Rwanda : du 01-10-1990 au 01-10-2020 : « La guerre de trente ans africaine ». (2/2.2)
J’avais commencé la présente série de billets[1] à l’occasion du trentième anniversaire de l’invasion du Rwanda par l’Ouganda et le dixième anniversaire du « Rapport Mapping » de Navanethem Pillay. L’actualité du billet 2/2.1 portait[2], en fin de texte, inévitablement, sur l’enlèvement à Dubaï et l’arrestation à Kigali (31/08/2020) de Paul Rusesabagina et sur la publication en français du livre de Judi Rever « Rwanda–L’éloge du sang » (17/9/2020).
Mais ce jeudi 22/10/2020 était aussi, justement le dixième anniversaire de la diffusion par Julian Assange sur wikileaks des preuves des crimes de guerre commis par l’US Army en Irak, de 2004 à 2009. Malgré cela, et l’importance et la « priorité » de cet anniversaire pour la liberté de la presse, pour la liberté d’expression et la liberté de « la recherche de la vérité », je garderai le même « ordre chronologique de Paul Rusesabagina à Judi Rever » pour ce « papier », bien que l’actualité se bouscule à propos de ces deux sujets, à un rythme effréné. Ce qui n’annonce rien de bon !
Paul Rusesabagina pour ceux qui ne le connaîtraient pas encore, était, au moment du Génocide des Tutsis du Rwanda en avril 1994, le gérant rwandais de l’hôtel « Les Mille Collines » à Kigali (parfois appelé aussi par les « expats », l’hôtel des Mille Combines). Des Tutsis, pour la plupart, fuyant les massacres qui avaient lieu dans la ville, dès le 7 avril, après l’assassinat[3] du Président Habyarimana, s’étaient réfugiés à plus de mille, dans cet hôtel. Ils y ont « séjourné » un certain temps avant d’être évacués, sains et saufs, par les casques bleus de la Minuar (Mission des Nations Unies pour l’Assistance au Rwanda). Paul Rusesabagina aurait joué un rôle prépondérant dans cet épisode tragique dont le scénario du film, « Hôtel Rwanda » (de Terry George avec comme acteur principal Don Cheadle) s’inspire largement (2004). Paul Rusesabagina a publié, en 2007, un livre[4] : « Un homme ordinaire : Une autobiographie » (avec comme co-auteur Tom Zoellner). Tant le film que le livre ont contribué à forger une réputation impressionnante à Paul Rusesabagina. Il a reçu un grand nombre de récompenses, entre autre la Presidential Medal of Freedom (lui remise par Busch-fils, en personne) et le Freedom Award 2005 du National Civil Rights Museum.
Quelques années après le Génocide, Paul Rusesabagina aurait été sollicité par le pouvoir de Kigali pour « coopérer » mais cette proposition, il l’avait refusée car il s’était opposé très tôt aux « dérives » du régime de Kigali, une fois connues et confirmées. Il a dû finalement se réfugier en Belgique et vit également certains moments de son exil aux USA (dont il était sur le point de demander la nationalité). Certains ont remis en cause la véracité de son récit. De plus il semble assez probable qu’il ait été parmi ceux qui, au cœur la diaspora rwandaise d’après 1994, ont fondé des mouvements d’opposition à Kagamé. IL a fait l’objet d’un mandat d’arrêt international lancé par le gouvernement rwandais, en février 2019, auquel ni les USA ni la Belgique n’ont donné suite. Evidemment un mandat d’arrêt international relève de la souveraineté de l’état qui l’émet et de celle du pays qui déciderait de l’exécuter. Mais il semble bien qu’à Dubaï ce n’est pas la procédure d’extradition classique qui ait été suivie, par le gouvernement des Emirats Arabes Unis. ... Rusesabagina aurait été « placé » sur un « avion personnel de Kagamé » ... certains parlent de kidnapping .... mais peu importe les moyens, ce sont les résultats qui comptent, pour beaucoup de gouvernements démocratiques (français, belge, israélien, états uniens, doubaïote et rwandais). L’avocat belge de Rusesabagina, Maître François Lurquin, déclare : « Le Rwanda m’a interdit de le voir en prison. De quoi ont-ils peur ? » « C’est la première fois que des autorités m’empêchent de rencontrer un client ». Ce qui est assez étonnant aussi c’est que le Ministère des Affaires Etrangères Belge, pays dont Rusesabagina a la nationalité[5], ne réagit pas et se mure dans un silence assourdissant et sans doute « significatif » puisqu’en effet : « Belgium also considers itself a place of universal jurisdiction » comme le rappelle l’avocat Dan Kovalik.[6]
Mais ce qui serait le plus étonnant dans cette rocambolesque affaire, c’est que la résidence de Paul Rusesabagina, en Belgique, « aurait été visitée », quelque jours avant son « passage » à Dubaï, par une mission rogatoire rwandaise qui n’était pas composée uniquement de magistrats, mais aussi et surtout d’agents du Service des Renseignements militaires de Paul Kagamé. Ceux-ci furent « autorisés » à perquisitionner de fond en comble la résidence de Paul Rusesabagina et à « emporter » tout ce qu’ils voulaient. A confirmer ? Il faut espérer, effectivement, que ce soit une fake news ! Si non, que penser ????
Et pour en arriver au rapport de mon actuel billet avec le 10ième anniversaire du « Whistleblowing-Wikileaks-Assange-Irak-USA », il faut donc souligner que Judi Rever[7] est parvenue à faire « éditer-imprimer » en français son livre « Rwanda–L’éloge du sang ». Et ce livre lance, lui aussi, des alertes ! Il avait déjà été publié en anglais début 2018 et en néerlandais fin 2018 (« De waarheid over Rwanda. Hetregime van Paul Kagamé » : « La vérité sur le Rwanda. Le Régime de Paul Kagamé »). En France, la saga de ce livre est assez étrange. En effet il semble bien, suivant les dires de l’auteur, sur la chaîne TELESUDTV [8] (entre autres), que les éditions Fayard après avoir « signé » un contrat pour son édition française avait, assez soudainement et étrangement, renoncé à continuer sa collaboration avec l’auteur ... Cela semble assez rocambolesque compte tenu de la complexité de ce type de contrat, de leur révision et des conditions financières de leur rupture !!..... Judi Rever pointe du doigt les associations, Asbl, Ong et autres collectifs de défense des Droits de l’Homme rwandaises qui, bien que connues des différentes agences de renseignements européennes, semblent bien avoir pignon sur rue en France et être des « têtes de pont » des services secrets et de propagande de Kigali en Europe. Toujours est-il que l’édition anglaise de ce livre comptaient 278 pages et que le texte finalement édité par Max Milo[9] (Collection L’Inconnu), en compte 475. Ce n’est manifestement pas une question de polices et tailles de caractères qui fait la différence ! .... .En effet, l’édition française, en plus d’une préface de 6 pages[10] d’un certain André Sirois (Avocat auprès de l’ONU), compte un nouveau chapitre et 7 « nouvelles » annexes supplémentaires, par rapport à l’édition anglaise ! !
En guise d’exemples des addendas de l’édition français, je n’évoquerai que 2 points à commenter :
1 - Le chapitre ajouté, numéroté 9, de la nouvelle édition est titré « Le génocide des Tutsi de Bisesero » (PP 167 à 177). Les accusations-whistleblowings que Judi Rever y apporte contre le FPR, corroborent les assertions selon lesquelles le FPR aurait « noyauté » les génocidaires Hutus.... ce qui contredit les positions de Saint Exupéry et al. Cela renforce et donne du poids à cette allégation, devenant récurrente, d’un génocide dans le génocide. Car même un René Le Marchand[11], à 88 ans, ose enfin dire ce qui a été sous-entendu par plus d’un, depuis des années et enfin publié. Il faut préciser que Judi Rever dans les diverses éditions de son livre et dans toutes les entrevues qu’elle donne depuis des années (au Canada, aux USA, aux Pays-Bas, en Belgique, au Japon et maintenant en France) répète et martèle qu’elle n'a jamais nié le génocide des Tutsis de 1994. Lui attribuer l’arithmétique macabre selon laquelle, pour certains, « Un génocide des Tutsi par les Hutus + un génocide des Hutus par les Tutsis = pas de génocide du tout » serait répugnant si cette tactique ne révélait pas, sans doute, à cette occasion, la peur et le signe d’une volonté de faire taire les chercheurs de vérité ? Celle-ci serait-elle tellement abominable ? On pourrait se le demander, in fine, à voir les efforts pour museler ceux qui veulent simplement parler de toutes les victimes ? Cela ferait - il peur ? Et à qui ? Les cimetières militaires allemands de 14-18 et de 40-45 côtoient les cimetières militaires français, anglais, américains, belges et ceux des autres « victimes alliées » ! C’est ainsi qu’Helmut Khol et François Mitterand ont pu sceller la réconciliation .... Et ceux qui profanent « des » tombes profanes « toutes les » tombes.
2 - La nouvelle annexe de l’édition française porte la numérotation C (sur un total d’annexes allant jusqu’à I) et est titrée : « Résumé des conclusions entre le gouvernement du Rwanda et le TPIR ». Dans la transmission du 21 mai 2003 le nom de l’« Ambassadeur Prosper » apparaît. Cet Ambassadeur, Pierre Richard Prosper, a été (à l’époque de la création du TPIR par la résolution 955 du 8 novembre 1994 du Conseil de Sécurité de l’ONU) :« a war crimes prosecutor for the United Nations International Criminal Tribunal for Rwanda »(de 1996 à fin 1998). IL faut savoir que c’est ce même Pierre Richard Prosper qui a obtenu avec Gérald Gahima (ex-Procureur Général de la République et vice-Président de la Cour Suprême du Rwanda, sous Kagamé, et en exil depuis aux USA [12]) de la part de Kofi Annan, le « destitution » de Carla Del Ponte du TPIR, celle-ci ayant refusé de soumettre la justice à la politique[13]. (Résolution du Conseil de sécurité du 4 septembre 2003). C’est aussi ce même Prosper qui disait qu’il fallait, au Rwanda" (?) choisir la Paix sans la Justice ou la Justice avec la Guerre, ajoutant : « war crimes justice is political »[14]. Il faut aussi retenir de cet « Ambassadeur » qu’il est avocat du bureau Arent Fox : (He advises and represents the government of Rwanda on a range of matters including international arbitration, litigation, and contract negotiation -Conflit d'intérêts ?). Il a, d’une manière rocambolesque, évité à Kagamé de se faire « citer en justice » en 2011 ; à Oklaoma ce dont j’ai rappelé les péripéties sous :
https://www.agoravox.fr/actualites/international/article/kagame-rever-1-8-8-2-le-genocide-210672.
Ce document et les dates correspondantes attachées aux exploits de Pierre Richard Prosper mettent en évidence les « errements » de la justice internationale. En effet, par ce document Kagamé reçoit l’assurance que les crimes du FPR seront couverts par les USA. Judi Rever sera-t-elle la deuxième lanceuse d’alertes, après Florence Hartman, à être trainée devant une juridiction internationale, pour avoir révélé un « deal » ? En effet certains groupes disposent d’assez d’arguments vis-à-vis de la justice pour faire craindre des représailles à des éditeurs comme Fayard (qui avait envisagé la publication du livre en question, comme dit plus haut) et au journaliste Yannick Urrien (qui aurait également reçu des menaces, pour avoir simplement interviewé Judi Rever sur Kernews.[15]). Même la 27ième édition du « Prix Bayeux-Calvados-Normandie 2020 », aurait renoncer à l’invitation faite à Judi Rever, d’y présenter son livre, samedi 10 octobre (sous la menace ?). Mais suivant Méhdi Ba de J.A. c’était parce qu’elle n’est pas correspondante de guerre, ce que les organisateurs du Prix ne savaient « évidemment » pas avant l’invitation !!!!!
Mais au-delà du contenu dont la gravité était soupçonnée depuis longtemps, il y a le fait révélateur que des documents « classifiés » commencent à fuiter de ce qui reste du TPIR. De plus en plus nombreux, des avocats[16], des journalistes, des hommes politiques, des écrivains, des artistes, des ambassadeurs mêmes peuvent maintenant évoquer ce qui était l’indicible il n’y a pas si longtemps .... Paul Kagamé avait posé à la Communauté Internationale,la question : « Où étiez-vous ? ». Mais maintenant, comme le fait Judi Rever, beaucoup voudraient poser à leur tour, ces questions : « Et vous, Paul Kagamé, où étiez-vous ? . Pourquoi n’avez-vous pas accepté les aides qui auraient permis d’arrêter en une ou deux semaines le génocide ? . ... Vous auraient-elles fait perdre le bénéfice d’être celui qui, « sans témoin », aurait « fait cesser » ce génocide ?" .... Les membres de l’Akazu de Kagamé auraient-ils vraiment utilisé des « intimidations » pour camoufler leurs craintes ? Pourquoi n’intentent-ils pas à Judi Rever un procès pour négationnisme ?
[3] L’avion présidentiel rwandais a été abattu le 6 avril vers 20h30 par un tir de deux missiles. Ce fut l’élément déclencheur du Génocide.
[4] Editeur : Buchet-Chastel (22 mars 2007)
[5] N’étant que résident aux Etas Unis, il serait cependant en instance de recevoir la nationalité américaine. https://glpost.com/law-school-professor-in-usa-dan-kovalik-advises-rusesabaginas-family-to-bring-a-lawsuit-against-kagame-in-california-to-get-hollywood-interest-in-his-case/
[6] University of Pittsburgh Law School Professor,Kovalik is an expert in labor and international human rights law
[7]Auteur de “In Praise Of Blood – The crimes of the Rwanda Patrotic Front” – Random House Canada – ISBN : 978-0-345-81209-4
[9] ISBN : 978-2-31500-957-2
[10] Très instructives
[11] http://www.france-rwanda.info/2020/10/france-afrique-des-grands-lacs-un-rapport-universitaire-occulte-les-crimes-de-kagame.html
[12] Il aurait dit à propos de l’attentat du 06/04/1994 sur l’avion du Président Habyarimana : « I personaly don’t believe it was organised by Habyarimana ». et sous
https://unictr.irmct.org/en/news/ictr-prosecutor-meets-rwanda-president
un assourdissant exemple de « langue de bois » de 2001
[13]« Paix et châtiment » (Flammarion) Florence Hartman – Qui a été arrêtée comme lanceuse d’alarmes sur les irrégularités du TPIY : « Son arrestation est une honte tout autant que l’acharnement du TPIY envers elle ». https://www.elle.fr/Societe/News/L-honteuse-detention-de-la-journaliste-Florence-Hartmann-3075541 - Accord Holbrooke-Karadzic et
[15]https://www.kernews.com/rwanda-une-enquete-choc-sur-le-plus-grand-massacre-de-la-seconde-moitie-du-xxe-siecle/4506/
[16]Les noms sont connus et la liste est longue, tant les vivants que les « exécutés".
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