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Gilets jaunes – 16 novembre 2019 – résurgence ou baroud d’honneur ?

 Samedi 16 novembre 2019, près de 40 000 manifestants (selon les organisateurs) se sont rassemblés à Paris et dans les métropoles régionales au cri de « Un an déjà, les Gilets jaunes on lâche pas ! ». Ils étaient 400 000 un an auparavant (!)

Ce récent weekend de caillassage urbain marquait-il la résurgence du mouvement des Gilets jaunes ou le post mortem de la révolte française ? Ni l’un, ni l’autre évidemment.

Interrogeons-nous un instant. Comment cette révolte populaire spontanée a-t-elle surgi un an plus tôt dans cette France soumise à la crise économique prégnante ? Un observateur de la France d’en bas répond spontanément : « Voici ce que j’ai entendu toute la journée du 17 novembre 2018 au rondpoint bloqué où s’étaient rassemblées des centaines d’enragés : « C'est la première fois que je manifeste. Je le fais pour moi, mais aussi pour mes enfants et mes petits-enfants. On n'y arrive plus, on ne boucle plus nos fins de mois ». (1)

Naïveté, crédulité et sincérité d’une retraitée qui croyait qu’il suffisait d’interpeller le régent élu de l’État-providence, magnanime, pour que ce dernier, compassé, accède à ses revendications. Ne soyez pas étonné, il y a une année 74%des Français trouvaient justifié les revendications des Gilets jaunes selon une enquête Odoxa-Dentsu Consulting publiée le 16 novembre 2018. Selon un sondage analogue, publié le 14 novembre 2019, 69% des Français jugent toujours le mouvement des "Gilets jaunes" justifié. C’est une victoire pour les Gilets jaunes. (2) 

 

This article is available in 5 languages on the webmagazine : http://www.les7duquebec.com/7-au-front/gilets-jaunes-novembre-2019-resurgence-ou-baroud-dhonneur/

 

Paradoxe incompréhensible. Le soutien populaire aux Gilets jaunes se maintient dans les sondages, mais la participation aux manifestations du weekend s’effondre… Pourquoi ? Selon certains observateurs de la scène politique française, le président régent Emmanuel Macron et le gouvernement ont fait plusieurs concessions au mouvement. Il y aurait eu l'octroi de 17 milliards d'euros à destination des classes moyennes et populaires (!) Enfin, toujours selon ce sondage, les Français sont très partagés sur le devenir des réformes en matière économique – retraites et assurance chômage. 36% souhaitent que le président et le gouvernement accélèrent le rythme des réformes alors que 36% souhaitent qu'ils le ralentissent. (3) Ces derniers ont compris que les « réformes » des retraites et de l’assurance emploi sont en fait un pillage des caisses par lequel l’État providence en faillite s’apprête à récupérer la rançon de 17 milliards d’euros concédés à la plèbe en colère jaune afin de l’apaiser.

Dans notre ouvrage « Autopsie du Mouvement des Gilets jaunes  » publié en septembre 2019, nous écrivions : « les frictions et les tensions entre les militants issus de la petite bourgeoisie et ceux originaires de la classe ouvrière attestent de la vitalité et de l’ancrage populaire de ce mouvement spontané. Par ces luttes internes, chaque classe témoignait de ses origines sociales, de ses expériences et de ses tactiques de lutte, de ses revendications, de ses intérêts et de l’objectif stratégique ultime de son combat. Par leur engagement la moyenne bourgeoisie et les petits-bourgeois protestaient contre le sort qui leur est réservé sous la crise économique du capitalisme. Bourgeoisie et petite-bourgeoisie ne cherchaient nullement à déboulonner le système capitaliste, mais plutôt à utiliser la révolte des prolétaires (chair-à-manifester, chair-à-patron, chair-à-voter, chair-à-canon) pour secouer le système économicopolitique, et menacer l’oligarchie du capital et ses représentants politiques, afin de renégocier le partage de la plus-value entre les divers clans bourgeois.

 

On peut caractériser l’engagement de la bourgeoisie comme un effort pour réformer le système capitaliste et ainsi le consolider. Le ras-le-bol de la bourgeoisie française marquait sa résistance inconsciente aux lois économiques du mode de production, exprimé par de futiles efforts pour faire tourner à l'envers les lois de la valorisation, de l’accumulation et de la concentration du capital. La position de la petite-bourgeoisie militante évolua dans le sens du compromis et des accommodements avec le pouvoir étatique, d’où le fossé entre ce fragment de classe et les militants d’origine prolétarienne. Les revendications de la petite-bourgeoisie visaient le « repartage » du pouvoir politique par le Référendum d’Initiative Citoyenne (RIC), pour plus de ressources aux communes qu’elle contrôle ; ainsi que pour l’allègement des charges sociales par l’impôt progressif, le soutien aux petits commerces, la surtaxation des grandes entreprises, et le soutien aux forces de l’ordre.

 Le prolétariat engagé dans le mouvement ne partageait pas les mêmes expériences de lutte ni ne poursuivait les mêmes objectifs tactiques et stratégiques que la bourgeoisie en révolte. Par ses revendications le salariat réclamait la valorisation de la force de travail : hausse des salaires, du SMIC, indexation des retraites, fin du travail détaché, davantage de CDI et des baisses d’impôts pour maintenir le pouvoir d’achat, soit une diminution de la portion du surtravail expropriée et la réduction de l’accumulation de la plus-value. Ce à quoi le gouvernement a rétorqué par les concessions du 10 décembre, modestes, mais réelles, concessions que l’État s’empressa de récupérer par de nouvelles mesures fiscales dès le mois de juin 2019 puis par les réformes de l’assurance emploi et des retraites. » (4)

Le caillassage urbain du samedi 16 novembre 2019 révèle que le prolétariat français a quitté les futiles parades des weekends-jaunes, qu’il a abandonné la direction du Mouvement à la petite-bourgeoisie enragée de s’être fait flouer par un gouvernement – un État-providence aux ordres – qui n’a pas les moyens de la stipendier et qui devra la faire passer sous les fourches caudines comme tous les autres salariés. Il en est de même de tous les autres soulèvements populaires qui illuminent la Terre toute entière à la veille du grand soulèvement prolétaire qui paralysera la production par la grève sauvage illimitée.

 

Notes

 

  1. https://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/ce-dimanche-le-mouvement-des-219348 et http://www.les7duquebec.com/7-de-garde-2/gilets-jaunes-un-an-deja-quel-bilan/
  2.  https://www.francetvinfo.fr/economie/transports/gilets-jaunes/69-des-francais-jugent-le-mouvement-des-gilets-jaunes-justifie-et-58-estiment-qu-il-leur-a-profite-selon-un-sondage_3702907.html#xtatc=INT-1
     
  3.  https://www.francetvinfo.fr/economie/transports/gilets-jaunes/69-des-francais-jugent-le-mouvement-des-gilets-jaunes-justifie-et-58-estiment-qu-il-leur-a-profite-selon-un-sondage_3702907.html#xtatc=INT-1
     
  4.  Autopsie du Mouvement des Gilets jaunes. Robert Bibeau. Khider Mesloub. Septembre 2019. L’Harmattan. Paris. 18 euros. http://www.les7duquebec.com/7-au-front/autopsie-du-mouvement-des-gilets-jaunes/

    Pour se procurer le volume chez AMAZON, cliquez ICI : https://www.amazon.fr/Autopsie-du-mouvement-gilets-jaunes/dp/2343184356/ref=sr_1_1?__mk_fr_FR=%C3%85M%C3%85%C5%BD%C3%95%C3%91&keywords=robert+Bibeau&qid=1570022698&s=books&sr=1-1

 

 

 


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6 réactions à cet article    


  • Clark Kent Séraphin Lampion 22 novembre 2019 09:40

    « Il en est de même de tous les autres soulèvements populaires qui illuminent la Terre toute entière à la veille du grand soulèvement prolétaire qui paralysera la production par la grève sauvage illimitée.  »

    Il serait intéressant d’en faire la liste, de les analyser et de les comparer, sinon le risque de mélanger des choses contradictoires est fort.

    Ce qui se passe à Hog-Kong ou au Liban n’est pas le fait du « prolétariat »). Ce qui se passe en Iran est peu-être le fait du prolétariat, mais aussi de la « petite bourgeoisie » que vous évoquez. Ce qui se passe en Bolivie est le fait du peuple dans un pays où on ne peut pas parler de « prolétariat ».

    Les révoltes contre les ravages de l’impérialisme (européen et américain) sont en effet nombreux, mais quand ils sont organisés, ils n’obéissent pas forcément à une logique de « lutte des classes », ou alors, ce n’est pas forcément la classe qui vous est chère (à mmoi aussi d’ailleurs) qui est aux manettes.


    • Captain Marlo Fifi Brind_acier 22 novembre 2019 12:05

      @Séraphin Lampion
      L’auteur ne doit pas savoir ce que sont « les révolutions colorées »...
      Dès qu’il y a des manifs quelque part, la Gauche y voit des révoltes populaires, et n’a rien de plus urgent que de les soutenir, la CIA les remercie beaucoup !


    • Robert Bibeau Robert Bibeau 22 novembre 2019 23:29

      @Séraphin Lampion

      Votre intervention est pertinente et me permettra de nuancer mon assertion et de clarifier les mécanismes de l’insurrection devant mener à la révolution prolétarienne (qu’il ne faut pas confondre avec la révolution bourgeoise anti féodale ou anti-coloniale, ou socialiste, etc.)

      1. Vous avez raison a) il n’y a aucun de ces mouvements (20 pays concernés selon mes estimés) en ce moment qui ne soit un soulèvement purement prolétarien. b) C’est normal, le prolétariat vit sous le joug depuis deux siècles et quand en 1930-1945 il a cru qu’on le dirigeait vers la révolution = il a appris qu’on le poussait vers des réformes sociale-socialiste pour consolider le capitalisme

      2. vers les années 1970 ce fut la montée des maoïsmes = nouvelle vague de réformisme plus virulent verbalement mais tout aussi lénifiant

      3. En ce 2019 la crise économique frappe le prolétariat autant que la petite-bourgeoisie. Cette dernière ne souhaite pas la destruction du capitalisme mais sa RÉFORME RÉPARATION. Elle participe déjà au pouvoir bourgeois en tant que sous-fifre et elle prends la direction es mouvements soulèvements SOIT facilement SOIT difficilement selon sa maturité et selon la maturité de classe des ouvriers 

      4. Il faut en effet analyser dans chaque pays l’état du développement économique (pas pareil à Hong-Kong et en Bolivie ou en Colombie et en France= mais attention ATTENTION Dès qu’il y a des usines -des mines des ports des aéroports de la construction = IL Y A DU PROLÉTARIAT) jE n’ai jamais visité la Bolivie mais je sais qu’il y a du prolétariat car il y a des mines et donc des mineurs des camionneurs et des cheminots = c’est l’avantage d’être marxiste

      5. AU TOTAL peu importe le niveau de développement économique et donc des classes sociales = le mode de production se dirige mondialement vers la financiarisation = la globalisation = l’internationalisation et ma PHRASE EST CORRECTE = TOUS quelque soit les motifs précis spécifique continentaux, régionaux, nationaux, locaux convergeront vers l’opposition au mode de production qui est la cause de leur détresse MÊME S’ILS NE LE SAVENT PAS 

      6. lA RÉVOLUTION PROLÉTARIENNE se développe mécaniquement en droite ligne en opposition au mode de production qui lui done vie et vitalité. La petite-bourgeoisie sera simplement (différemment selon les pays) écarté de la direction du mouvement qu’elle ne pourra plus motivé  dirigée etc. 

      TOUT CECI EST ABONDAMMENT EXPLIQUÉ DANS NOTRE VOLUME = Autopsie du Mouvement des Gilets jaunes 

       


    • Captain Marlo Fifi Brind_acier 22 novembre 2019 12:02

      Parmi « les casseurs », il y a plusieurs groupes différents, qui n’ont pas les mêmes motivations, ni les mêmes objectifs, et la plupart n’ont rien à voir avec les Gilets jaunes...

      .

      Ensuite, Macron obéit aux Traités européens, et à la feuille de route de la Commission européenne, chose qui n’existe pas au Canada.

      .

      Enfin, comme il n’y a quasiment plus d’industries en France, on se demande bien ce que l’auteur met sous le terme de « prolétariat », s’il ne comprend ni les employés, ni les précaires, ni les artisans, ni les étudiants, ni les fonctionnaires ?

      .

      Confondre un salarié, même un cadre moyen, avec la petite bourgeoisie, ça frise le ridicule. Quant à la bourgeoisie, elle n’est pas avec les Gilets jaunes, elle demande de l’ ordre, c’est tout, même si une partie est en voie de déclassement.

      .

      Enfin, pour qu’il y ait une révolution victorieuse, il faut une série de conditions qui n’existent pas aujourd’hui, ni sans doute demain : un Parti ( il n’y en a pas), une organisation (les Gilets Jaunes ne veulent ni syndicats, ni Partis politiques), un programme (avec une Gauche en morceaux, ça va être la foire d’empoigne) , ni le soutien de l’armée( le plus souvent légitimiste).

      A moins d’être inconscient, les rêvasseries des révolutionnaires de salon, ça ne peut que se terminer au cimetière.

      « Le peuple désarmé sera toujours vaincu » Bruno Guigue


      • bouffon(s) du roi bouffon(s) du roi 22 novembre 2019 12:36

        C’est beau l’espoir ^^


        • Le421... Refuznik !! Le421 22 novembre 2019 20:20

          Combien de personnes ne sont pas dans la rue par peur du qu’en dira t-on ?

          A moins que ce ne soit par simple feignantise, c’est tellement plus pratique que de cueillir les fruits tombés de l’arbre...

          Et puis aussi la peur de se confronter aux « tontons macoutes », puisque le terme de « forces de l’ordre » est de plus en plus inapproprié !!

          Le seul problème, c’est que la trouillardise devient chronique quand les élections approchent. Les nantis votent à deux mains, les gueux trouvent toutes les bonnes raisons de s’esquiver.

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