Le football rapproche-t-il les peuples ?
Apologie de la guerre pour certains, langage universel favorisant la pacification des relations internationales pour d’autres, le football –et le sport en général– peut endosser de multiples significations.
Au soir de sa vie, le Français Jules Rimet, président de la Fédération internationale de football association (FIFA) de 1921 à 1954 publie un opuscule intitulé Le football et le rapprochement des peuples. Fort d’une existence ponctuée par les guerres et l’internationalisation du sport, il y propose une interprétation du football que n’aurait pas reniée le sociologue Norbert Elias. Pour Rimet, en effet, le match de football assume une sorte de fonction cathartique. « La bataille est finie – écrit-il pour évoquer la fin d’une rencontre, l’instinct belliqueux est satisfait. Pendant une heure et demie, une foule a communié dans la passion du football[1]. »
Les faits ont semblé démentir cette vision apologétique du ballon rond. Pendant l’entre-deux-guerres, les matchs internationaux ont en effet suscité bien des passions chauvines. Rimet n’a pas connu le temps des hooligans, des ultras et autres barras bravas. Il serait toutefois injuste d’opposer un regard cynique au propos irénique de Jules Rimet. Même si le football a pu servir de prétexte au déclenchement d’un conflit armé à l’exemple de la fameuse guerre des « cent heures » qui a opposé le Salvador au Honduras en juillet 1969, le football n’est pas la guerre.
Non pas qu’il faille en faire un instrument de paix, ni lui prêter des vertus qu’il ne saurait endosser. Le football, comme le sport en particulier, n’a pas de valeurs en soi. Il n’a que celles qu’on lui prête et qui peuvent puiser jusque dans les idéologies totalitaires et les discours les plus racistes. Mais s’il sert de tribune à des modes de pensée qui excluent et stigmatisent, son universalité en a aussi fait un extraordinaire lieu de rencontre et de connaissance des autres.
Encore faut-il envisager cette position dans toute sa complexité. Ainsi, insiste-t-on trop souvent sur le rôle prétendument intégrateur du football. Il est vrai que le monde du ballon rond a accordé très tôt une place de choix à ce qu’on appelle les « minorités visibles ». Non pas par esprit de fraternité mais parce qu’il accorde une prime au talent et à la performance. Mais dans le même temps, le football spectacle est aussi un formidable miroir déformant. Loué en cas succès, le joueur se verra stigmatisé, et notamment dans ses origines, en cas de contre-performance.
De même, la pelouse de football et les tribunes sont à la fois lieu de rencontre et de confrontation. Elles sont le produit de la mobilité nouvelle inventée par le sport, une mobilité qui ne va pas sans frictions. Les Coupes d’Europe ont ainsi été marquée par des violences et des tragédies comme celle du Heysel (1985). Elles ont aussi permis de dépasser les frontières politiques au temps de la Guerre froide et de constituer un espace commun à une population, surtout masculine, d’un Vieux continent s’étendant jusqu’aux plaines d’Anatolie et à la vallée du Jourdain. Une population peut-être davantage attachée aujourd’hui à la Champions League et l’Euro… de football qu’à la monnaie commune !
Ainsi, le football contribue sans doute à rapprocher les peuples sans dessiner une humanité idéale. C’est que le football est humain, trop humain.
[1] Jules Rimet, Le football et le rapprochement des peuples, Zurich, FIFA, 1954, p. 11.
Article de Paul Dietschy, Maître de conférences à l’Université de Franche-Comté, Co-animateur du site internet www.wearefootball.or
Article issue de la revue scientifique "Sport et Développement International" du think tank Sport et Citoyenneté, n°13,, Décembre 2010/janvier/Février 2011.
Sport et Citoyenneté, Le Sport au service de la société
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