Coke en stock (XXI) : ... une Guinée Equatoriale où le commerce des armes est aussi florissant
On l'a vu hier, il en est qui à ce jour est passé au travers des mailles du filet médiatique. Moubarak, Ben Ali et Kadhafi ont eu tous droit aux railleries les plus diverses, quand on a découvert l'ampleur de leurs détournements financiers fait au mépris de leur propre peuple. Il aura fallu attendre le décès d'Omar Bongo pour qu'on vérifie l'étendue de ses biens en France... en citant certes au passage la collection de voitures du fils Nguema, pour la Guinée Equatoriale, mais sans trop s'attarder sur le pays à vrai dire. Or il convient d'y revenir, car ses liens avec les USA sont tels que la corruption visible de ses plus hauts dirigeants ne peut qu'inquiéter : la CIA a-t-elle depuis toujours laissé faire pour mieux tirer les ficelles, c'est ce qu'on est en droit de se dire, à comprendre ce qui s'y passe depuis plus de trente ans maintenant. On a souvent cité des pays comme le Mexique, la Colombie ou aujourd'hui l'Afghanistan comme étant de véritables narco-états, malgré leur façade démocratique. C'est oublier la Guinée Equatoriale, qui est allée plus loin dans le genre... et qui y est encore, sans qu'on ne s'en émeuve beaucoup !
Le fils Nguema n'a pas que son attitude de play boy à se faire reprocher : il a aussi été mouillé dans des histoires de trafics d'armes. Rien de très surprenant à ça : la drogue et les armes, une constante le long de cette enquête, comme on a pu le voir à plusieurs reprises. "Selon l'enquête du sénat US, Teodoro à transféré 110 millions de dollars en fonds suspects aux États-Unis de 2004 à 2008 en provenance d'un vendeur d'armes en Angola, aujourd'hui dans une prison française (c'est bien de Pierre Falcone dont on parle, NDLR !), était capable de payer 9,6 millions de dollars pour une maison en Arizona en 2000 et de maintenir en même temps ses comptes à jour la banque américaine. Certaines opérations de transferts atteignaient 60 millions de dollars entre 1999 et 2007". Depuis l'enquête, "Teodorin" s'est acheté en plus une maison de 30 millions (sur 16 acres) à Malibu, en Californie, et s'est aussi offert un jet Gulfstream à 38,5 millions de dollars. Un avion de plus ! Qui s'ajoute à ceux dont il disposait déjà... acheté avec les revenus de la drogue... et des armes ! Pour un "ministre des arbres abattus", avouez que c'est un plus !
Or l'achat de cet avion nous ramène à nouveau à notre épisode XVIII : car pour arriver à dissimuler l'acheteur, à savoir lui-même, "Teodorin" va établir un montage financier assez sophistiqué dans lequel on va retrouver tous ceux que l'on venait de citer. Des dictateurs, certes, mais des dictateurs aidés. "Pour cela", nous raconte un journal de languet espagnole, "le 23 février 2006, Ebony Shine International, une société fictive enregistrée aux Iles Vierges Britanniques, déposée au nom d'Obiang Nguema fait une offre d'achat à Blue Sapphire Service, une autre société ayant les mêmes caractéristiques enregistrées sur les îles elles-mêmes, pour l'avion qu'elle vend, un Gulfstream V.Au cours des négociations, selon les recherches, l'avion était toujours physiquement situé à Singapour, mais il avait gardé son enregistrement en Oklahoma. La loi américaine exige en effet qu'un aéronef immatriculé aux États-Unis ait un propriétaire qui est également enregistré aux États-Unis, alors Blue Sapphire a embauché Wells Fargo Bank en tant que propriétaire enregistré de l'aéronef"... raconte le savoureux GuinGuin Bali sous la plume de Txema Santana. Or c'est exactement le même circuit qu'ont utilisé les narcos-trafiquants colombiens pour blanchir leur argent auprès de la banque mexicaine Casa de Cambio Puebla rachetée par Wells Fargo, justement, après l'énorme scandale créé par la divulgation des comptes alimentés par la drogue dans cette banque ! Pour davantage encore noyer le poisson, il sera décidé de faire trois versements : "L'offre faite par le fils du président de la Guinée Equatoriale a été de 38,5 millions de dollars. Qui seront payés en trois versements. L'un de 4,7 millions, un autre de 10,3 millions et, enfin, le dernier de 23,5 millions. Le premier a été exécuté au moment de l'offre, le second au moment de l'inspection de l'aéronef et le troisième lors de la réception".
L'argent transitera entre les banques de Londres et des USA : "le 27 Février 2006, e-mail du représentant d'Obiang Nguema, confirmait qu'ils avait reçu un dépôt initial de 3,9 millions de dollars sur un compte UBS à Londres. La prochaine étape consistait à transférer l'agent du vendeur, représenté par McAfee & Taft (un cabinet d'avocats d'affaires US !), d'un compte d'Oklahoma aux États-Unis. Hélas, les versements suivants se feront attendre, et McAfee & Taft étaient sur le point d'abandonner la vente quand est intervenue une société américaine pour faire avancer le dossier : IATS. Après son intervention tout va se réguler, et rapidement : qui est intervenu auprès de la société pour ce faire ? D'autres versements jusqu'à 15 millions de dollars rassureront au final le vendeur." Une fois l'achat fait, il fallait encore prendre possession de l'avion. Pour ce faire, il lui fallait une autorisation de vol. L'avion a décollé de Singapour pour Bâle, en Suisse.
Le dossier a finalement été déposé dans les îles Caïmans pour échapper aux lois des États-Unis. Cependant, malgré ces lois strictes sur l'achat et la vente l'avion d'Obiang Nguema était entré et sorti aux États-Unis 35 fois en deux ans seulement" note avec malice le journal, qui venait de comprendre le sac de nœud des immatriculations US qui avait permis ces tours de passe-passe de registres !
Bref, on retrouve lors des opérations de vente les mêmes banques surtout que celles impliquées dans les achats d'appareils ayant servi à transférer la drogue colombienne sur la côte Ouest de l'Afrique. On a bien affaire au même réseau ! On retrouvera la trace de l'engin volant proprement dit en épluchant un volumineux dossier d'une enquête du Congrès sur le fils maudit : c'était bien le N-669, comme avion, devenu le VP-CES, ici en atelier de peinture (pour y apposer un Hibiscus sur la queue, la fleur du pays) et vu ici au Princess Juliana International Airport, à Philipsburg, à Saint Martin. A noter que le préfixe VP en fait un avion enregistré dans un "Territoire britannique de l'océan Indien", et non un avion de Guinée Equatoriale. Le gag ultime étant qu'au final ce n'est autre que l'archipel des Chagos, où est installée l'énorme base US de Diego Garcia... Et effectivement, dans le même rapport on peut lire qu'en 2002 et 2005, l'avion avait bien été enregistré sous l'intitulé de la Wells Fargo, sous l'appellation N144K puis N1UB, en 2005 ! En cherchant encore un peu, on retrouvait celui qu avait aménagé l'intérieur du Gulfstream "Blue Sapphire". C'était Aviation Concepts de Dallas, au Texas, avec de belles horreurs à la clé ! Le "Gulfstream Main Lounge" valant son pesant de mauvais goût... la firme ayant également réalisé l'intérieur du B-737 nigérian... le goût, ce n'est vraiment pas ce qui caractérise la dictature !
Des avions, le pays a en fait fort peu, à part ceux dévolus au président... et à son fils. Essentiellement le Boeing 737-7FB BBJ (3C-EGE) pour le père, entièrement transformé en avion pour VIP, à en faire pâlir notre propre président, et le Dassault 900B 3C-ONM, un ex F-GUEQ pour le fils (un cadeau d'anniversaire !) ayant obtenu le 12 mars 1998 un bien étrange permis de vol au service de la Compagnie Aero Services pour se rendre à Bangor, près de Washington, puis une autre fois pour le trajet LeBourget-Teterboro dans le New-Jersey.
En fait, des appareils dévolus à la seule famille présidentielle, au total il y en a six : "Quand il veut voyager, le président a un choix entre six jets personnels, dont le plus récent, qui possède un lit de taille king-size et une salle de bains avec robinets plaqués or. Les destinations comprennent sa maison dans le Maryland ou sa maison de vacances au Cap," rappelle encore The Independent. Il n'y a pas que notre cher président a faire dans le mauvais goût, question aménagements intérieurs d'avion perso. Pour ceux que ça intéresse, il existe un photographe spécialisé dans cela (Martin Parr) : on y voit des clichés d'aménagements clinquants et de goûts toujours aussi douteux....
En dehors de ces appareils, le pays est en effet plutôt pauvre en aviation, et possède seulement deux Antonov 32 "Cline" (un seul, l'un d'entre s'étant crashé le 16 avril 2008) et un Yak 40 "Codling" ex 3C-MNB, 5C-MNB. La particularité des Antonov étant de se faire inspecter et remettre à neuf à Sharjah... (ici le 3C-5GE), ce qui n'augure rien de bon. Et en effet : ce qu'on a pu surtout constater, c'est que des avions suspects semblent avoir largement emprunté le code d'identification de Guinée Equatoriale, au point que le pays a dû faire une mise au point le 29 aout 2006 en éditant la liste de ceux réellement inscrits au registre guinéen. Celui qui a réussi à le faire à sans doute bénéficié sur place d'un aide substantielle pour falsifier les registres : comme là-bas tout ce qui s'achète passe par les mains de la présidence ou de sa famille, on peut très vite imaginer à qui Viktor Bout, car ce lui dont il s'agit, à dû graisser la patte...
A noter également qu'alors le pays reconnaissait posséder un gros porteur ILL-76, immatriculé 3C-LGF, enregistré étrangement comme "gouvernemental", et un Fokker F-28 3C-LGP, qui a terminé sa carrière à Abidjan en 2007, ainsi qu'un Embraer 3C-QQM et un Short 360, numéroté 3C-LGQ. Les avions des compagnies privées de General Work Aviation et de Getra - Guinea Ecuatorial de Transportes Aereos, d'Euroguineana de Aviacion y Transportes et d'Utage - Union de Transport Aereo de Guinea Ecuatorial, tous en mauvais états seront mis sur liste noire en novembre 2008. En octobre 2008, on retrouvera le 3C-LGF,à Beijing en Chine. A noter que Viktor Bout utilisera le numéro 3C-QQM, au nom de CET Aviation Enterprise, mais pour un... hélicoptère, un Mil MI-8 enregistré sous ce numéro factice en janvier 2001. Il fera de même avec un Antonov 72, immatriculé frauduleusement en Guinée Equatoriale, 3C-QQO sous le nom de San Air. L'engin deviendra ES-NOI et sera aperçu à Malte, direction Shannon en Irlande, et à travers une bonne partie de l'Europe, repeint au moins deux fois. . Le 16 mai, 2006, il se baladait comme par hasard à Ostende un des anciens fiefs de Viktor Bout.
Des avions de Viktor Bout, on a vu en effet atterrir pas mal dans le pays, au temps des ILL-18 d'Air Cess, notammement, mais aussi encore fort récemment sous d'autres formes. Le 21 juin 2009 encore, en effet, un Antonov 12 ukrainien immatriculé UR-CAK se retrouvant à sec se posait par surprise pour faire le plein sur l'aéroport de Malam Aminu Kano International Airport, au Nigeria. La police en l'inspectant y trouvera huit containers remplis à ras bord de canons Howitzer, de bazookas et de Kalachnikovs, destinés selon l'équipage aux rebelles du delta du Niger, via le port de Malabo. Le même équipage, arrêté, affirmant sans trop se forcer que les armes étaient je cite "la propriété du gouvernement de Guinée Equatoriale". Un bel aveu de trafic avéré au plus haut de l'Etat.
Or l'avion perquisitionné, avait surtout comme numéro de série 6343707, et il était enregistré sous le nom de compagnie de Meridian Aviation, société installée à Poltava en Ukraine et avait auparavant été vu sous les noms d' ACS, d'Asterias Commercial, de Jet Line International et d'Aerocom : les trois firmes étant de Viktor Bout, les deux dernières étant liées au trafiquant Chris Barrett-Jolley qui faisait voler pendant ce temps son vieux 727 YA-GAA. La très connue "old lady" qui avait fait des allers-retours incessants vers Kaboul, sous la livrée dorée de Kam-Air (et non 'came air" !), à partir de sa base de Sharjah, pour finir un jour par se planter définitivement à Mazar-e Sharif, là où elle est désormais, restée au grand air, démunie de ses précieux réacteurs. Bref, le fameux Antonov était bien un habitué des transports illicites d'armes, et venait bien de Guinée Equatoriale, ou le fils du président a déjà la réputation d'arrondir ses fins de mois de la sorte. Avec sa consommation effrénée de voitures de luxe ou de yachts, il est vrai que le trafic de drogue ne devait plus suffire. L'Antonov, lui, circulant beaucoup : il sera "spotté" en France à Nice ,mais aussi à Tel-Aviv comme à Bierset (Liège) en Belgique et sera même "fixé" trois jours avant de se faire arrêter... en Slovénie. Très certainement là où avaient été chargé les armes, direction la Guinée Equatoriale.
L'Antonov de Guinée est tout un poème à lui seul. On l'a vu traverser tranquillement l'Atlantique, en passant notamment par un relais indispensable, celui du Cap Vert ou des îles Canaries. Il sera même photographié en Martinique prise par… un gendarme français… l’appareil avait été « affrété par le Conseil Général de la Martinique » nous dit la presse, « transportant 12 tonnes de canalisation pour l’Unité de Production d’Eau Potable de la Capot » et était arrivé "à l’aéroport Aimé CESAIRE le jeudi 14 Mai 2009 à 8h 15". L’appareil avait été vu le 11 juillet 2010 au Luxembourg, et déjà de retour au Brésil, à Récife, le 2 août de la même année, juste à côté du « fameux » UR-CGV bleuté ! Le 21 août, on le retrouvait aux Canaries, à Las Palmas, son relais obligatoire (avant la Mauritanie ?)... ses canalisations à l'aller et de la de la drogue au retour ? Des armes de Slovénie et après un petit séjour en plein désert Mauritanien ?
Les pilotes arrêtés avouaient sur place ce jour là le principe fondamental préconisé par Bout à ses employés : "il transfère les documents de ses avions, parfois en plein vol, les enregistre dans les coins éloignés tels que la dictature africaine de la Guinée Equatoriale. Ils ont appris à voyager avec un pot de peinture à émulsion lavable, prêt à peindre à la va-vite de nouveaux numéros d'identification sur les fuselages" explique Le Point. Tous les avions volant sous le nom de Centrafrican Airlines (dont le célèbre IL-76 resté définitivement immobilisé à Umm Al Quwain)
avaient été enregistrés en Guinée Equatoriale avant de changer de numérotation ou de pays d'enregistrement ! Qui tirait donc les ficelles dans le pays en laissant de telles facilités aux marchands d'armes ? Pas que le gouvernement, indubitablement. L'ombre de la CIA plane énormément sur la Guinée Equatoriale ! Au point d'exaspérer parfois cette même CIA qui craignant d'être découverte, organise alors ce qu'elle sait faire le plus : l'élimination physique de ceux devenus trop encombrants pour elle. A savoir les dictateurs qu'elle a pu soutenir auparavant (tel Noriega !). Les américains ou les anglais ont-ils tenté de se débarrasser de l'embarrassant dictateur de Guinée Equatoriale ? C'est fort possible : le 7 mars 2004 débutait en effet une bien étrange histoire qui le laissait supposer.
Un vieux Boeing 727 immatriculé N4610 destiné au dictateur du Zimbabwe se retrouve en effet bloqué à Harare avec 64 mercenaires à son bord, le 7 mai 2004. Des angolais, des sud-africains et des namibiens et un beau lot d'armes légères. Personne ne sait comment il est arrivé là avec un tel équipement à bord : logiquement, c'est le nouvel avion présidentiel (tout blanc) de Mugabe ! Recrutés par une firme appellée Logo Logistics Ltd, ils étaient censés avoir embarqué au Congo pour servir de gardiens de mines au Zimbabwe. Au même moment, la Guinée Equatoriale avait arrêté une quinzaine de mercenaires du même type qui avaient projeté d'attaquer la présidence. A la tête du groupe du Zimbabwe, un aventurier anglais, Simon Mann, qui a la nationalité d'africain du sud, et qui a sur lui... 180 000 dollars. ce n'est pas un inconnu : il a fondé Sandline International avec l'autre mercenaire connu Tim Spicer en 1996 (ça deviendra plus tard Aegis, d'aussi sinistre réputation). La firme ayant été mêlée à un scandale de mercenaires en Papouasie en 1994 (où les avions de Bout avaient déjà servi de transporteurs de troupes). Il reconnait assez vite que le but de l'opération était bien le renversement du dictateur de Guinée Equatoriale et que son opération a obtenu le soutien financier du fils de Margaret Tatcher, jamais avare d'être dans des opérations douteuses. Lors de son enfermement, Mann mouillera en interview des ministres anglais comme commanditaires. On pense que l'opération est purement d'origine anglaise, donc, lorqu'on découvre qu'un second leader, Nick du Toit, a reçu sur son compte en banque deux millions de dollars américains dont on n'arrive pas à établir l'origine véritable.
Mieux encore quand certains se mettent à observer d'un peu plus près l'avion qui a transporté tout ce petit monde et découvrent qu'il est sorti tout droit des fameux ateliers de la Mena, à Rantoul exactement, au beau milieu de l'Arkansas ! Là même où se faisaient repeindre les 727 afghans d'Ariana Airlines, ceux-là mêmes dont se servira un dénommé Ben Laden en plein Kaboul... l'avion appartenait en fait à Dodson Aviation Inc, dont les liens avec la CIA étaient patents. Bref, l'attaque contre le palais présidentiel d'Obiang Nguema la CIA ne devait pas y être étrangère. En sa "démocrature" évidente, cette dictature se présentant comme une démocratie (ou le président se fait élire avec des scores de 95,4%)... le livre percutant de Max Liniger-Goumaz résume bien la situation : cela fait 30 ans que le pays subit "le délinquant nguemiste".
La drogue, les armes ou le bakchich supplémentaire pour les sociétés désireuses de s'installer dans le pays : c'est le système Kadhafi ! "Des journalistes du Los Angeles Times ont découvert des preuves que de grandes compagnies pétrolières américaines paient des revenus directement sur un compte détenu, sous le contrôle du Président, à la Riggs Bank, basée au centre ville deWashington DC...(le solde était de 300 millions de USD). Le magazine Forbes assure qu'il est l'un des chefs d'État les plus riches du monde, avec une fortune estimée à 600 millions de dollars. Des sources officielles l'ont accusé de considérer les biens de l'État comme sa propriété personnelle". C'est fou ce qu'on peut découvrir comme Ben Ali ou Moubarak ces derniers temps, n'est ce pas ? A la différence que si on en parle là-bas, on se fait condamner... (*). La Riggs Bank, voilà qui nous ramène direct à un des épisodes précédents (du numéro XVIII) ! Car tout se tient !
Ainsi,"en 2004, The Independent a révélé que « HSBC, la plus grande banque du Royaume-Uni, ont été critiqué pour ses facilités de blanchiment d'argent, lapreuve de son laxisme, dans le rapport d'un sous-comité du Sénat américain." Les journalistes Hugh O'Shaughnessy et Paul Lashman avaient révélé que « la multinationale du Royaume-Uni était accusée de laxisme dans la lutte contre le blanchiment d'argent, trafic de drogue, la corruption et le terrorisme, notamment dans l'état africain riche en pétrole de la Guinée Equatoriale." Tiens, on y revient : les yachts et les voitures ont été achetés avec de l'argent sale... blanchi, via des filières passant par les USA, la Guinée Equatoriale et l'Espagne : "Riggs a officiellement demandé à la banque espagnole et HSBC de Banco Santander, de divulguer les identités des propriétaires des deux comptes et des entreprises qui recevaient des virements suspects totalisant plus de 35 millions de dollars (20 millions de livres). Les banques ont refusé de dire qui étaient les propriétaires " Bref, exactement ce qu'on avait trouvé hier avec le scandale Wachovia aux Etats-Unis (je reviendrai plus en détail bientôt sur cet événement). "Bloomberg a révélé que « les personnes qui travaillent pour les agents fédéraux ont pris les cartels mexicains en train de déposer illicitement des fonds dans des comptes de la Banque d'Amérique à Atlanta, à Chicago et à Brownsville, au Texas, de 2002 à 2009." Les autorités finissant par admettre que les trafiquants de drogue mexicains utilisaient des sociétés-écran pour ouvrir des comptes basé à Londres, chez HSBC" insiste le journal. Avec ce système, les Bugatti Veyron ou les yachts deviennent subitement plus accessibles, il me semble... Riggs Bank, la "blanchisseuse des dicateurs", écrivait Alain Astaud dans Courrier International en août 2005 déjà. Un article fondamental, aujourd'hui. Que l'on peut relire avec avidité.
La banque Riggs, un lien avec les dictateurs qui ne date pas d'hier, en effet nous expliquait le même article : "le 16 mars 2005, deux sénateurs américains, le démocrate Carl Levin et le républicain Norm Coleman, ont présenté les résultats de leurs dernières investigations sur le blanchiment d’argent sale. Ils ont mis au jour un véritable « réseau financier secret » comprenant pas moins de 125 comptes bancaires dans divers établissements aux Etats-Unis et à l’étranger, au profit de l’ex-président chilien et de membres de sa famille. A elle seule, la Riggs Bank a géré près du quart des comptes de M. Pinochet. Bien que de taille moyenne, l’établissement financier« préféré des ambassades » de Washington se vantait, il y a peu encore, d’être « la banque la plus importante de la ville la plus importante du monde" écrit Astaud, qui poursuit, implacable : "Grâce au savoir-faire et au dévouement de cette vénérable institution, un système financier complexe et illégal a été échafaudé en faveur de l’ex-caudillo, avec la complicité de banques de diverses nationalités : les américaines Citigroup et Bank of America, la britannique HSBC, la Banco de Chile, l’espagnole Banco Santander... Dans ses conclusions, le document sénatorial n’exclut pas l’existence d’autres comptes. Si les enquêteurs ne sont toujours pas parvenus à chiffrer la somme exacte accumulée pendant des années, leur estimation actuelle avoisine les 13 millions de dollars. En fait, explique M. Levin, « de nouvelles informations démontrent que le réseau financier de Pinochet aux Etats-Unis était bien plus développé, durait depuis plus longtemps et impliquait davantage d’établissements bancaires que ce que nous avions découvert précédemment ». On a bien affaire aux mêmes... banques !
Riggs, qui s'en est sortie elle aussi... en payant une amende salée une fois ces agissements illicites découverts : "lorsque, en janvier 2005, le procureur fédéral du district de Columbia, M. Kenneth Wainstein, annonça le compromis, il se montra aussi sévère que le sénateur Carl Levin : "En dépit des multiples avertissements des contrôleurs, la Riggs a démarché des clients qui faisaient courir des risques élevés de blanchiment d’argent sale et les a aidés à protéger leurs opérations financières de tout examen détaillé. Ce comportement prolongé et systématique ne relevait pas seulement de la simple négligence aveugle ; c’était une violation criminelle des lois bancaires qui protègent notre système financier de son exploitation par les terroristes, les narcotrafiquants et autres criminels." Les dirigeants de la Riggs ont donc accepté de plaider coupable, de soumettre leur établissement à une mise à l’épreuve de cinq ans, et de payer une amende de 16 millions de dollars". La Banque s'arrangeant pour ne pas avoir à subir sa mise à l'épreuve de cinq ans précise Astaud : "pour ce qui est de la mise à l’épreuve de cinq ans, la banque en est finalement dispensée. En effet, une clause de l’accord précisait que, en cas de rachat, la mesure serait levée. Or la Riggs a été vendue à la banque PNC Financial Services, vente négociée en juillet 2004 et devenue effective le 13 mai 2005. Dans le protocole de vente, l’établissement de Pittsburgh s’engageait à débourser 779 millions de dollars pour l’acquisition de sa consœur... Fair Finance Watch (FFW), qui milite contre le blanchiment d’argent sale, a condamné cette « liquidation » précipitée. L’accord amiable présentait un double avantage pour la Riggs : mettre un terme à l’enquête ouverte pour blanchiment présumé d’argent et, surtout, prémunir la banque et ses filiales contre toute nouvelle accusation pour leurs activités internationales avec les ambassades ou leurs clients privés." Bref, on a passé l'éponge, tout simplement !
Il y avait donc d'autres Ben Ali "bis", avec propriétés en France comme l'ex-président tunisien :"en janvier 2008, le journal français Le Monde révélait les conclusions de l'enquête de police classée sans suite pour « infraction insuffisamment caractérisée » en novembre 2007. Le chef de l'État guinéen et sa famille possèdent, en région parisienne, plusieurs biens mal acquis supposés, dont au moins une propriété au nom de Téodoro Obiang Nguema et "une quinzaine de véhicules au nom du fils du président, Teodoro Nguema Obiang, pour un montant estimé de plus de 5,7 millions d'euros", acquittés par des virements de sociétés intermédiaires ». Les fameuses sociétés à part, obligatoires pour... blanchir correctement !
Or l'argent du dictateur de Guinée Equatoriale était lui aussi déposé... à la banque Riggs. "M. Pinochet n’est pas le seul dictateur à avoir bénéficié des compétences de la Riggs. Le dictateur Teodoro Obiang Nguema, qui dirige la Guinée-Equatoriale d’une poigne de fer, y a déposé jusqu’à 700 millions de dollars. Ce qui fait de ce despote africain le premier client de la banque. Depuis son accession à l’indépendance, en 1968, la Guinée-Equatoriale n’a connu que la terreur, d’abord sous la férule de Macías Nguema, puis sous celle de son neveu, M. Obiang Nguema, qui, en 1979, à la faveur d’une révolution de palais, a renversé son oncle et l’a fait passer par les armes" n'oublie pas de préciser Astaud..
Mais on a laissé faire, pour une raison simple. "En 1992, la firme Walter International Inc. produisait les premiers barils de pétrole. Aujourd’hui encore, les compagnies américaines – ExxonMobil, Amerada Hess, Marathon Oil... – conservent le monopole de la production équato-guinéenne. Selon le journaliste Peter Maass, ce pays « ressemble parfois à une caricature de kleptocratie pétrolière ». Alors que les revenus du pétrole augmentent de manière exponentielle (3 millions de dollars en 1993, 210 millions en 2000, 700 millions en 2003), 65 % de la population vit avec moins de 2 dollars par jour. Et tandis que les pétrodollars coulent à flots, l’eau courante manque toujours, de même que l’électricité. Ce n’est pas la richesse de la nation qui augmente, mais le pillage par le clan au pouvoir. Comme le reste de la production, la rente pétrolière est massivement détournée par le satrape et sa famille, avec la complicité active d’entreprises américaines et... de la Riggs Bank."
Cela n'empêchera en rien la communauté internationale de se taire sur cet Etat, qualifié au mieux de kleptocratie, ou même Barrack Obama de recevoir le dictateur en famille...en traçant un trait sur la tentative d'élimination de 2004. En 2006, rappelons-le, la Secrétaire d' Etat Condoleezza Rice avait déjà salué Obiang comme étant un "good friend" ! Un si bon ami depuis que l'on avait trouvé du pétrole sur ces terres. Et l'Afrique elle-même d'en faire son représentant.... en le choisissant fin janvier comme nouveau Président de l'Union Africaine ! C'est littéralement proprement et simplement scandaleux ! Astaud avait conclu amèrement sur l'affaire de la banque Riggs "Enfin, en ce qui concerne l’amende de 16 millions de dollars, on ne peut s’empêcher de relever que c’est avec l’argent sale que la banque s’est blanchie. A-t-on jamais vu un cambrioleur s’acheter une nouvelle virginité pénale avec le butin de ses vols ? " Tout est là, en effet. Au pays des banquiers, ce sont les voleurs qui sont rois. "Après avoir menacé de poursuivre la presse internationale pour « ses commentaires tendancieux », le président Nguema a fermé tous ses comptes à la Riggs" termine notre journaliste.
Des banquiers aveugles prêts à reprendre le flambeau du déchu : "la Riggs s’est mise au service de M. Nguema à un moment où le dictateur avait été placé au ban de la communauté internationale. Pourtant, des organisations comme Amnesty International dénonçaient le recours systématique à la torture ; l’Observatoire géopolitique des drogues considérait la Guinée-Equatoriale comme « une des plaques tournantes du trafic de cocaïne entre l’Amérique latine et l’Europe »...Au point que tous les pays occidentaux, à l’exception notable de la France, avaient fermé leurs ambassades." Fermer les ambassades, mais pas pour autant cesser de l'avoir comme interlocuteur.
René Dumont avait affirmé jadis que l'Afrique Noire était mal partie. Pillée par ses propres dirigeants et leur descendance, elle n'a toujours pas décollé depuis. Et tant que des gens de la trempe d'un Obiang Nguema y régneront, aidé par des banques américaines ou anglaises véreuses, elle n'est pas prête de s'élever davantage.
(*) "Malabo, Guinée équatoriale, Février 16, 2011/African Press Organization (APO) / - Le 11 Février 2011, Juan Tomás Ávila Laurel, blogueur et directeur du magazine culturel et littéraire Atanga, a commencé une grève de la faim en signe de protestation contre le régime autoritaire de Teodoro Obiang Nguema. Trois jours plus tard, le Février 14, il partait pour l'Espagne, la Guinée Equatoriale, se sentant victime de « pressions ». Le militant a récemment déclaré dans une interview : « Nous sommes restés 30 ans dans une mauvaise situation, cela marche dans la mauvaise direction, et il était temps de faire quelque chose. Nous ne pouvons pas continuer comme ça, avec cette dictature (...). Nous avons longtemps cru qu'il est difficile de chasser un dictateur du pouvoir, et maintenant nous avons vu ce qui peut être fait. Nous devons essayer. On devrait profiter de l'esprit de changement qui est dans le Maghreb. Craignant de présenter en Guinée équatoriale un mouvement de protestation similaire à celui de l'Afrique du Nord, le gouvernement a décidé d'organiser un black-out médiatique sur le renversement de Zine el-Abidine Ben Ali et Hosni Moubarak. Ministre de l'Information et porte-parole du gouvernement, Jeronimo Osa Osa, a clairement ordonné au personnel de la radio-télévision RTVGE État de ne pas couvrir les événements en Tunisie et en Egypte".
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