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Accueil du site > Tribune Libre > Autisme : « A Ciel Ouvert »... un horizon fermé

Autisme : « A Ciel Ouvert »... un horizon fermé

Voici un message bien étonnant que nous recevions la semaine dernière, au sujet d'un film documentaire appelé "A Ciel Ouvert"...

Bonjour au collectif.

Nous avons trouvé votre site sur internet en faisant des recherches sur l’autisme.
 Nous vous adressons ce message suite à la séance du film « A ciel ouvert » à laquelle nous avons assisté à Béziers, ma femme et moi, en partenariat avec la médiathèque départementale et la Maif. Ceci nous apparaissait comme étant un gage de qualité. Nous sommes déçus et souhaitons avoir de plus amples informations.
Voici nos réflexions que nous avons notées le soir en rentrant de la séance.

Retour vers … le passé

Regardons les lieux :
Une grande maison ancienne, les murs sont ternes et sans couleurs. Ni photos, ni images ne décorent cet intérieur triste et lugubre. Le temps y paraît suspendu. Quelques enfants déambulent dans les couloirs. Ils vont et viennent entre différentes pièces, de la cuisine à une chambre, en passant par la salle de bain, une salle d’atelier, accompagnés d’un ou deux adultes…
Où sommes-nous ? Qui sont ces enfants ?
 A première vue, nous sommes dans une époque lointaine : il y a 50 ans ? Ou plus ?

Ecoutons les dialogues :


- « Il n’a pas participé à la jouissance collective ».


- « Chez le névrosé, il y a un petit bout qui s’en va ».


- « Il ne faisait plus qu’un ».


- « C’est pas le grand autre qui veut jouir du tissu psychotique »
- « C’est un petit autre ».


- « Il veut pas être objet. Ou il devient l’objet, un objet déchet ».


- « Il constitue son moi et ça le règle par rapport à sa jouissance ».

Nous sommes dans un sujet documentaire sur les théories et pratiques lacaniennes au sein d’une ancienne institution.

Le film, qui dure près de deux heures, passe et nous sommes de plus en plus déprimés et tristes. Quelques moments amusants tout de même nous font sourire. Une enfant subtilise discrètement des morceaux de sucre pour les mettre dans sa poche, un autre qui joue. Les adultes sont ternes, pas de sourires, pas de rires, ils semblent très distants des enfants et les vouvoient, ce qui conforte notre idée initiale.
 Le film se termine. Et nous nous disons : heureusement que cette époque est révolue !
…

La lumière se fait dans la salle et quel étonnement ! Une des personnes du film, qui nous a semblé être la chef de service, est là sur la scène et vraisemblablement, elle n’a pas vieilli. Totalement ahuris, nous venons de prendre conscience que ce film n’est pas un documentaire historique. Il s’agit bien d’une institution qui existe actuellement.

Place au débat.


Bien installés dans notre fauteuil, nous nous disons que le débat promet d’être intéressant et nous en apprendra davantage. Peut-être allons nous comprendre.


A notre gauche, une première dame prend la parole et demande des explications sur le sens des termes qui reviennent fréquemment dans le film ; psychose, névrose (définis dans le film) et autisme, pas expliqué. La réponse apportée ne nous éclaire guère. "La singularité du sujet" et une histoire "d’objet, de trop-plein".

Sa voisine prend le micro et demande ce que veut dire le terme « jouissance » énoncé tant de fois dans le film. Nous sommes intéressés car nous non plus n’avons pas compris. Mais nous ne pouvons pas comprendre, répond la chef de service, car nous ne sommes pas initiés aux théories lacaniennes qui sont les seules valables pour le traitement de ces enfants.


Enfin, une autre personne prend la parole et demande quel est ce lieu ? Un lieu de vie, une institution … Nous apprenons alors qu’il s’agit d’un institut en Belgique. Nous sommes surpris, car tous les enfants parlaient bien en français et sans accent. Cette personne reprend alors en parlant des recommandations de bonne pratique de la Haute Autorité de la Santé. Elle explique que cette institution ne correspond pas aux recommandations et dit qu'elle ne voit dans ce film que de l'occupationnel et aucune prise en charge cognitive. Mais nous n’en saurons guère plus car cette personne se fait huer dans la salle. Le micro lui est enlevé et quelqu’un interviendra dans la salle pour dire que là n’est pas le sujet du débat et qu’il n’y a pas lieu d’être polémique.


La tension monte et le micro est maintenant derrière nous avec un jeune éducateur qui se présente, et applaudit le film. Il nous explique ce film est exceptionnel et que beaucoup de scènes ont fait « écho » à sa pratique professionnelle. Il accuse les personnes qui ont pris la parole avant, d’être agressives. Nous n’avions pas remarqué. C’est alors que l’une d’elles montre un film en DVD « Quelque chose en plus » de Sophie Robert qui paraît-il montre une toute autre réalité. Ce sera notre prochain film à voir.

Pour finir un médecin psychiatre prend la parole et souligne que dans le film, les parents des enfants sont totalement absents. Il dit aussi qu'il n'adhère pas aux théories lacaniennes présentées dans le film. Sa remarque ne semble pas très appréciée dans la salle à l'exception de quelques personnes qui applaudissent, nous ne comprenons pas pourquoi.

Et la table ronde ?...

Quant à la table ronde à laquelle nous comptions assister et annoncée dans le programme : "Psychoses et autismes : quelles pratiques inventer ensemble ?", elle a été annulée.

Comment faire la part des choses ? Pouvez-vous nous éclairer ?

Georges et Linda, des grands-parents inquiets face à leur petit fils de 4 ans qui vient d’être diagnostiqué autiste.

 

Chers Georges et Linda,

Nous vous remercions pour votre courriel que nous avons lu attentivement.

Ce centre dont vous parlez est une institution belge qui accueille environ 300 enfants et jeunes, dont de nombreux français envoyés en Belgique par la Maison Départementale de la personne Handicapée du Nord, faute de places d’accueil en France. C’est pourquoi, ils parlent tous français.
Veuillez trouver ci-joint le lien vers le site de cette institution : http://www.courtil.be/courtil/

Dans les Recommandations de Bonne Pratique de la Haute Autorité de la Santé, vous pourrez lire à la page 27 que :

« L’absence de données sur leur efficacité et la divergence des avis exprimés ne permettent pas de conclure à la pertinence des interventions fondées sur : les approches psychanalytiques ; la psychothérapie institutionnelle ».

La troisième personne à intervenir a donc eu tout à fait raison de mentionner ces recommandations, qui sont basées sur les résultats les plus récents des recherches et l’évaluations des pratiques internationales. Il nous semble que cette institution quand bien même elle se situe en Belgique, devrait les connaître et s’y conformer, puisqu’elle reçoit de nombreux enfants français. Que cela fasse polémique dans un débat est absolument incohérent avec les recommandations de bonnes prises en charges pour l’autisme.

Pour mieux comprendre ce dont vous avez été témoin, nous vous recommandons de visionner le film de Sophie Robert qui passe dans de nombreuses salles en France : "Autisme et ABA, quelque chose en plus" ou de le commander en ligne. Vous pouvez dès à présent en voir un extrait ici. Celui-ci expose entre autres les théories inspirés de Lacan et Freud, qui motivent les acteurs filmés dans "A Ciel Ouvert".

Pour découvrir et mieux comprendre les Troubles du Spectre Autistique (dont l’Autisme de Kanner fait partie), nous vous recommandons un livre récent grand public « A la découverte de l’autisme » chez Dunod.

Concernant le film sur lequel vous nous avez interpellés, « A ciel ouvert », nous vous confirmons que ce film montre un institut où les prises en charge des enfants et adolescents en situation de handicap sont selon nous dignes d’être classées dans la préhistoire. Il apparaît en effet qu’aucun des programmes d’interventions à référence comportementale ou développementale, recommandés par la Haute Autorité de Santé, comme l’ABA, le TEACCH et DENVER, n’y soient pratiqués. Pourtant ceux-ci améliorent efficacement le devenir de l’enfant autiste.

Vous n’avez pas parlé de scolarisation et d’inclusion. Ce sujet n’a pas été traité dans le film. Or l’inclusion scolaire est essentielle pour favoriser le développement cognitif et les compétences sociales des enfants et adolescents autistes.

Quant à votre petit-fils, à 4 ans avec un bon accompagnement (orthophonie, ABA…) et une scolarisation en réelle inclusion, autant que possible en classe ordinaire, vous avez de grandes chances de le voir grandir et évoluer positivement.

Nous vous invitons donc à lire les recommandations de la Haute Autorité de Santé et à diffuser autour de vous les bonnes pratiques et non celles de « l’âge de pierre ». Et n’hésitez pas à revenir vers nous pour toute autre question. Sur notre site, vous trouverez aussi de nombreuses informations qui pourront vous être utiles.

Bien cordialement,

Le Collectif EgaliTED.


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5 réactions à cet article    


  • olivier 10 novembre 2014 18:33

    l’argent public (Arte) qui finance des choses non recommandées par la Haute Autorité de Santé, mais quand viendra la fin du pouvoir de la psychanalyse ?


    • Fergus Fergus 10 novembre 2014 19:19

      Bonjour, EgaliTed.

      Ayant eu un collègue parent d’un enfant autiste, j’ai lu avec beaucoup d’intérêt, dans cet article, l’échange que vous avez eu avec ces grands-parents. Lu et apprécié la manière dont vous avez répondu à ces personnes, manifestement démunies et en plein questionnement sur l’évolution de leur petit-fils. Espérons qu’ils sauront prendre le recul nécessaire pour, comme vous le leur suggérez, prendre en compte les recommandations de l’HAS.

      A toutes fins utiles, moins pour votre collectif que pour les lecteurs d’AgoraVox intéressés par le sujet, je me permets de mettre en lien un article que j’avais écrit sur le Syndrome d’Asperger lors de la sortie d’un film d’animation, formidable de sensibilité, consacré à ce trouble particulier : Mary, Max et le Syndrome d’Asperger.


      • fyblie 10 novembre 2014 19:26

        C’est clair qu’en voyant « Quelque chose en plus » de Sophie Robert ils vont voir la différence ! Dans « quelque chose en plus » on voit des éducateurs qui sourient, des enfants heureux de vraies salles de jeux colorées. Enfin bon, des lieux joyeux fait pour des enfants !


        • juluch juluch 10 novembre 2014 19:45

          Mon épouse travaille dans un de ces centres.....très compliqué .....

          Elle connait le livre et le film.

          Il est difficile de rester indifférent à ces enfants « spéciaux. »

          Merci pour ce partage.

          • France 10 novembre 2014 22:46

            La bonne attitude face à l’autisme, est-elle de trouver le bon établissement qui pratique les bonnes méthodes éducatives ? ou bien serait-ce de se poser la question : quelle est la cause de l’autisme ? Peut-on supprimer ou réduire cette cause ? et cela va-t-il améliorer le comportement de la personne autiste ? http://www.autism.com/trans_french_leakygut
            Une fois qu’on a travaillé sur les causes, et qu’on a amélioré autant qu’il est possible l’état psychique, alors, oui, il devient pertinent de se poser la question du meilleur établissement et des meilleures méthodes pédagogiques, car le problème sera bien plus facile à résoudre.http://www.intolerancegluten.com/association_stelior.html

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