Et si la France faisait faillite ?
La France est en manque d’argent. Nicolas Sarkozy a d’ailleurs annoncé le lancement du polémique nouvel emprunt national devant le congrès de Versailles. Un tel emprunt gonfle la dette du pays et certains disent qu’il est susceptible de le mener à la faillite. Mais qu’est-ce qu’un emprunt d’Etat ? Et que signifie la faillite d’un Etat ? Nous, citoyens, français, risquons-nous quelque chose ?
Les Etats sont de plus en plus gérés comme des entreprises, en témoigne notre nouveau PDG national. Auparavant, c’étaient les problématiques éthiques, morales et sociales qui prévalaient au niveau de la gestion de l’Etat. Maintenant, comme pour une entreprise, c’est la problématique économique. La seule différence réside dans le fait que le but d’une entreprise est de faire du bénéfice, alors que celui de l’Etat est de perdre le moins d’argent possible.
1) L’autofinancement : un Etat a 2 sources d’autofinancement : ses activités rentables et les impôts.
La France a malheureusement cédé l’essentiel de ses activités rentables (autoroutes, énergie, aéroports, transports…) pour ne garder que ses centres de coûts (éducation, armée, justice, prisons…). Par ailleurs, les recettes de l’impôt vont en diminuant depuis quelques années (bouclier fiscal, suppression de la taxe professionnelle en cours, baisse de la TVA sur la restauration, exonérations écologiques diverses). Et ce ne sont pas les quelques nouveaux impôts qui vont contrebalancer ces pertes (taxes antipollution, radars automatiques…). La France n’a donc plus de sources d’autofinancement.
2) L’augmentation de capital : les Etats ne sont pas encore cotés en bourse… même si une émission d’obligations d’Etat (qui sont ensuite cotées en Bourse) pourrait s’apparenter à une augmentation de capital d’un Etat et par extension à la cotation en Bourse d’un Etat.
3) L’emprunt : faire un emprunt d’état ! Voilà donc la solution magique !
Le système d’emprunt d’état est tout simplement un système de création d’argent. Prenons notre exemple actuel : l’Etat français a besoin de 100 milliards. Il prend quelques bouts de papier, les griffonne avec des symboles officiels, les appelle "bons du trésor" et les échanges contre d’autres morceaux de papier appelés "billets de banque". Peu importe que ces bons soient achetés par des particuliers, des fonds de pension, des compagnies d’assurance, des fonds souverains… Ce qui compte, c’est que 100 milliards d’euros viennent d’être créés. On pourrait croire que l’argent n’a fait que changer de main, mais c’est faux ; il a été créé car le souscripteur n’est pas moins riche qu’avant. C’est un moyen détourné de créer de la monnaie en prétextant que le pays est "riche" et que sa croissance économique permet de justifier une augmentation de valeur par anticipation.
Cependant, la création de valeur ne s’arrête pas là. En effet, nous avons maintenant 100 milliards qui sont déposés sur un compte bancaire. Or, une banque a pour obligation de ne conserver en dépôt qu’une partie seulement de l’argent, usuellement fixée à 10 %. Ainsi, pour 100 milliards, la banque doit en conserver 10, et elle peut ensuite proposer les 90 milliards restant comme base pour de nouveaux prêts. Le processus précédent se répète alors sur les 90 milliards et on a donc 81 nouveaux milliards de créés. Et ainsi de suite…
L’argent est donc créé à partir de l’emprunt. Processus perturbant si on réfléchit à ce que ça signifie. Vient alors la question logique suivante : qu’est-ce qui donne sa valeur à cet argent nouvellement créé ? La réponse est simple : l’argent déjà en circulation.
L’argent nouvellement créé vole sa valeur à l’argent existant. En effet, une fois l’emprunt émis, la valeur de l’argent en circulation sera supérieure à la valeur "réelle" (ou plutôt "actuelle", si on veut être précis) des biens produits et existants dans le monde. Mathématiquement, les prix montent donc. On appelle cela de l’inflation et il va sans dire qu’au final l’inflation constitue la principale taxe cachée à l’encontre des citoyens et je dirais même plus, des citoyens du monde (l’économie n’ayant plus de frontières).
Mais quels sont donc les risques ? On parle sans cesse de possibles faillites d’Etats.
Si une entreprise fait faillite : là, c’est déjà plus compliqué. Techniquement, on dit qu’une entreprise est en faillite lorsqu’elle est en cessation de paiement. Elle entre alors dans la phase de "procédure de redressement judiciaire" à l’issue de laquelle 3 cas de figure peuvent se présenter :
1) L’entreprise semble viable et son défaut de paiement est temporaire, auquel cas on procède à un réétalement de sa dette.
2) L’entreprise n’est plus viable en l’état, mais un repreneur est intéressé.
3) L’entreprise n’est plus viable et aucun repreneur ne se manifeste : c’est la liquidation, autrement dit la "clef sous la porte".
Appliquons maintenant ceci à un Etat :
Un Etat serait donc en faillite à partir du moment où il ne peut plus rembourser ses dettes, payer ses fonctionnaires, ou assurer ses missions de service publique. Certaines personnes vont tout de suite se dire que la France est alors en faillite, car sa dette croît chaque année. Mais il faut relativiser : pour l’instant, ce n’est qu’une question de choix des allocations de budgets. Si on choisissait de supprimer l’armée française, (c’est juste un exemple), il y aurait largement de quoi payer les échéances de la dette. Donc techniquement, la France est encore un système économiquement viable.
Maintenant, si elle venait à entrer en cessation de paiement, reprenons les 3 cas de figure applicables à une entreprise :
1) Des rééchelonnements de dettes d’Etats se sont déjà produits à de nombreuses reprises de par le passé, le FMI en étant l’arbitre.
2) Peut-on parler de repreneurs pour un Etat ? Si on considère l’Etat comme une entreprise, comme c’est de plus en plus le cas, la question se pose et n’a rien d’une idée de science-fiction. Dans ce cas, concrètement, cela signifie que l’Etat doit vendre ses actifs pour rembourser ses généreux donateurs (fonds de pensions, compagnies d’assurances, fonds souverains…). Pourquoi ne pas imaginer la prise de contrôle (indirecte évidemment), d’un pays par le détenteur de ses obligations d’Etat ? Economiquement, ça se tient. Et c’est peut-être finalement déjà le cas.
3) Le cas de figure de liquidation reviendrait à arriver à une situation d’anarchie totale, où le gouvernement n’aurait plus aucun pouvoir car plus d’argent.
Il est intéressant de savoir qu’une classification des pays selon leur "risque de faillite" a été établie en 2005 par le think tank américain "Fund for Peace" et le magazine "Foreign Policy". Cette classification compte 4 niveaux : pays à vulnérabilité forte, à vulnérabilité préoccupante, pays à risque modéré, dont fait partie la France, et pays stables, dont faisait partie… l’Islande ! Ce même pays qui était au bord de la faillite en octobre dernier et qui s’en est sorti in-extremis grâce à un prêt de 4 milliards par la Russie… Ce qui renvoit d’ailleurs au point 2) : la Russie a-t-elle été le repreneur de l’Islande ?
Comme quoi, aucun pays n’est à l’abri !
Sur le même thème
La face cachée de la hausse de l’endettement occidental et des crises pétrolières et alimentaires. Pronostic 2023-2025Samuel Bankman-Fried, le Bernie Madoff 2.0 : idiot(s) utile(s) et CBDC
Vers une récession économique mondiale en 2023. Guerre en Ukraine en cause ou fin d’un cycle avec en toile de fond une guerre financière ?
OATi : le scandale des emprunts d’Etat indexés sur l’inflation
L’Occident, perdant de compétitivité face à l’Asie, reste dominant sur le plan financier et monétaire. La question est : jusqu'à quand ?
58 réactions à cet article
Ajouter une réaction
Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page
Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.
FAIRE UN DON