PARIS/HAMBOURG
(Compte rendu de la rédaction) - "Une fois de plus, la
fondation hambourgeoise au lourd passé nazi "Alfred Toepfer Stiftung
F.V.S." cherche à prendre pied en France, et bénéficie à cet effet du
soutien d’institutions gouvernementales de la République fédérale
d’Allemagne. La fondation de Hambourg veut se manifester demain,
mercredi, par l’organisation d’un vernissage à la Maison Heinrich Heine
(Cité Internationale Universitaire de Paris). En France, de vives
protestations s’élèvent contre sa tentative de faire oublier par le
mécénat culturel le passé peu glorieux de celui dont elle porte le nom.
Les critiques rappellent les activités nazies du négociant hambourgeois
qui a créé la Fondation, Alfred Toepfer, et les liens étroits qu’il
entretenait avec la SS et avec des nazis éminents. Durant la Seconde
Guerre mondiale, Toepfer a entre autres travaillé pour les services
d’occupation allemands à Paris ("Sabotage et subversion dans les Etats
ennemis« ). Ses activités anti-françaises ont expressément servi une
»réorganisation" ethno-raciale (völkisch) de l’Europe sous hégémonie
allemande. Dans la capitale française, des chercheurs qui critiquent
Toepfer constatent avec indignation que le vernissage de demain érige en
mot d’ordre une notion pour laquelle se battait le créateur de la
Fondation : l’« Europe ».
Les activités nazies d’Alfred Toepfer, qui sont au
centre de ces protestations, sont assez bien connues depuis des années
(german-foreign-policy.com en a rendu compte de façon détaillée [1]).
Toepfer entretenait des relations avec des nazis éminents, et avait
comme raison sociale d’être un « membre bienfaiteur de la SS » (Förderer
der SS). Lors de la Deuxième Guerre mondiale, dans Paris occupé, il a
été promu « officier des services de Renseignement allemands » (Abwehr) ;
il a d’abord été responsable du service « Sabotage et subversion », puis
fut chargé de l’« approvisionnement secret en marchandises » du Reich
allemand - une périphrase pour désigner le pillage délibéré de la zone
d’occupation. Ses firmes ont pu poursuivre leur activité et ont continué
à l’enrichir durant la Seconde Guerre mondiale. L’une des firmes de
Toepfer a fourni à l’administration du ghetto de Lodz (« Litzmannstadt »)
de la chaux vive destinée à recouvrir les cadavres. Après la guerre, les
entreprises de Toepfer ont employé plusieurs criminels de guerre nazis,
dont Edmund Veesenmeyer, un collaborateur d’Adolf Eichmann dans la
déportation en masse d’environ 400 000 Hongrois d’origine juive vers les
camps d’extermination allemands, ainsi que Hans-Joachim Riecke,
coresponsable de la mort de plusieurs centaines de milliers de
prisonniers de guerre soviétiques. Jusqu’au début des années 1970,
Toepfer a financé un néo-nazi allemand notoire, Thies Christophersen ,
auteur par la suite du pamphlet négationniste « Le Mensonge d’Auschwitz ».
Certificat de blanchiment (Persilschein)
La « Alfred Toepfer Stiftung F.V.S. » [2], qui a pu
fêter au début de cette année son 75ème anniversaire, et qui est
considérée comme la fondation privée la plus importante en Allemagne,
est exposée depuis le milieu des années 1990 à de sévères critiques -
principalement en France - en raison des activités nazies de son
fondateur. Dernier exemple en date : il y a deux ans, le metteur en scène
français Ariane Mnouchkine a refusé de recevoir un « Prix Goethe », d’un
montant élevé, décerné par l’organisation allemande. Depuis quelques
années, la Fondation s’efforce de neutraliser ceux qui la critiquent ; à
la fin des années 1990, elle a créé dans ce but une commission
d’historiens chargés de faire des recherches sur la biographie de
Toepfer. Malgré les activités nazies évidentes et incontestées du
négociant hambourgeois, les experts payés par la Fondation sont arrivés à
la conclusion que "c’est en tout cas une erreur d’établir un lien
direct ou indirect entre lui et des actions criminelles du régime
nazi".[3] L’historien Michael Fahlbusch a écrit que la commission a
ainsi "fourni à la Fondation un certificat de blanchiment qui ne
convainc guère".[4]
Europe
L’argumentation de la Fondation a pour point central
l’orientation « européenne » d’Alfred Toepfer. Hans Mommsen, qui a dirigé
la commission des historiens, explique ainsi que dès avant 1945, Toepfer
s’était « déclaré partisan d’une solution européenne », et qu’il aurait
ainsi pris clairement ses distances par rapport à "la ligne générale du
national-socialisme".[5] En réalité, une des lignes générales de la
propagande nazie à l’échelle du continent a été de présenter l’hégémonie
allemande sous un masque « européen ». L’« Europe » est aujourd’hui encore
au centre des activités de la Fondation. Comme il est inscrit dans ses
statuts, elle s’engage à "faire avancer l’unification européenne dans la
préservation de la diversité culturelle« .[6] » [...]
Informations sur la politique extérieure de l’Allemagne.
Valeurs européennes 06/11/2007
"La fondation
Alfred-Toepfer (Hambourg), impliquée dans de nombreux scandales veut
décerner un « Prix européen de la culture » et créer un "réseau de
mécénat". La plus grande fondation privée tient son nom d’Alfred
Toepfer, ancien agent du réseau d’espionnage étranger nazi et financier
de nombreuses « cinquièmes colonnes » de la politique étrangère allemande.
Le « Prix européen de la culture » verra le jour lors du 75ème
anniversaire de l’existence de la fondation et est doté de 75.000 euros.
La fondation, un véritable empire qui vaut plusieurs millions d’euros,
coopère avec des universités et des administrations de l’état.
L’université de Strasbourg a cessé sa coopération avec la fondation à
cause des anciennes activités nazies du fondateur qui faisait partie des
forces d’occupations allemandes en France et voulait germaniser la
région frontalière. La metteuse en scène parisienne, Ariane Minouchkine,
a récemment refusé d’accepter le prix Toepfer et a rappelé le "passé
douteux" du fondateur. Si Toepfer avait autrefois voulu réorganiser
l’Europe « ethniquement » sous la direction de l’Allemagne, ses
successeurs s’efforcent de soutenir les « peuples » de « toute l’Europe »
avec l’Allemagne « en son centre ». Les critiques au sein et en-dehors de
la fondation Toepfer mettent en garde contre une dissimulation d’une
politique hégémonique allemande sous couvert d’une politique de la
culture." [...]