La recherche contre le cancer est dans une impasse
I. Le point sur l’état actuel des recherches
Le lecteur aura sans doute remarqué que la recherche contre le cancer sous-entend une finalité qui est de vaincre cette maladie dégénérative. Alors que la recherche sur le cancer vise à comprendre comment les cellules malignes se développement dans un organisme et pourquoi, dans quelles circonstances, avec quels facteurs moléculaires. Il est facile de comprendre que l’on peut effectuer des recherches contre le cancer sans pour autant chercher à comprendre le cancer. Il suffit pour cela de tester des molécules et d’observer si l’animal étudié ou mieux encore, le patient, voit son espérance de survie s’accroître. Mais si l’on dispose de données précises sur les caractères des cellules cancéreuses, la découverte d’une substance anticancéreuse est orientée vers la synthèse de molécules pouvant détruire sélectivement la tumeur. Si le principe est simple, la tâche s’avère plus compliquée. La recherche contre le cancer a-t-elle vraiment progressé ?
Dans un livre récemment paru mais qui est resté confidentiel, le cancérologue Henry Heng s’interroge sur de possibles impasses dans la recherche contre le cancer. Il y a quelques temps, il m’a adressé deux chapitres de son ouvrage consacré à un paradoxe présent dans la recherche et à la nécessité de débattre sur l’état actuel et le fonctionnement de la recherche sur et contre le cancer. Ses propos sont sévères ce qui explique le peu d’audience rencontré par son ouvrage. Mais dans son mail, il m’a confié son espoir de voir ce livre susciter des vocations alternatives auprès de jeunes chercheurs prêts à s’engager dans des voies non conventionnelles pour vaincre cette terrible maladie. Qui en 1900 représentait la huitième cause de décès aux Etats-Unis et qui maintenant est passé en pole position, devant les maladies cardiovasculaires.
Henry Heng tente de mettre en lumière un gouffre entre les données moléculaires, notamment génétiques, acquises en analysant le cancer, et les résultats cliniques qui ne sont pas à la hauteur des espérances. C’est un sacré paradoxe que l’échec des thérapies anticancéreuse dans ce contexte où les connaissances moléculaires sont foisonnantes. On en conclurait que la recherche sur le cancer fournit des résultats mais que la recherche contre le cancer fait presque du surplace. J’aurais pour ma part tendance à penser que les modèles moléculaires fournis par la science passent à côté de la compréhension des ressorts profonds du cancer. Heng suggère que le cancer ne dépend pas de quelques gènes déterminants ayant muté mais plutôt d’un ensemble de facteurs. Si l’origine du cancer n’est pas génétique, serait-elle épigénétique ? Si ce n’est pas l’ADN, serait-ce l’ARN ? Si ce ne sont pas des régions codantes, sont-ce des régions non codantes qui orientent le processus de cancérisation ?
Heng est très critique face au fonctionnement de la recherche qui a pour devise le « just do it », autrement dit, qui fonce dans l’analyse moléculaire en espérant trouver un graal permettant de trouver le missile moléculaire capable de traiter le cancer. Quand la science continue à employer les mêmes méthodes et modèles depuis des décennies, en croyant qu’un jour des résultats décisifs font finir par tomber, non seulement place la science dans une impasse mais aussi traduit une forme de malhonnêteté intellectuelle nous dit Heng ou même une sorte de folie comme aurait pensé Einstein. Les scientifiques ont une propension à croire à ce à quoi il veulent croire. Il y a quelques années, en prenant acte des résultats du séquençage génomique, le directeur du NCI avait déclaré que le cancer serait vaincu en 2015. On voit le résultat. Nombre de chercheur et d’institutions savantes ont pourtant cru à ce scénario. Qui se répète comme le note Heng en évoquant le cycle à trois temps, belles promesse, cuisante désillusion, confusion. Pour casser ce cycle, il suggère de chercher dans de nouvelles directions en cassant les paradigmes et autres modèles impuissants dans le champ compréhensif. Pour le dire avec une image parlante, il faut cesser de chercher les clés du cancer sous le lampadaire parce que c’est éclairé mais songer à placer des lampadaires pour éclairer d’autres champs paradigmatiques. Mais il faut aussi s’interroger sur la lumière que diffuse le lampadaire conventionnel, autrement dit essayer de comprendre pourquoi les théories et modèles utilisés en cancérologie s’avèrent inefficaces, pour ne pas dire trompeurs, puisqu’ils ont échoué à maintes reprises.
II. Une hypothèse alternative, la cancérogenèse darwinienne
Heng se réfère au récit de Thomas Kuhn pour exposer ce qu’il pense être une crise dans la recherche sur le cancer en faisant remarquer que le paradigme actuel est parsemé d’anomalies et de failles conceptuelles. Quand il y a crise, il faut changer de modèles, de paradigme, autrement dit, il faut revoir notre monde de pensée. Ce précepte est valable autant dans le domaine des sociétés en crises que dans les champs scientifiques qui n’avancent plus. L’hypothèse darwinienne en cancérologie envisage le processus conduisant à la tumeur comme un mécanisme évolutif présent dans les cellules d’un organisme et dont l’essence ou le ressort est similaire aux processus naturels conduisant aux différentes espèces. Autrement dit, les cellules tumorales sont des cellules ayant créé une nouvelle espèce au sein même du milieu cellulaire que constitue l’organisme sain. Cette hypothèse n’est pas étrangère à la conception de l’ontogenèse comme un processus guidé par des principes darwiniens. Cette conception est définie comme ontophylogenèse, elle a été proposée par Jacques Kupiec mais elle présente quelques lacunes. C’est aussi le cas de la conception darwinienne de la cancérogenèse. Heng est parfaitement conscient des limites de son paradigme en développant une réflexion dans le chapitre 7 où sont discutés les problèmes inhérents à ce genre d’hypothèse reliant des domaines distincts par nature. Le principal problème étant que dans l’évolution darwinienne, la reproduction sexuée joue un rôle déterminant, constituant le second pilier de l’évolution avec la sélection naturelle. Or, ce pilier ne peut pas être invoqué pour concevoir la cellule tumorale comme le résultat d’une spéciation.
Néanmoins, la similitude avec la spéciation s’avère riche du point de vue heuristique et nous oriente vers une compréhension plus holistique du cancer. Alors que le modèle conventionnel s’inscrit dans un cadre réductionniste. Un ou quelques gènes mutent puis à la faveur de quelques facteurs et autres promoteurs, la cellule se divise et se multiplie anarchiquement dans l’organisme. La génétique a trouvé dans les années 1980 les fameux oncogènes censés expliquer le cancer mais cette hypothèse est balayée par l’observation d’un désordre génomique dans les cellules cancéreuses. De plus, on ne peut savoir si ces gènes mutés dont l’analyse provient du séquençage sont la cause ou la conséquence du cancer. L’hypothèse évolutive du cancer ouvre vers de nombreuses questions énumérée par Heng qui se demande entre autres choses si la transformation de la tumeur suit des principes darwiniens et quels sont les étapes moléculaires au sein du noyau ; gènes mutés dont les effets se conjuguent, modifications épigénétiques ou alors réorganisation radicale du génome en un même processus ?
Pour résumer le questionnement alternatif, le constat de départ porte sur le cadre conventionnel inscrit dans une vision axée sur les gènes, cadre face auquel on prendra une distance en n’hésitant pas à l’abandonner. Une fois la décision prise, on cherchera dans quel secteur se situe l’explication du cancer. Il y a trois possibilités, le génome pris comme un bloc, les processus épigénétiques ou enfin un désordre subit ou généré par les tissus, ce qui indiquerait, dans cette troisième option, une origine extragénétique pour le cancer. Enfin, il n’est pas à exclure un processus dialectique entre le milieu tissulaire et la réponse des mécanismes génomiques ou épigénétiques.
Sortir d’un cadre de pensée s’avère déconcertant car le nouveau cadre se révèle indéterminé et se décline plus sous forme d’interrogation que de réponses à des hypothèses bien définies. Mais c’est le lot de la recherche scientifique que d’avancer dans des voies dont on ne connaît ni l’issue, ni la feuille de route. C’est un chemin de pensée autant qu’une affaire d’expérimentation. La conception évolutive du cancer ne laisse pas augurer d’une victoire prochaine contre la maladie avec des traitements ciblés. Le cancer déploie des stratégies de contournement. Certes, les tumeurs ne résistent pas à l’opération chirurgicale ou à la radiothérapie mais ensuite, s’il persiste des cellules récalcitrantes, celles-ci ont semble-t-il des moyens pour échapper aux traitements chimiques et trouvent des moyens pour s’adapter et continuer à se diviser. C’est une question de vitesse. La survie du patient en dépend. Malheureusement, dans beaucoup de cas, le cancer résiste et c’est lui qui survit alors que les cellules ignorent qu’en se développant, elles vont vers une issue fatale, entraînant avec elles la personne malade vers une triste fin.
On peut croire que le cancer sera vaincu comme on peut croire au miracle de la science. Je n’y crois pas en l’état actuel des connaissances qui sont lacunaires sur les ressorts de la cancérogenèse et qui ne laissent augurer aucun espoir de vaincre la maladie autrement qu’avec les opérations conventionnelles et une issue qui dépend de la nature du cancer, de l’état du malade et du processus vital qui se déroule sans qu’on ne puisse le maîtriser. L’échec de la thérapie anticancéreuse sur la moitié des cas est aussi l’échec du désir tout puissant de l’humanité qui pense que la science doit permettre de tout contrôler. Mais cet échec nous invite à penser autrement, en suivant la démarche de Heng qui, au lieu de proposer des solutions, égrène une centaine de questions sur cette pathologie.
Au point où nous en sommes, le succès thérapeutique est hors de portée. Il reste à changer d’option et prendre trois dispositions sages. En matière de science, changer de voie. En matière de thérapie, réfléchir aux objectifs et s’interroger sur l’intérêt de connaître les causes du cancer en vue d’une prévention, sachant que la thérapie est maintenant dans une impasse et qu’une des solutions passe par l’évitement de la pathologie afin d’éviter l’issue funeste. Quand il n’y a pas de solution, il faut songer à éviter le problème. En matière de philosophie, prendre du recul et savoir être stoïque en cas de malheur. Cela dit, le cancer est comme toutes les choses humaines un secteur permettant de tirer des profits. La croyance en la science est nécessaire pour que les labos puissent profiter du malheur humain.
Il fut un temps où je croyais aux options alternatives comme par exemple la machine de Prioré. Je n’y crois même plus et je ne crois même pas que l’humanité puisse faire émerger une solution contre le cancer pour autant qu’il y ait une solution. C’est comme la mort, il n’y a pas de solution d’évitement. Cela dit, je pense être bien placé pour trouver une solution si elle existe. Mais vous ne me croyez pas. Eh bien démerdez-vous, chacun son destin et Dieu pour ceux qui croient.
III. La gravité quantique pour comprendre le cancer ?
Ce III ne sera pas publié
Lien vers le livre de Henry Heng
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