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Accueil du site > Tribune Libre > Le véritable Jésus du professeur Guillemin

Le véritable Jésus du professeur Guillemin

Voici ma correction du « Devoir de philo » de Louis Cornellier, critique des essais au journal le Devoir de Montréal. J'ai pensé que ses lecteurs, quelques-uns des lecteurs de son journal en tout cas, seraient intéressés par une réaction à son texte paru la veille de Noël. J'ai en effet pris tout mon temps pour préparer un « Devoir de sciences religieuses » qui serait une critique rigoureuse et bien informée de son « Devoir de philo ». J'espère maintenant que les lecteurs de ce journal sont nombreux à fréquenter AgoraVox. Car si le journal refuse de publier ma « correction », c'est, je crois, qu'il se protège en protégeant son collaborateur de toujours. Je n'en vois pas d'autres explications. On en jugera au texte.

 Le véritable Jésus du professeur Guillemin

Guy Laflèche,
Professeur retraité,
Université de Montréal

  Les devoirs sont des exercices scolaires qui doivent parfois être impérativement corrigés, même s'il s'agit du plaisant jeu de mot des « devoirs du Devoir  ». Ce sera donc le cas du devoir de Louis Cornellier paru la veille de Noël (23-24 décembre 2017, p. B11 : l'article, qui s'intitule « Le Jésus du professeur Guillemin », se consulte gratuitement dans les archives du journal, Ledevoir.com ; une recherche « Cornellier + Guillemin + Jésus » conduit directement à l'article). Comme l'a dénoncé avec raison Gérald Blanchard dans une lettre au Devoir (29 décembre, p. A8), il ne s'agit pas d'un exposé à teneur philosophique, mais bel et bien d'une profession de foi, prenant prétexte d'un apparent compte rendu du livre d'Henri Guillemin paru en 1982, l'Affaire Jésus (Paris, Seuil, rééd. Points, 1984 ; nouvelle éd. Utovie, collection HG, 2014). Les lecteurs qui ne connaissent pas l'ouvrage n'auront aucune idée de ses objectifs, de sa nature ni de son contenu. Louis Cornellier y découpe des citations et en reformule quelques idées pour exprimer de biais ses convictions religieuses. Dans son témoignage, Henri Guillemin s'avançait à visage découvert

La citation détournée

  Je commencerai par le détournement d'un extrait du texte de Guillemin, une fausse citation par Louis Cornellier, destinée à poursuivre son combat contre Michel Onfray et dans le but de se justifier. Je cite Louis Cornellier textuellement, avant d'analyser sa « citation ». Ce sera un peu long, mais la correction ne se fait pas toujours d'un trait de plume. Elle doit ici être justifiée.

  Je cite : « Une thèse dite "mythiste", existe, notamment défendue par Michel Onfray, qui affirme que Jésus n'a pas de réalité historique et est une stricte invention mythologique. Guillemin, après l'avoir soupesée, la rejette en affirmant qu'elle "est aujourd'hui entièrement impraticable et [qu']aucun historien, à quelque courant de pensée qu'il appartienne, ne saurait désormais s'y rallier". Laissons donc les sceptiques à leur lubie et parlons avec Guillemin de l'essentiel ».

  Cela est faux, doublement, triplement. Jamais nulle part Henri Guillemin n'étudie une supposée thèse « mythiste », ce n'est pas vrai. Jamais il n'a « soupesé » une telle thèse pour la « rejeter ». C'est une pure invention de Louis Cornellier. En effet, la phrase citée est tronquée de son sujet et détournée de son sens. Le sujet de la citation faite par Louis Cornellier n'est pas une supposée thèse « mythiste », mais bien, et je cite le vrai texte d'Henri Guillemin : « la thèse des Couchoud et des Alfaric est aujourd'hui entièrement impraticable et aucun historien, à quelque courant de pensée qu'il appartienne, ne saurait désormais s'y rallier » (p. 22) Or, Guillemin vient de présenter (p. 20-21) l'ouvrage de Paul-Louis Couchoud, le Mystère Jésus (1924), et l'article de Prosper Alfaric, « Jésus a-t-il existé ? » (1932). Réponse : non. Les deux auteurs n'ont rien à voir avec ceux qui croient que les Évangiles sont des mythes ou des constructions mythiques, au sens fantaisiste où on l'entend habituellement. Ils ont en commun d'être des négateurs radical de l'existence historique de Jésus de Nazareth et c'est précisément ce que présente Henri Guillemin : pour eux, Jésus n'a jamais existé ; pour Couchoud, il s'agit de la création d'un être idéal par saint Paul, tandis que pour Alfaric, on serait en face d'une réactualisation de conceptions religieuses orientales. Dans les deux cas, il s'agit de négateurs et c'est ainsi et pour cela que Guillemin les présente, et c'est cette thèse qu'aucun historien ne saurait soutenir aujourd'hui.

  Mais, se demandera-t-on, que vient faire Michel Onfray comme supposé « mythiste » dans cette galère ? En effet, ce philosophe n'a aucun rapport ni avec les supposés « mythistes » et encore moins avec les négateurs de l'existence de Jésus. Or, question négation, c'est ce qu'affirmait Louis Cornellier dans le compte rendu d'une bluette de J.-M. Salamito dénigrant le dernier livre d'Onfray, Décadence : vie et mort du judéo-christianisme (2017). Je cite encore Louis Cornellier textuellement : « Depuis des années, Onfray va répétant que Jésus de Nazareth n'a jamais existé » (le Devoir, 5 septembre 2017, p. B6). C'est bizarre, n'est-ce pas ? De négateur, Onfray devient, en trois mois, un « mythiste ».

  Pourquoi donc ? Mais parce qu'on lui a mis le nez dans le pipi de Jean-Marie Salamito (Monsieur Onfray au pays des mythes) où le chroniqueur avait pris l'idée saugrenue que le philosophe niait l'existence de Jésus. Pour se racheter aux yeux de ses collègues du Devoir et de quelques lecteurs qui ont pu lire mes protestations sur Singulier.info, développées sur AgoraVox.fr, au lieu de s'excuser (comme il devait le faire dans les circonstances), il change son argumentation. Et d'ajouter, je le rappelle, puisqu'il s'agit d'un coup de griffe gratuit : « laissons donc les sceptiques à leur lubie ». Qui sont ces sceptiques ? L'analyse rhétorique la plus élémentaire montre qu'il s'agit, tout simplement, de ceux qui ne pensent pas comme lui, ce qu'implique la citation détournée prise d'Henri Guillemin (« aucun historien, à quelque courant de pensée qu'il appartienne » ne serait aujourd'hui assez sot pour penser comme Michel Onfray).

  Mais ici, il n'est pas question de laisser Louis Cornellier à ses lubies et de passer à autre chose. Il faut au contraire corriger encore son supposé compte rendu du livre d'Henri Guillemin.

La « thèse mythiste » de Wikipédia

  Lorsqu'on doit corriger un devoir, il faut souvent s'interroger sur l'origine de son vocabulaire. Ce sera le cas ici du vocable « mythiste ». Le mot n'est pas consigné au Dictionnaire étymologique de la langue française (Bloch et Von Wartburg) et ne se trouve dans aucun dictionnaire courant. En revanche, le Dictionnaire historique de la langue française (Robert, 1992), dictionnaire spécialisé, enregistre le vocable dans deux emplois archaïques aujourd'hui disparus, soit aux sens de « sciences des mythes » (1834) et « abus des explications mythiques » (1840). Mais d'où Louis Cornellier nous sort-il donc le mot sorti de l'usage depuis un siècle ? De l'internet. Il s'agit du titre de l'article « Thèse mythique » de Wikipédia.

  L'article a été créé par « Benoît Montfort » le 2 novembre 2005. Je mets le nom de l'auteur entre guillemets, car il est impossible de savoir s'il ne s'agit pas d'un pseudonyme, comme cela est de rigueur sur Wikipédia, puisque nous n'avons aucun renseignement sur ce rédacteur par ailleurs. Il a été « bloqué » le 29 août 2007, par des administrateurs de Wikipédia, pour des raisons qui ne concernent pas notre sujet ici. BM, comme je vais le désigner dorénavant, n'est pas un spécialiste des questions d'histoire religieuse, ce n'est pas un rédacteur expérimenté ni non plus un chercheur de formation ou de métier. Il suffit de lire sa toute première version de l'article (cf. l'« historique ») pour le comprendre : elle nous présente très sommairement les négateurs de l'existence de Jésus de Nazareth, comme s'il s'agissait d'une « thèse » toute simple et naturelle à laquelle nous pourrions adhérer. Évidemment, telle n'est pas la pensée de BM. Cette première version de l'article est bancale et son auteur n'a aucune idée encore du sujet dont il se propose de faire un article. Or, et c'est là une des grandes forces de Wikipédia, BM va développer son article, peu à peu, de janvier à mars 2006, pour lui donner une solide armature. Son brouillon est progressivement mis au net et, très tôt, de nombreux collaborateurs vont corriger ses fautes et coquilles, et vont reformuler, ici et là, des propositions, des phrases, voire des alinéas entiers de son article.

  Et même après le départ de BM, l'article va continuer de se développer, jusqu'à atteindre une très haute tenue, bien rédigé, bien structuré et bien informé. On le doit à BM et à tous ceux qui l'ont aidé et qui ont poursuivi son travail. L'article est un petit chef-d'oeuvre digne des réalisations de Wikipédia. Un seul problème, mais extrêmement grave : son titre, « Thèse mythiste » ! Ce titre est de BM, depuis le début. Personne ne s'est avisé qu'il n'avait aucun sens. Il s'agit donc d'un excellent article sur les négateurs de l'existence de Jésus, fils de Joseph, de Nazareth, affublé d'un titre qui ne convient pas du tout. Il en est même absurde, puisque l'interprétation mythologique développée par quelques-uns des négateurs est tout à fait exceptionnelle, en plus d'être secondaire, tandis que le contraire se rencontre aussi. Henri Guillemin présente justement le cas de Charles Guignebert pour qui les Évangiles sont des « affabulations » (p. 21) mais qui n'en estime pas moins qu'on ne saurait nier l'existence d'un Jésus de Nazareth crucifié à Jérusalem sous Tibère. Évidemment on peut se moquer de la « thèse » de Charles-François Dupuis qui en 1796 propose très sérieusement une interprétation astrologique des Évangiles (Jésus est le Soleil et ses douze apôtres les signes du zodiaque !), mais on ne peut pas regrouper les négateurs sous le dénominateur commun de l'interprétation mythologique.

  Or, car on se doute bien qu'il faut en revenir à Louis Cornellier, l'article de Wikipédia comprend une petite section fort bien rédigée sur Michel Onfray, même si le philosophe n'a pas sa place parmi les négateurs. Car si Onfray s'intéresse à ces théoriciens (il a préfacé un recueil d'Alfaric), ce n'est pas parce qu'il partage leur thèse insoutenable, comme l'écrit Guillemin, mais précisément pour l'édification même de leur thèse. En effet, s'il a été possible de mettre en doute l'existence de Jésus de Nazareth, c'est parce qu'il n'existe aucun document, hormis trois petites allusions inconsistantes et insignifiantes, dans les oeuvres des Romains et des Juifs, sur ce personnage, sauf les textes légendaires des Évangiles, l'essentiel de ce que l'on appelle le Nouveau Testament. Les négateurs ont tort, Jésus a bel et bien existé, sa légende le prouve, mais il n'a aucune existence historique, c'est aussi simple que cela et c'est incontestable. Voilà donc la thèse de Michel Onfray qu'il est difficile de ne pas partager, il me semble. Les historiens renoncent aujourd'hui, après les travaux d'Albert Schweitzer, sur les biographies, ou plutôt les « vies » de Jésus. à reprendre à neuf l'entreprise d'Ernest Renan qui tentait d'incarner le personnage dans l'histoire de la Palestine (voir P. Goltrain, Universalis, article « Jésus »).

  En tout cas, Louis Cornellier ne pouvait pas mettre le philosophe dans le même sac que les négateurs, ni tous les affubler du beau nom archaïque de « mythistes », pris sans discernement de Wikipédia sur l'internet.

L'« affaire » Jésus

  En 1982, à l'âge de 79 ans, Henri Guillemin passe aux aveux. À la fin d'une brillante carrière de communicateur, le professeur livre un témoignage de sa foi chrétienne. Ce « professeur » a, en fait, été un enseignant, un critique littéraire de haut niveau. Ce n'est pas un spécialiste des sciences de la littérature, mais bien un pratiquant de l'histoire littéraire la plus traditionnelle. L'« histoire littéraire », on le sait, est une pseudo-science qui utilise l'histoire et la biographie des auteurs pour éclairer les oeuvres. Ce sont les auteurs, et souvent les personnages politiques, qui intéressent Henri Guillemin. Il excelle à fouiner dans les archives personnelles pour débusquer des faits biographiques inattendus ou des traits de caractère inconnus, qui lui permettent de relancer les « interprétations » des hommes et de leurs oeuvres, notamment de leurs oeuvres littéraires. De ces recherches documentaires et de ses lectures, il a tiré une bonne centaine d'ouvrages et plusieurs centaines de conférences, dont ses célèbres émissions à la télévision de Radio-Canada. Pour notre propos, il faut ajouter qu'il s'est toujours intéressé aux questions religieuses, et dès ses tout premiers travaux, sur Lamartine et Rousseau. L'Affaire Jésus, en 1982, est son premier livre traitant de ses convictions religieuses sans aucun personnage interposé (mais ce ne sera pas son dernier).

  On comprend que le « professeur » n'a rien à voir avec un savant exégète des textes évangéliques (Louis Cornellier écrit naïvement que, dans son essai, « le professeur se livre à une solide exploration exégétique » !). Bien au contraire. Il nous présente lui-même ses sources de réflexion : sa lecture critique personnelle des Évangiles, l'ouvrage de Charles Perrot (Jésus et l'histoire, 1979) et sa fréquentation de la très orthodoxe Revue biblique. Il suffit de savoir que Guillemin rejette du revers de la main l'ouvrage classique d'Ernest Renan, la Vie de Jésus (1863), ouvrage de critique évangélique inaugural en français, sous prétexte que son auteur était incroyant, pour comprendre les limites de sa réflexion (p. 22-23, 40-41 et encore 92, note 2).

  Mais cette réflexion n'en est pas moins passionnante, pour deux caractères antinomiques, son machiavélisme inconséquent d'un côté et sa pathétique sincérité de l'autre. L'ouvrage est pathétique parce que l'auteur sait et répète souvent que sa pensée ne sera reçue favorablement de personne, alors même que son objectif est de l'ordre du prosélytisme, s'agissant d'un témoignage destiné à convaincre ses contemporains de bonne volonté. Il sera, pense-t-il, ignoré de manière méprisante par les « esprits forts » et vertement dénigré par les « sentinelles du fétichisme ». Or, c'est lui, Henri Guillemin, qui se place dans cette situation pathétique, ce à quoi ses travaux polémiques et très critiques ne nous avaient pas habitués. On n'a plus là un combattant, mais un combattu. Je l'ai dit, Henri Guillemin passe aux aveux, piteusement. Mais le plus extraordinaire est que son entreprise est en même temps machiavélique. On va le voir, il rejette tout, absolument tout, des faits et gestes, comme de l'enseignement, de l'Église catholique et du catholicisme, tandis qu'il ne retient qu'une toute petite partie de l'enseignement de Jésus de Nazareth, une partie par ailleurs abstraite, quasi symbolique, de cet enseignement pourtant concret. Alors ? Il s'affirme du même mouvement chrétien et exprime son respect pour l'Église catholique. Oui, d'accord, on dira que la situation est encore pathétique, mais, en fait, elle est machiavélique, car c'est dès lors la situation de l'Église et de ses croyants qui devient pathétique !

  Avant de présenter concrètement l'essai d'Henri Guillemin, je pense qu'il faut en situer la nature de manière critique. On a compris que nous sommes en face d'une profession de foi. En d'autres mots, simplement, le vieux professeur nous dit, « je suis croyant, voici ce que je crois ». Or, l'exercice montre que c'est là ce qu'Henri Guillemin croit et qu'il est seul dans cette croyance. On pose ainsi, par principe, qu'aucun croyant ne croit jamais rien d'autre que ce qu'il croit, qu'aucun croyant ne croit jamais la même chose qu'un autre. Que la croyance soit juive, chrétienne ou musulmane, elle est toujours « personnelle ». Nuances ? Oui, les croyances des orthodoxes et, en particulier, des sectaires, sont en théorie plus homogènes, mais pour l'ensemble des croyants, on se trouve en face non seulement de multiples croyances, dans le cadre d'une même religion, mais également de divers degrés d'adhésion, de ces orthodoxes aux sceptiques, et encore aux agnostiques. En face, si je puis dire, chez les athées, on trouve une parfaite et rigoureuse homogénéité. C'est l'incroyance, et c'est bien le cas de le dire, car l'incroyance de l'incroyant est par définition radicale. Elle ne présente aucun intérêt (sauf, paradoxalement, pour les croyants qui n'y croiront [sic] généralement pas, ce qui est encore pathétique). Et c'est en cela que la profession de foi d'Henri Guillemin, en 1982, est passionnante, en soi, mais aussi dans l'utilisation qu'en a faite Louis Cornellier, pour afficher sa propre profession de foi, à la veille de Noël 2017, convictions inconciliables et contradictoires avec celles de Guillemin, comme on le verra.

La croyance d'Henri Guillemin

  Louis Cornellier s'est bien gardé de résumer l'essai d'Henri Guillemin. Il se développe en trois parties. « Le Nazaréen » (p. 17-66), première partie, propose son analyse critique des Évangiles, comme s'il s'agissait de documents littéraires ou historiques. Peu importe. Il en retient une « vie » de Jésus minimale, ce qu'on y lit au premier degré, l'enseignement, l'arrestation et l'exécution d'un Palestinien vivant sous le régime romain. Cette première partie de l'essai n'a pas beaucoup d'intérêt, car nous n'avons là qu'une lecture subjective improvisée des Évangiles. La seconde partie, en revanche, est passionnante. Elle s'intitule « Les obstacles » (p. 67-85). À peine vingt pages. Il s'agit d'un réquisitoire accablant contre l'Église catholique. On y trouve un sommaire de ce que Michel Onfray développe maintenant sur 600 pages, ni plus ni moins. L'analyse critique impitoyable d'Henri Guillemin se fait sur deux fronts. Historique : la dénonciation virulente du comportement immoral des Églises chrétiennes, des origines à nos jours, énumérant les horreurs perpétrées par ces Églises au nom de la religion (p. 69 et suiv.). Théologie : pire encore, la surenchère idéologique insane des conciles (p. 74 et suiv.). Henri Guillemin dénonce avec une rigueur implacable tous les « dogmes » de l'Église catholique : le péché originel (il s'en moque, p. 78-79), le rachat de nos péchés par la crucifixion (présenté très explicitement comme un délire de saint Paul, p. 81), tandis que la croix comme symbole du christianisme est une erreur et une horreur (p. 82), l'immaculée conception de la Vierge (il se moque, bien entendu, de ce dogme, p. 121, ce qui est assez naturel puisqu'il porte sur la « mère » de Jésus, fils de Joseph, de Nazareth), l'incarnation de Jésus, les Assomptions de la Vierge et de Jésus, la Sainte Trinité, du « verbiage » ! (p. 77-78), etc. Il ridiculise le baptême (p. 127) et autres cérémonies cléricales, comme la confession et l'office de la messe, sans compter l'eucharistie et sa transsubstantiation (p. 120). Et tout cela sans parler de l'invention canonique du célibat ecclésiastique (p. 120, encore). Bref, au fil de ces vingt pages, et encore dans la suite de l'essai, on comprend que, pour lui, la tradition de l'Église catholique n'est pas à prendre au sérieux (p. 120-121, Tradition, avec la majuscule). Et voilà, tout le pathétique et le machiavélisme de son attitude à se déclarer chrétien après ce réquisitoire. Car, en dépit de tout, il se dit « croyant ». On ne doutera pas de l'impact considérable de cette position.

  Et c'est le sujet de la troisième partie de son essai qui s'intitule « Et moi je vous dis... » (p. 87-152). C'est en fait l'objet du livre, le témoignage en dépit de tout, donc. En fait, c'est l'invention pure et simple d'un... Non, j'allais écrire « d'un christianisme nouveau », mais tel n'est pas le cas. Dans son « Devoir », Louis Cornellier nous parle, je cite, de « la naissance du Christ, fils de Dieu », ce qu'il relance plus loin pour l'attribuer à Henri Guillemin, « ce Jésus dont nous fêterons la naissance dans les prochains jours, le professeur Guillemin y croyait et voulait en témoigner, etc. ». Voilà qui est totalement faux. Guillemin dénonce l'idée que ce Palestinien puisse être de quelque façon un dieu, un fils de Dieu, une personne de la « Sainte Trinité ». Et pas question de laisser Louis Cornellier à ses lubies, car la profession de foi d'Henri Guillemin consiste précisément à postuler un enseignement radicalement non chrétien du christianisme.

  Le Nazaréen, comme il l'appelle, c'est de son vrai nom Jésus, Jésus fils de Joseph. Jésus de Nazareth. Qu'on l'ait affublé du fabuleux attribut de « Christ », et, pire encore, de « fils de Dieu » (au sens théologique du terme dans le dogme de la Sainte Trinité), ce n'est pas son affaire. Ce n'est pas l'affaire d'Henri Guillemin, ni de son Jésus. Pour ses « miracles », notamment sa résurrection, on repassera : sauf à en proposer une interprétation psycho-sociologique. Après son exécution, ce sont ses disciples qui ont « ressuscité » son enseignement et qui ont ainsi ressuscité Jésus, y croyant réellement, magiquement (c'est la seule « exégèse » originale du professeur, dans sa lecture des Évangiles).

  Or, c'est sur cette base que le professeur témoigne de sa croyance. Celle-ci n'a rien de « religieuse », au sens théologique du terme. Elle est d'ordre moral. Henri Guillemin retient de l'enseignement de cet homme que, selon lui (Jésus selon Guillemin) le « Royaume de Dieu » est en nous, nulle part ailleurs (à remarquer que Guillemin détourne, dans un exposé vraiment tordu, p. 98, le texte évangélique (Luc, 17 : 21) qui ne dit pas en vous, mais au milieu de vous, regnum Dei intra vos est, dit la Vulgate, désignant un espace physique ; et on trouvera curieux de voir établir le fondement d'une interprétation sur un seul et unique verset par ailleurs d'interprétation difficile, mais ici, l'important n'est pas le texte, mais le sens que veut lui donner le professeur, qui n'a rien d'un exégète, je l'ai dit). Dieu ? C'est ce qu'on peut bien appeler ainsi, car très bizarrement il croit à un Dieu créateur, à l'âme et à la survie, ce qu'il dit très discrètement, ici et là, en pas plus de dix lignes au total. Car, très bizarrement aussi, c'est l'expression que Sartre reprend de Nietzche (dans une très anodine entrevue à Benni Lévy, au Nouvel Observateur, 10 mars 1980, cf. p. 96-98) qui caractérise finalement la morale prise de l'enseignement de Jésus : nous, les hommes, nous ne sommes pas encore assez humains, bons, justes ; il faut espérer et croire au surhomme qui nous réalisera à notre juste mesure. Maîtrise et connaissance de soi, ouverture aux autres, engagement pour les plus pauvres, combat pour toujours plus de justice sociale.

  Notre croyant croit que voilà ce qu'on doit croire. Qu'il s'agit de l'enseignement de Jésus, fils de Joseph. Le moins que l'on puisse dire, c'est que cela n'est pas très catholique. Je le répète, cette très belle profession de foi est machiavélique.

Les croyances de Louis Cornellier

  « Voilà l'esprit de Noël proposé par le professeur Guillemin » ! « Guillemin n'a pas connu le pape François. Il en aurait sûrement été un admirateur » !

  On peut en douter, s'agissant là de pensées et de croyances que Louis Cornellier voudrait partager. Guillemin célébrer « Noël » ? Le petit Jésus dans la crèche de Bethléem, Noël, vraiment ? Voyons donc. Guillemin, admirateur du jésuite François I ? Toute l'introduction de l'article de Louis Cornellier consiste à utiliser le texte de Guillemin, reprenant l'idée surannée (argument d'autorité qui participait du caractère pathétique de la profession de foi de Guillemin) que des hommes admirables ont été et sont toujours chrétiens. Je cite encore : « Je ne crois pas à l'imposture de François d'Assise, ni de Fénelon, et j'aurais du mal à tenir pour des imbéciles et Chateaubriand et Mauriac et Blandel et Bernanos et Teilhard de Chardin et Sulivan — et, présentement, Congar, Chenu, Légaut, Delumeau » (p. 11). Et Cornellier, citant sérieusement ce petit morceau de bravoure, de nous dire que Guillemin ajouterait aujourd'hui « Fernand Dumont, Jacques Grand'Maison, Gregory Baum, Pierre Vadeboncoeur, Michel Chartrand et Simone Monet-Chartrand ». Voilà qui est pour le moins incongru. Et de préciser pour les lecteurs du Devoir : « Des esprits soumis, des imposteurs, des idiots ? Un peu de sérieux, svp ». Sérieux, vraiment ?

  Justement, Louis Cornellier ne retient et amplifie de la profession de foi d'Henri Guillemin que son contenu pathétique. Du début à la fin, il développe des affirmations impersonnelles, très vaguement reprises de l'essai de Guillemin, selon lesquelles le croyant passerait aujourd'hui pour « un attardé ou un illuminé », que sa croyance au fond ne s'expliquerait que par « l'imposture ou la soumission » ; les chrétiens seraient, on ne sait pour qui, on vient de le lire, « des esprits soumis, des imposteurs, des idiots » ; la foi serait considérée comme une « aliénation » ; les croyants associés à la « droite réactionnaire ». Tout cela est faux, nous dit Louis Cornellier, parce que Guillemin en 1982 a dit que ce n'était pas vrai. Mettons que c'est un peu court, comme ligne principale d'un « Devoir de philo », développant le caractère pathétique de l'essai de Guillemin, sans exposer l'essentiel de son témoignage, la force d'impact machiavélique de sa critique radicale de l'Église et du catholicisme.

  Pour le reste, l'essentiel et c'est peu de chose, si l'on comprend bien, la « foi chrétienne » de Louis Cornellier consiste à poser une sorte d'existentialisme (à la faveur de la désignation de Sartre par Guillemin) qui trouverait en nous la bonté humaine, l'« esprit de Noël » (sic), auquel tous, « même les mécréants » (sic), seraient conviés à communier. Ce n'est pas un peu trop peu demander ?

  « Que doivent faire ceux qui ne partagent pas les idées défendues dans mon récent Devoir de philo ? Ce qu'ils veulent, évidemment. Comme Guillemin, je crois à la liberté de conscience » (le Devoir, 29 décembre, en réponse à Gérald Blanchard). Trois remarques. Nulle part dans son essai Guillemin n'évoque de quelque façon que ce soit une supposée « liberté de conscience ». Ensuite, je trouve méprisant le fait d'envoyer paître ceux qui ne pense pas comme soi (« que faire si vous ne pensez pas comme moi ? » — « Ce que vous voulez ! »). Enfin, lorsqu'on jouit du pouvoir d'être chroniqueur permanent depuis plus d'une décennie dans un journal, on n'en abuse pas pour faire la propagande de ses idées religieuses, ce qui s'appelle du prosélytisme. La bonne réponse à la critique de Gérald Blanchard aurait dû être : que faire si vous n'êtes pas d'accord avec moi ? — Mais soumettez au journal votre propre Devoir, corrigez-moi. Et c'est ce que je fais.

 


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19 réactions à cet article    


  • cathy cathy 20 février 2018 11:12

    La Palestine est un mot latinisé de l’endroit où habitaient les philistins ennemis du peuple d’Israël. Jésus vivait en Judée, il était judéen.


    Exode chap 15 version Ostervald
    14 Les peuples l’entendent, et ils tremblent ; l’effroi saisit les habitants de la Palestine. 15 Alors les princes d’Édom sont troublés ; le tremblement saisit les puissants de Moab ; tous les habitants de Canaan désespèrent.
    Version Louis-Second
    14 Les peuples l’apprennent, et ils tremblent : La terreur s’empare des Philistins ; 15 Les chefs d’Edom s’épouvantent ; Un tremblement saisit les guerriers de Moab ; Tous les habitants de Canaan tombent en défaillance.

    • cathy cathy 20 février 2018 11:14

      @cathy
      Jésus était un descendant de Juda par Joseph.


    • Guy Laflèche Guy Laflèche 20 février 2018 17:09

      @cathy

      « ... l’entreprise d’Ernest Renan qui tentait d’incarner le personnage (de Jésus) dans l’histoire de la Palestine ».

      Merci de vos précisions Cathy. En employant sans réfléchir le nom de Palestine, j’entendais désigner la région dans son ensemble, telle qu’on la désigne aujourd’hui, puisque l’objectif d’Ernest Renan était d’actualiser la Vie de Jésus. Mais Renan apprécierait sûrement votre précision, car il désirait aussi situer son personnage dans l’histoire. Dans son essai, puisque c’est de lui qu’il est question, Henri Guillemin le désigne comme le Nazaréen.

      Encore merci, — __gl>-


    • Byblos 20 février 2018 19:58

      @cathy
      Jésus est né à Nazareth, donc en Galilée. Il a enseigné probablement trois ans en Judée. Était-il judéen ou galiléen ? 



    • cathy cathy 22 février 2018 12:18

      @Byblos
      judéen = juif



    • Guy Laflèche Guy Laflèche 22 février 2018 22:21

      @cathy

      Merci, Byblos, et à vous également, Cathy. Vos rapides échanges m’ont fait comprendre que j’ai mal réagi à la toute première intervention de Cathy : vous ne me proposiez pas du tout, Cathy, une « précision », mais bien une correction. Je m’en rends compte à la lecture de l’article de Simon Mimouni, vraiment passionnant.

      Si j’ai un jour l’occasion de refaire ou de reprendre mon article, je ne manquerai pas d’y faire disparaître les mots Palestine et palestinien.

      Anecdote : la faute me vient d’une innocente plaisanterie de Michel Onfray (Décadence, 2017, p. 196). Dans son analyse des représentations de Jésus sur nos crucifix, il s’amuse à dire qu’en fait, Jésus devait plutôt ressembler au défunt Arafat qu’à ce beau, grand et tout pâle Occidental ! J’ai intériorisé la plaisanterie au point d’imaginer le personnage comme étant un... palestinien !

      Mea maxima culpa ! Merci de m’avoir corrigé, __gl>-

      P. S. Vous êtes un peu des sentinelles d’AgoraVox. Alors à quand un article de vous ? Je ne doute pas qu’il serait passionnant.


    • Raoul-Henri Raoul-Henri 20 février 2018 19:14

      Tous les chemins sont sensés mener à la tombe ; enfin presque.

      Renan a écrit dans son fameux bouquin que le christianisme avait duré au moins trois siècles (selon ses relevés archéologiques).

      Je pense : donc tu es.

      Selon moi : Rhésus Christ et son homologue transsubstantié Rhésus Barabaras (dit aussi Anté-Rhésus) sont deux moments chronologiquement distincts de la trinité, mais ont le même corps ; le premier se transformant après la croix en le second qui, lui, après sa traversée du tunnel, retourne au padré, puis revient au bout des trois jours consacrés (un peu moins de deux en fait : du vendredi soir au dimanche midi). Bel et rebelote.

      Explications techniques
      A lire de préférence selon la numérotation. Au début, vous ne verrez pas du tout le rapport, mais c’est normal : moi non plus je ne l’avais pas vu avant.. la claque.
      Lisez bien les trois premiers articles qui font le ménage idéologique (politique) de ce bas-monde et vous pourrez aborder le quatrième qui remet les pendules à l’heure question fatras dogmatique et dispersion paganisée. 


      • Hervé Hum Hervé Hum 21 février 2018 13:49

        Sans lire le livre, on peut aussi visionner la conférence qu’il avait faites sur ce sujet et visible sur youtube

        J’ai un profond respect pour l’honnêteté intellectuelle de Guillemin. Pas forcément sur tout ce qu’il dit, mais sur le fait qu’il le dise sans tromper son lectorat.

        Reste que votre article est plus une critique de Guillemin que de ce Cornellier.

        Maintenant, j’avoue ne pas comprendre la différence entre nier l’existence de Jésus et parler de mythe ? Car, dire que Jésus est un mythe, consiste à nier son existence réelle et défendre sa seule existence imaginaire. Vous confondez mythe et légende, ce qui pour un professeur me paraît pour le moins ennuyeux.

        On peut très bien soutenir la non existence de Jésus en tant que christ, douter de son existence en tant qu’humain et parler de légende, mais pas soutenir qu’il n’existe pas en tant que mythe.

        Autrement dit, vous inversez le sens de la preuve ! Seul le mythe ne fait pas de doute. On peut penser qu’il s’agit d’un personnage historique dont la vie est transformé en légende, mais on peut tout à fait nier qu’il ait existé.

        Bon, la critique de votre article pourrait être aussi longue que votre article, mais je ne le ferai pas.

        Par exemple, à la lecture de votre article, je ne vois pas de machiavélisme voulu ou non de la part de Guillemin. Par contre, je sens que c’est votre foi catholique qui éprouve le besoin d’y voir du machiavélisme.


        • Hervé Hum Hervé Hum 21 février 2018 13:59

          @Hervé Hum

          erratum,

          j’écris

          "Autrement dit, vous inversez le sens de la preuve ! Seul le mythe ne fait pas de doute. On peut penser qu’il s’agit d’un personnage historique dont la vie est transformé en légende, mais on peut tout à fait nier qu’il ait existé.

          On peut aussi douter que ce soit un simple mythe, mais pas que sa nature d’être en tant que christ est d’ordre mythologique. Aussi, nier son existence ne le fait pas sortir de son caractère mythologique, mais au contraire, vise à l’y enfermer.


        • Guy Laflèche Guy Laflèche 21 février 2018 17:38

          @Hervé Hum

          Cher monsieur Hum,

          Merci de votre passionnante réaction. Moi non plus, je ne saurais discuter de tous les points que vous soulevez sans être trop long. Je signale d’abord que la question du « mythe » n’a aucun rapport avec l’essai d’Henri Guillemin. C’est le chroniqueur Cornellier qui introduit la notion et le problème en pigeant le mot « mythiste » (sic) sur l’internet pour l’appliquer incorrectement à Michel Onfray, pour le dénigrer.

          Mon principal objectif était de rendre compte le mieux possible de l’essai de Guillemin, qui servait de prétexte au chroniqueur, qui lui n’en rendait nullement compte, justement. Vous ne trouvez pas machiavélique de faire une critique sévère et impitoyable de l’Église catholique et de rejeter tous, absolument tous ses dogmes du revers de la main et, du même mouvement, de se déclarer non seulement croyant, mais catholique ? C’est pour le moins un paradoxe et qui devait être assez choquant pour les catholiques de stricte obédience. Et je ne pense pas que cette position machiavélique (si vous me permettez encore le mot) ne soit pas voulu. Gillemin a toujours été un combattant, mais dans une profession de foi chrétienne, il ne peut évidemment s’attaquer de front à son Église, bien entendu.

          Pour finir, je voudrais dire que je ne pense pas confondre les notions qui découlent de l’invention du « mythisme ». Je vous dis en quelques mots comment je vois les choses. Je pose que les Évangiles sont des textes légendaires au sens strict (des legenda, dont découleront les Acta sanctorum, les Vies des saints, sur le même modèle et de même nature). A mon avis (mais je dis bien que c’est un avis, pas une preuve, au contraire, une simple déduction logique), ces textes sacrés et légendaires attestent (sans en faire la preuve) de l’existence d’une personne réelle qui a prêché en Judée et qui a été condamné et crucifié à Jérusalem sous Tibère. La question du mythe des Évangiles, dans les Évangiles et de Jésus, est toute autre et multiforme. Je vous en propose trois sens différents : (1) Jésus est un mythe, au sens courant, au sens où il n’a jamais existé et qu’il est donc une pure invention et c’est tout à fait possible : des textes légendaires ne peuvent faire la preuve de l’existence du héros légendaire qu’on a pu imaginer au cours des deux premiers siècles de l’ère commune. (2) Jésus est un mythe au sens radical, c’est-à-dire qu’on a imaginé une créature de Dieu, son fils, envoyé sur terre (après sa création divine) pour sauver les hommes. C’est en ce sens que vous paraissez employer le vocable. Les mythes de dieux et de déesses salvatrices, le Dieu sauveur, sont légion. (3) Mais on peut encore l’utiliser en un troisième sens, celui du symbolique, le sens religieux et mystique de l’interprétation « mythique », et cela commencera certainement avec l’interprétation du mythe des miracles de Jésus, jusqu’à la création de l’eucharistie. En ce sens, l’exégèse chrétienne correspondrait à l’interprétation mythique de textes légendaires (et pour ces exégètes, sacrés).

          Oui, et vous m’en excuserez, je fais mon professeur : votre remarque disant qu’il est « ennuyeux » de voir un professeur confondre mythe et légende est... cruelle ! smiley.

          Je rappelle toutefois que ces questions de mythe et de légende ne sont nullement impliquées par l’essai de Guillemin, sauf par la toute petite phrase citée par le chroniqueur du Devoir. La phrase en question n’est qu’une figure de transition : je vais vous parler maintenant de la Vie de Jésus, et je dois le faire, parce que les Couchaud et les Alfaric disent qu’il n’a jamais existé.

          Un chaleureux merci de votre réaction __gl>- Guy Laflèche

          P. S. Je ne propose nulle critique du livre d’Henri Guillemin, j’ai essayé d’en faire un strict compte rendu.


        • Hervé Hum Hervé Hum 22 février 2018 12:05

          @Guy Laflèche

          Merci pour cette réponse très poli et qui corrige bien l’article.

          Je comprend ce que vous écrivez sur le « mythe » et je l’écrirai plutôt ainsi pour ma propre compréhension.

          soit Jésus n’a jamais existé et alors c’est un mythe.

          Soit Jésus a existé et il y a deux possibilités.

           Soit Jésus est fils de Dieu et alors, c’est la foi chrétienne
           soit Jésus n’est pas fils de Dieu et alors, c’est une légende.

          Mais une légende, est ce mélange du mythe et de la réalité !

          Et c’est là où je diffère avec vous, lorsque vous écrivez

          Mais on peut encore l’utiliser en un troisième sens, celui du symbolique, le sens religieux et mystique de l’interprétation « mythique », et cela commencera certainement avec l’interprétation du mythe des miracles de Jésus, jusqu’à la création de l’eucharistie. En ce sens, l’exégèse chrétienne correspondrait à l’interprétation mythique de textes légendaires (et pour ces exégètes, sacrés).

          Non pas que je conteste ce que vous écrivez fort bien, mais que cela ne puisse pas s’appliquer à Guillemin !

          Je m’explique, si la partie mythe ne repose plus sur la foi, mais sur la symbolique, encore reste t-il de savoir de quel symbole il s’agit ?

          Pour Guillemin, Jésus symbolise ce qui est présenté comme sa profession de foi, c’est à dire, « aimez vous les uns les autres ». Et de rappeler que le mot catholique veut dire universel.

          Sinon, oui, il est clair que Guillemin s’est limité à montrer comment le mal avait dominé cette institution, sans trop en tirer les conclusions. Mais pour autant, contesteriez vous une seule de ses assertions ne faisant que rappeler des faits historiques bien documentés ?

          Et n’oubliez pas, « qui aime bien, châtie bien ». Guillemin aime surtout la légende de Jésus et veut croire en son mythe au-delà de la réalité et que ceux qui croient en lui, respectent d’abord ses préceptes. C’est à l’église et ceux qui se disent ses réprésentants de suivre la foi et non de la précéder pour lui faire dire tout et surtout son contraire.

          Maintenant, dénoncer le machiavélisme des thuriféraire de l’église catholique et de vouloir redonner à l’église la pureté qui devrait être la sienne, est ce être soi même machiavélique ? Guillemin ne croit pas au mythe, mais croit au message.

          Personnellement, je n’ai pas lu le livre, mais visionné la conférence qu’il donna autour de celui ci et fort justement appelé « l’affaire Jésus ».

          Guillemin est un conteur captivant, passionnant et surtout pour moi, rigoureux dans son raisonnement logique et qui est la condition de l’honnêteté intellectuelle. Il ne s’agit pas là d’avoir raison, mais de suivre une raison. La différence est subtile, mais fondamentale., car selon que vous suivez ou faites suivre la raison, vous serez honnête (intellectuellement) La qualité de Guillemin est de faire attention de dire quand il entre dans la passion au lieu de la raison, mais aussi quand il est certain d’une source et quand celle ci est douteuse. Quand il sait ou croit, de quand il spécule. Et tant avec Jeanne d’Arc qu’ici avec Jésus, Guillemin spécule beaucoup... Surtout, mais il le dit et nous fait suivre son raisonnement le conduisant à ses conclusions.


        • Guy Laflèche Guy Laflèche 22 février 2018 17:39

          @Hervé Hum

          Bonjour encore monsieur Hum,

          Ce qui nous sépare, j’en suis absolument certain et vous ne le contesterez certainement pas, c’est l’Océan Atlantique et un fort décalage horaire. Autrement, bien tranquille au café, on n’aurait pas besoin de plus d’un petit demi pour nous ajuster (la pinte suivrait pour fêter la bonne entente !).

          Mon article avait un objectif assez factuel, présenter l’essai de Guillemin sur « L’affaire jésus » aux lecteurs d’un chroniqueur qui en détournait le contenu à ses propres fins. Toutefois, si j’ai un jour l’occasion de le reprendre ou d’en développer la partie qui porte sur les questions qui nous intéressent tous les deux, j’aurai conservé vos interventions pour nuancer mon approche. En fait, je crois que nous avons trois « petites » notions qu’il n’est pas « simple » d’ajuster : le mythe, la légende et la réalité (historique). Si nous étions devant notre demi, j’ajouterais, pour prolonger la discussion et le plaisir, que vous faites intervenir, mine de rien, un quatrième concept, la foi ou la croyance. Cela multiplie tous les éléments, ce qui explique certainement que les sens que vous donnez aux mots « mythe » et « légende » sont beaucoup plus nuancés que les utilisations que j’en ai faites dans mon dernier message, pour les besoin de la cause. A remarquer (et là, je pense que je vais ajouter, garçon ! un autre demi) que les ethno-anthropologues définissent généralement le mythe dans le fait qu’il s’agit d’une histoire que la communauté tient pour vraie, ce qui donne deux sens à la légende, soit ses deux utilisations, (1) courante : c’est une légende, ce n’est pas vrai ; (2) spécifique, et on emploie alors généralement la forme latine : c’est une legenda, soit, excellent exemple, les Évangiles qui proposent la Vie de Jésus à la vénération et à l’imitation (un mythe, pour les croyants, au sens ethnologique défini ici, une légende pour les incroyants, au sens courant).

          En tout cas nos échanges resteront pour moi légendaires ! Bien cordialement, __gl>-


        • Hervé Hum Hervé Hum 22 février 2018 23:17

          @Guy Laflèche

          Merci pour le demi, la politesse exige que je vous ait remis la mienne !

          ce fut un plaisir partagé


        • Le Gaïagénaire 23 février 2018 03:16

          @Hervé Hum 22 février 23:17

          @Guy Laflèche 22 février 17:39

          Respect messieurs.


        • Jonas 24 février 2018 09:46

          Henri Guillemin est un historien , que l’on peut classer sortant du lot, par ses grandes connaissances historiques et sa manière de détruire certaines idoles, telles ,Jaures-Napoléon -Jeanne d’Arc etc. 


          1) Henri Guillemin , n’a jamais renié sa foi chrétienne , jamais , et ses amitiés avec Marc Sangnier , François et Claude Mauriac et bien d’autres le démontrent. 

          2) Contrairement à ce que racontent les faussaires de l’histoire , Jésus Christ , n’a jamais était un arabo-musulman palestinien mais un juif , un simple juif nait sur une terre juive , Il a vécu sous la loi( juive) et n’a jamais prononcé son abrogation. C’est bien après sa mort que le christianisme est né , mais pas de son vivant. 

          3) Par ailleurs , comment les arabo-musulmans palestiniens , peuvent d’un côté accaparer le Christ et de l’autre , niaient, face au monde l’existence du Temple de Jérusalem ? 

          << La Pâque ... était proche, et Jésus monta à Jérusalem . Il trouva dans le Temple les marchands de boeufs , de brebis et de pigeons , et les changeurs aussi. Ayant fait un fouet avec ses cordes, il les chassa tous du Temple, ainsi que les brebis et les boeufs ; il dispersa la monnaie des changeurs et renversa les tables, et il dit aux marchands de pigeons :« Otez cela d’ici , ne faites pas de la maison de mon père une maison de trafic. »( Jean,II, 13-47) comme (. 
          Marc, XI, 15-17)
          Comment les chrétiens ( Catholiques-Protestants-Orthodoxes ) peuvent-ils accepter les élucubrations , des responsables arabo-musulmans palestiniens sans broncher ? Lorsque l’on est capable de raconter n’importe quoi , on devient très dangereux et peu fiables. 

          • Guy Laflèche Guy Laflèche 24 février 2018 17:24

            @Jonas

            Mon cher savant Jonas, — Vous vous méritez encore la note de 100%. Mais, cette fois-ci, vous l’avez trop facile. D’abord, personne (du moins ici) n’a mis en cause que le professeur Guillemin n’ait jamais renié sa foi chrétienne. En ce qui concerne mon analyse, c’est exactement le contraire que j’ai souligné, en employant peut-être maladroitement le terme de « machiavélique » pour désigner une position religieuse paradoxale : en effet, l’essentiel de son essai (son court mais percutant deuxième chapitre) propose une sévère critique de l’histoire de l’Église et du développement de ses dogmes. En fait, Guillemin les rejette tous du revers de la main, avant de se déclarer croyant, chrétien et, surtout, catholique. Évidemment, le paradoxe est celui d’un combattant qui milite pour une réforme de son église. Mais il ne peut ignorer que, si l’Église ou les catholiques le suivaient, ce serait vraiment toute une révolution : renoncer au péché originel ou à la sainte Trinité, par exemple, c’est ce que propose Henri Guillemin, qui dénonce les deux dogmes.

            Ensuite, je ne pense pas qu’aucun Arabe musulman palestinien ne soit en cause ici. Je ne suis ni arabe, ni musulman, ni palestinien (et j’ajouterais, malheureusement, parce qu’ici, à Montréal, nous avons encore plus d’un mètre de neige au sol). C’est moi seul qui, par inadvertance (et dans un réflexe d’ignorance de la géographie historique), ai qualifié Jésus de « palestinien ». Mais vous n’avez peut-être pas vu, dès la première réaction à mon article, que Cathy a eu la gentillesse de me corriger et que j’ai ensuite fait mon mea culpa. Alors là, votre 100% est trop facilement obtenu, car vous corrigez une erreur déjà corrigée et même un coupable qui a expliqué et expié sa faute et qui a été virtuellement pardonné !  smiley. Bien amicalement, — __gl>-


          • Jonas 25 février 2018 09:50

            @Guy Laflèche


            Pardonnez-moi , je n’ai pas lu , la réponse de Cathy que je félicité de relever cette étourderie. Par ailleurs je ne lis pas tous les internautes. Le fait de faire allusion à un soi-disant Jésus palestinien, vous participez sans le vouloir aux élucubrations répandues par les arabo-musulmans, pour qui tout homme venant sur terre est musulman. Ce sont les parents , seuls , qui lui changent de religion. Abraham , Moïse ,Jésus , Bouddha , les Mayas, les Aztèques , même les Martiens sont des musulmans selon cette tradition du désert.

            Henri Guillemin fait partie de ces catholiques , qui n’ont pas hésité à critiquer certaines prises de positions et comportements de l’Eglise , comme Bernanos ou le fougueux Léon Bloy. 
             Pour le reste , je suis d’accord avec vous. Merci pour votre réponse amicale. 




          • Guy Laflèche Guy Laflèche 24 février 2018 22:13


            Depuis la publication de mon article, en quatre jours, AgoraVox accumule plus de cinquante Libres opinions. Je suis actuellement au cinquante-quatrième rang ! Ce ne sera pas long que je serai dans les limbes, retrouvé seulement par les archéologues du journal. Alors, je me dépêche d’ajouter un petit appendice à mon article. On me permettra ce fion, pour saluer la publication par la rédaction et les évaluateurs d’un texte d’opinion qui n’était nullement destiné à leur journal. Cela témoigne d’une grande ouverture d’esprit.

            Certes, une relecture de l’essai d’Henri Guillemin sur « L’affaire Jésus » aura été modestement, mais fort bien reçue de plusieurs lecteurs. Et pour ma part, je suis très heureux d’avoir pu profiter des critiques et corrections qu’on a bien voulu apporter à mon article.

            Et j’ai eu l’idée d’en aviser les premiers lecteurs auxquels mon article était destiné en proposant au Devoir une toute petite lettre pour son courrier des lecteurs. Elle a été refusée. La voici.

            L E T T R E

             Le petit Jésus de Cornellier et le véritable Jésus du professeur Guillemin

              C’est le marquis de La Palisse qui disait qu’une porte ne pouvait être qu’ouverte ou fermée. Alors, est-ce que le Devoir est ouvert ou fermé à la critique ? En ce qui concerne son chroniqueur Louis Cornellier, la porte est fermée.

             C’est comme lecteur du journal que je me suis proposé d’analyser le « Devoir de philo » de Louis Cornellier, paru la veille de Noël. Sous prétexte de faire un compte rendu du livre d’Henri Guillemin, intitulé « L’affaire Jésus », il livrait au lecteur du journal une profession de foi qui trahissait, en le contredisant, l’essai de Guillemin.

             J’ai pris le temps de relire l’essai de Guillemin et j’ai étudié de près le texte du chroniqueur du
            Devoir.

             La rédaction du journal n’a pas retenu mon article, sans m’en donner de raison. S’agissant d’un « Devoir du
            Devoir », qu’on ne publie que deux fois par mois, j’ai demandé qu’on m’avertisse rapidement si mon texte était retenu. Il ne l’a pas été. Il est paru hier sur AgoraVox où j’espère que des lecteurs du Devoir, dont ceux de Louis Cornellier, iront le lire, et même le commenter.

            Guy Laflèche
            Université de Montréal
            Professeur retraité
            Singulier.info

            Je prévoyais, évidemment, que Louis cornellier ajoute une « réponse » à la Lettre, ce qui aurait été tout à fait adéquat dans son journal. Mais s’il voulait vraiment le dernier mot, alors il aurait dû venir s’exprimer ici, sur AgoraVox. Au lieu de tout cela, on en restera à la censure et à l’ostracisme de Louis Cornellier et de son journal, dont leurs lecteurs font les frais. Heureusement, grâce à AgoraVox je n’aurai pas été victime de ce pouvoir discrétionnaire absolu.

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