5 février 2014 13:31

        Société de droit sans devoir.
        Société sans éducation basique
        Société sans respect des valeurs humaines


        • C'est Nabum C’est Nabum 5 février 2014 13:51

          marmor


          Vous avez tout dit

        • Chabinpolitain 5 février 2014 14:12

          C’est la société puritaine que vous décrivez, à laquelle nous cédons du terrain à travers tout ce qui est expression anglo-saxonne depuis des décennies !
          La mise à distance est une réalité qui ne touche pas que les relations élèves-enseignants, il est courant d’entendre « Ooooh mais c’est beaucoup plus compliqué !!! » sous-entendu la personne vers qui le message se dirige est simplette... Le vouvoiement de rigueur est aussi une mise à distance dans le cadre des relations hiérarchiques comme à l’école !
          Vous parlez clairement du contact physique mais les mots ont parfois un impact infiniment plus lourd que de simples gestes, les sous-entendus et les silences sont quelquefois meurtriers.
          Nous nous sommes fabriqué une société de pure hypocrisie et notre devenir est de finir par adopter l’anglais qui tous comptes faits convient bien mieux à l’expression de ce puritanisme qui nous habite par contagion !
          Pour être plus politicaly correct il faudrait dire « par acculturation » mais ça laisse entendre une participation du sujet et de la réciprocité alors que je ne vois pas à l’horizon que les zuniens deviennent un peu français...
          Qu’est-ce qui est le plus effrayant dans l’histoire ?
          Que ça se produise ou que personne ne s’en inquiète ?


          • C'est Nabum C’est Nabum 5 février 2014 14:37

            Chabinpolitain


            Le plus inquiétant ce qu’on vienne m’expliquer que je ne comprends rien à l’adolescent, qu’il faut lui menager une bulle vitale, qu’il faut prendre en considération sa souffrance et je ne sais encore quelles inepties.

            S’inquiéter des dérives de notre société n’a aucun sens, il suffit de les expliquer.

            Voilà le grand changement

          • Chabinpolitain 5 février 2014 15:40

            La souffrance réelle des enfants est de ne pas rencontrer de cadre de résistance leur permettant de se constituer, de se délimiter, il sont seuls ( individus ) face à du mou et ne savent de ce fait pas jusqu’où il est permis d’aller.
            La crainte assez répandue des enseignants est sensible pour les élèves.
            Scène vécue :
            Un ami professeur d’histoire me fait part de ses vœux par téléphone, je lui demande comment se passe sa rentrée 2014, sa réponse a été « Ça va, je ne me suis pas encore fait tabasser... ».
            Le trimestre précédent il s’est pris de violents coups de chaises par une jeune fille ( par ailleurs bien sous tous rapports ).
            La certitude est que quoi qu’en disent la hiérarchie, la Justice, les collègues, cela s’est passé et restera en mémoire donc se reproduira et que le pédagogue perdra autant d’efficacité par manque d’assurance que l’ensemble des élèves qui auront un peu et malgré tout l’envie de se marrer à l’évocation des événements !
            Mon ami, par ailleurs très bon pédagogue, est fini !
            PS : Je n’ose même pas imaginer le contexte familial...


            • C'est Nabum C’est Nabum 5 février 2014 17:14

              Chabinpolitain 


              Combien de collègues sont ainsi en danger dans leurs classes ?

              Beaucoup le savent, tous se taisent ! Le silence des élèves, des collègues, de l’administration est pire encore que les horreurs proférées par quelques chahuteurs

              Nous laissons notre système aller à sa perte

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