Les fêtes johanniques
Tous ceux qui l'ont trahie défilent en tête de cortège…
8 mai 2013
Les fêtes johanniques ne sont plus ce qu'elles étaient. Nicolas premier avait été le premier Président de la République à tourner le dos à cette célébration d'un autre temps, imitant en l'occasion Charles VII lui même qui avait refusé de venir dans sa ville délivrée. Le mari de la chanteuse s'était pourtant fait remarquer par un discours flamboyant pour célébrer le 600° anniversaire de la supposée naissance de notre bergère nationale (6 janvier 2012). Cette fois, c'est le président normal qui ne veut pas se brûler les ailes en célébrant une pucelle après une bataille épique pour imposer le mariage pour tous …
La ville va donc se retrouver seule pour commémorer pour la 583° fois sa délivrance par la jeune mosellane qui avait bouté les maudits Anglois de là. C'est une fidélité qui honorerait notre cité qui n'a eu de cesse, dès le 8 mai 1430 de célébrer son héroïne. Mais tout n'est pas parfait en notre cité johannique, loin de là et il y aurait beaucoup à dire sur une mémoire des plus sélectives.
Il est peut-être utile de revenir sur les évènements proprement dits qui ont mis la jeune fille sur la route du bûcher. Nous sommes le 28 avril 1429, la ville est encerclée depuis le 12 octobre par des Anglais barricadés dans des bastilles. Le Roi, Charles VII, financièrement exsangue, n'a nulle intention de se lancer dans une opération militaire. Il est fort encombrée d'une illuminée qui se prétend envoyée par Dieu pour faire des misères aux assiégeants. Il lui confie une opération de ravitaillement en lui faisant croire qu'elle est à la tête d'une armée. Le mensonge fut de tout temps l'arme des politiques pour leurrer les braves gens ...
C'est donc une armée de 400 têtes de bétail qui arrive à la suite de la cavalière ; bœufs, moutons, vaches et cochons, la bergère était à son affaire ! Après une traversée de la Loire miraculeuse ; le vent changeant subitement de sens afin de permettre aux chalands orléanais de rejoindre la dame et sa merveilleuse compagnie. Le chef militaire de la place : Dunois, n'a que faire de la donzelle et la laisse mariner toute une journée dans un château voisin de Reuilly. Il n'est pas question qu'elle fasse une entrée triomphale dans la ville.
C'est ainsi le lendemain, le 29 au soir, qu'elle pénètre sur le futur théâtre de ses exploits et malgré l'heure tardive, le petit peuple l'accueille en héroïne. On ne peut jamais manipuler la populace. On lui envoyait une modeste arme psychologique, la foule avait l'intention d'en faire celle qui prendrait en main son destin. Dunois rongeait son frein et fit tout pour calmer les ardeurs de la livreuse de bétail céleste.
Le 30 avril, la demoiselle doit forcer la porte de Dunois pour être reçue. Elle est renvoyée dans les cordes par le représentant du roi : on ne peut rien faire sans une armée digne de ce nom et l'escorte qu'on lui avait confiée était repartie à Blois par la rive sud. Jeanne était bien seule pour gagner une guerre qui a toujours été une affaire d'hommes. La bergère se fâche et lui demande d'aller chercher des soldats auprès du roi ! Ulcérée, la bergère va toiser les anglais en deux forteresses. Les premiers insultent ses compagnons d'armes en les qualifiant de maquereaux, les seconds font terrible prophétie en la traitant de sorcière et en lui promettant le bûcher !
Le dimanche 1er mai, Dunois finit par céder à l'hystérique jeune fille. Il part à Blois chercher quelques hommes d'armes pour la calmer. Les échevins de la ville ne sont pas très contents, des soldats supplémentaires, ce seront encore d'autres bouches à nourrir. Elle ennuie vraiment les décideurs cette cavalière énervée ! Pendant trois jours, les notables cherchent à l'amadouer en lui offrant 7 pintes de vin et une alose (un poisson migrateur succulent qui remonte le fleuve à cette époque de l'année). Le temps passe sans enthousiasme !
Le 4 mai, Dunois revient enfin avec une petite escorte. Le quartier général ne donne pas signe de vie à notre future héroïne. L'armée n'a pas très envie de se mettre sous la bannière d'une fille de ferme (sens réelle de pucelle à l'époque). Jehanne doit encore forcer la porte de celui qui ne la considère guère. Il l'a renvoie faire la sieste ! C'est pendant celle-ci qu'elle entend grand fracas à l'Est de la ville. Quelques capitaines on prit l'initiative d'attaquer la seule bastille de ce côté là de la ville. Quand la demoiselle arrive, la bataille est déjà gagnée. Jehanne assiste sans broncher au massacre des prisonniers, ses voies n'ont rien trouvé à redire sur ce crime de guerre ordinaire, très fréquent à l'époque !
Le 5 mai, elle retourne toiser les forteresses du nord. Elle essuie encore de grossières insultes anglaises. Un malotrus lui dit « Tais-toi putain ! », elle en pleure de dépit. Sa mission sacrée prend des allures de sortie grivoise. Pendant ce temps, Dunois organise un conseil de guerre auquel celle qui est censée délivrer la ville aux noms conjoints du roi, des cieux et de France n'est pas conviée. L'arme psychologique est bien encombrante pour ces nobles chevaliers.
Excédée, l'intrépide fille de Domrémy demande à son page de sonner le peuple. Il accourt et c'est une armée de gueux qui se lance à l'assaut des Augustins, une des deux forteresses qui tiennent la rive Sud de la ville. Les capitaines sont obligés de suivre le mouvement. Pourtant la bataille, malgré l'appui de Dieu et de la populace tourne à l'échec. C'est une troupe vaincue qui s'apprête à franchir le fleuve pour rentrer à la maison quand les anglais commettent une erreur absurde. Par vanité ou orgueil (deux qualités qui leur vont si bien), les anglais sortent de la forteresse pour aller à la poursuite des français. Le sort de la bataille en est bouleversée.
Lahire fait demi tour et se lance à l'assaut des Anglais en rase campagne. C'est un succès, un miracle qui regonfle les énergies belliqueuses du peuple. Le lendemain, le 7 mai, c'est à l'assaut de la grande forteresse des Tourelles que Jehanne et ses suiveurs exaltés se lancent. La Pucelle reçoit une flèche, les Anglais la prennent pour morte. Quelques minutes plus tard, après s'être recueillie dans une vigne, elle revient à l'assaut de plus belle.
Les Anglais prennent peur. C'est diablerie que tout ça et une guerre qui ne se déroule pas entre gentilshommes n'est pas pour leur plaire. Ils veulent sortir de ce guêpier en rejoignant les quatre bastilles qui sont situées au Nord Ouest de la cité. Ils doivent pour cela traverser le pont en bois. Les mariniers ont vu la manœuvre, ont placé sous le pont un chaland lourdement chargé de produits facilement inflammables.
Les soldats des Tourelles prennent quelques mois d'avance sur la pauvre petite bergère. Ils brûlent dans les flammes de l'enfer ou se noient dans la Loire. Jehanne, rentre triomphalement dans la cité qui la fête comme il se doit. L'armée fait la lippe, les échevins aussi et des gens d'église voient belles diableries dans toute cette histoire.
Le lendemain pourtant, tout le monde se met en arme pour aller à l'assaut des dernières bastilles. L'armée est au complet, derrière Dunois et cette bergère qu'il faut bien tolérer. Ils n'auront pas à livrer bataille, les anglais tournent les talons et s'en vont loin de la ville. Jehanne suivi du petit peuple avait soulevé des montagnes et renverse une situation bien bloquée par la seule force de son exaltation (de sa foi aussi).
Pourtant, elle sera abandonnée bien vite par tous ceux qui vont se réclamer de cet exploit. L'état, le roi, l'armée et l'église se feront un malin plaisir de lâcher l'exaltée. C'est pourtant leurs successeurs qui défileront en tête des fêtes Johanniques. Discours de l'évêque d'une église qui attendra 1920 pour la canoniser, défilé d'une armée dont la devancière n'avait que faire de la donzelle. L'absence du chef d'état atteste une fois encore le bien peu de cas que l'on fait de cette histoire si symbolique.
Pire que tout, la cathédrale d'Orléans est décorée des oriflammes des compagnons de Jehanne. Au cœur de ce lieu de culte et de morale, le sieur de Rais figure encore en très bonne place malgré les horreurs, les crimes et les abjections immondes dont il fut responsable. Qu'on expose ainsi le nom d'un criminel pédéraste abominable pour célébrer un symbole parfaitement instrumentalisé par l'église et l'état me semble totalement déplacé. J'imagine que la pauvre bergère doit voir cette mascarade comme une nouvelle claque à sa mémoire. Toutes lés élites qui l'ont lâchement envoyée se faire brûler ailleurs, se réconcilient sur sa mémoire et le bon peuple d'Orléans de regarder défiler les dignes successeurs de tous ses félons !
Miseaupointement leur.
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