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Lord WTF ! Lord Franz Ferdinand Of F. In S. 30 juillet 2011 21:03

Je ne peux parler que pour le vaudou que je connais, c’est-à-dire celui de Antilles, mais à mon avis il n’y a pas eu de syncrétisme avec l’islam ou alors il n’en reste rien. Il n’y avait pas de musulmans parmi les esclaves aux Antilles car à ce qu’on dit ici la conversion les mettait à l’abri de la traite.

Sur le fait qu’il n’en reste rien, je vous rejoindrai, quoique je préciserai qu’il n’en reste rien de « manifeste » : mais bon, à moins de disserter anthropologie culturelle/religieuse aux Antilles et dans le domaine créole, je dirai que certaines pratiques, coutumes, etc… créoles ont effectivement une racine afro-musulmane. Par contre, sur votre affirmation qu’il n’y aurait pas eu de musulmans parmi les esclaves Africains déportés aux Antilles : là je me vois obligé de vous contredire : en effet, considérant que ce sont les Français qui pour ainsi dire ont lancé la mode de l’esclave africain musulman : il serait étonnant que les Africains déportés aux Antilles et colonies françaises des Amériques et Caraïbes n’aient pas eu une importante composante musulman : les Mandingues ayant été parmi les favoris des Français : or les groupes mandés, l’empire du Mali dont ils étaient issus, ainsi que les groupes dioulas étaient non seulement islamisés, mais été aussi des propagateurs de la foi islamique ailleurs en Afrique Occidentale.

Sur l’explication que vous fournissez sur le fait que les Africains musulmans auraient été mis à l’abri de la Traite par leur conversion à l’islam : cela se tient certes, si l’on considère que seuls les groupes Maures, ou royaumes afro-musulmans fournissaient les négriers européens : or cela n’était pas le cas : bref pour faire simple : les guerres inter-africaines fournissaient pléthore d’esclaves, et les Africains musulmans n’étaient protégés que si ils étaient vainqueurs ou dans le camp des vainqueurs : les états animistes eux n’avaient absolument aucune raison de mettre à l’abri leurs prisonniers musulmans…cela à mettre en relation avec les périodes où la Traite fût la plus intense, qui coïncide avec l’émergence de nouveaux états africains musulmans, et la multiplication des « jihads » dans les ethnies peul, mandé, haoussa, etc… en conflit avec par exemple les principautés ou royaumes du domaine yoruba. Ces guerres mettaient sur le marché de la Traite nombre de vaincus : non-musulmans du côté des royaumes afro-musulmans et musulmans chez les autres états africains d’Afrique de l’Ouest.

Pour le reste, je vous rejoins, je n’ai pas une vision caricaturale du Vaudou, à coup de zombie et , rhum et de Papa Legba fumeur de Havane…mais je vous inviterai à noter que cette pré-éminence d’esprits rend encore plus difficile de déceler les relations passées avec l’islam que ce soit en Afrique, ou plus tard dans les colonies : la croyance aux djinns étant une composante essentielle de l’islam, composante d’ailleurs qui a permis la naissance de nombreux courants dans l’islam africain, assez souvent syncrétique, et généralement beaucoup plus tolérant que d’autres formes d’islam.

Ce qui d’ailleurs me permet d’en arriver à cette énigme de la disparition de l’islam en tant que religion après arrivée aux Amériques : d’un la nature de l’islam africain à l’époque, souvent diffusé par les marchands Dioula (mandé)  de manière pacifique, puisque dans les écoles islamiques d’Afrique de l’Ouest, à ces époques, la conversion ou le prosélytisme à l’attention des non-musulmans n’était pas la règle, ni même stimulée par les chefs spirituels, pour des raisons autant religieuses que de coexistence pacifique avec les autres groupes africains : les Dioula étant souvent marchands, disposant de comptoirs dans des royaumes animistes ou de religion traditionnelle africaine : donc minoritaires : un prosélytisme appuyé les aurait mis alors en situation périlleuse, dans une Afrique Occidentale, déjà en état de guerre plus ou moins constante. Bref, vu que les Africains musulmans déportés aux Amériques appartenaient principalement à ces écoles musulmanes, à l’arrivée, ils ont conservé cette réserve quant au prosélytisme ou conversion des esclaves non-musulmans dont ils partageaient le sort. Ajoutez à cela, la forte dominance du soufisme, qui en lui-même, est syncrétique, par essence : au point que certaines écoles soufis n’ont plus rien d’islamique à l’arrivée.

Ensuite, en plus de cette caractéristique de l’islam africain d’origine ( syncrétique, non prosélyte), ajoutons le fait que l’islam africain était une religion de l’Ecrit, structuré et organisé autour d’écoles avec chefs spirituels : l’impossibilité pour des esclaves de reformer ce type de structures outremer, de même que l’interdiction pour les esclaves de posséder livres, ou même apprendre à lire ou écrire, limitait à elle seule la perpétuation de cet islam génération après génération : puisque l’islam est aussi une religion familiale, vous savez sans nul doute que la préservation de la structure familiale chez les esclaves n’était pas vraiment une préoccupation de leurs « maîtres »…

Puis, dans le domaine français, et catholique en général, différence majeur avec le domaine protestant (hollandais, britannique, puis US) : la conversion forcée des esclaves au Catholicisme était assez souvent la norme (c’est d’ailleurs pour cela que les archives et documents d’époque nous permettent, en effet, d’attester de la présence importante de musulmans aux Antilles françaises ; les dits « mahométans » étant ceux qui présentaient la plus grande résistance à ces conversions, et se révolter assez souvent).

Disons qu’il y a toute une somme de facteurs autant propres à l’islam africain qu’au système esclavagiste qui ont fait que de fait l’islam des Africains musulmans déportés a disparu : seule une recherche appuyée, permet de déceler ici ou là, une origine afro-musulmane dans telle ou telle pratique, coutume, voir habillement,etc… (ici, je pourrai citer la propension chez les Afro-américains à se couvrir la tête de foulards, qui si je retourne en Afrique de l’Ouest, est bien plus caractéristique des groupes musulmans que des groupes animistes ou traditionnels qui eux généralement soit se rasent la tête, soit arborent des coiffes ou coiffures élaborées : c’est d’ailleurs assez souvent une façon de distinguer un groupe africain musulman d’un autre que l’usage du turban, voile, foulard, etc…)

Quant à votre conclusion, sur la perspective vaudou, et son rapport avec l’Absolu, je la partage totalement et c’est pour cela, que je pense que celui-ci non seulement a intégré la composante musulmane autant qu’animiste, traditionnelle, ainsi que chrétienne aussi facilement et produit une spiritualité autant originale que rappelant ses origines africaines : qui n’ont rien de polythéiste, mais se fonde bien sur les religions traditionnelles africaines qui sont quasi-toutes des monothéismes sans le poids de la « révélation », des « prophètes », des « dogmes », etc…bref vivantes et évoluant en même temps que les peuples qui les professent.  


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