Delphine Batho dans le costume d’Edward Snowden

J’ai écouté attentivement la conférence de presse donnée ce 4 juillet 2013 à 15 heures par Delphine Batho suite à son éviction du gouvernement. A vrai dire, l’annonce de la tenue de cette conférence avait alerté mon esprit, mon intuition pressentant quelques révélations et ma foi, je crois que les Français ne seront pas déçus par ces déclarations qui en disent long sur le mode de gouvernance. Après avoir résumé son parcours, Batho n’a pas économisé son franc-parler. J’ai immédiatement pensé à Edward Snowden. Cette comparaison s’est vite confirmée par Delphine Batho qui s’est autoproclamée lanceuse d’alerte. Un terme qui est loin d’être anodin, signalant que quelques individus bien placés au cœur du système sont prêts à livrer quelques secrets, quitte à mettre en danger leur carrière future. C’était le cas de Snowden qui aurait pu très bien faire beau parcours au sein de la NSA mais qui, pour des raisons morales supérieures, a jugé bon de s’exiler en révélant les méthodes d’espionnage en vigueur aux Etats-Unis. On peut en dire autant de Delphine Batho qui risque d’être marginalisée au PS tant ce qu’elle a balancé a terni l’image du gouvernement. L’intéressée aurait pu très bien conserver son poste moyennant une excuse publique mais la conscience supérieure de l’intérêt public l’a emportée. L’occasion d’honorer cette jeune dame qui a emprunté une voie similaire à celle prise par Antigone. La différence étant que le tragique est évacué de notre civilisation post-moderne.
En même pas une heure, Batho a pourri l’image du gouvernement Ayrault bien plus que les attaques conjuguées de dix lieutenants de l’UMP. Deux points essentiels à retenir. L’abandon de la collégialité par le premier ministre, notamment lors des discussions sur les lettres de cadrage. Le premier ministre a pris un tournant autoritaire. Ce qui illustre un virage important lié à une crise de gouvernance dans le contexte de la crise économique et sociale subie par la France et l’Europe. A cela on doit ajouter une accusation de malversation, voire de trahison lorsqu’un patron responsable de projets d’exploitation de gaz de schiste eut déclaré à ses partenaires américains que la ministre de l’écologie serait marginalisée. Comme si cette personne avait eu quelques « câbles ministériels » l’informant d’une disgrâce de Mme Batho, ce que son éviction récente semble confirmer. Et donc, sans s’en cacher, l’ex-ministre de l’écologie a explicitement désigné des puissances économiques influentes pour imposer au gouvernement des choix incompatibles avec les soucis écologiques. Les citoyens déniaisés savent bien ce qu’il en est de ces questions mais qu’un ex-membre du gouvernement aille si loin dans les accusations paraît assez inhabituel.
Finalement, Batho a porté un sacré coup au premier ministre Ayrault et à cette politique de rigueur qui ne peut se faire qu’avec un tournant autoritaire et des trahisons idéologiques. Le déshonneur plane sur le gouvernement socialiste qui lorsque Cahuzac fut mis à l’écart se fendit d’un communiqué saluant le très bon travail effectué au budget. Mais pour Mme Batho, rien, aucune « allusion diplomatique » ni reconnaissance pour son passage à l’écologie. Ce petit détail laisse accroire que tricher à l’Assemblée et face au fisc et plus généralement commettre des malversations est moins grave pour un dirigeant politique que de parler vrai en faisant passer les convictions éthiques au-dessus de la discipline gouvernementale. Voilà comment fonctionne la politique et ces déclarations ne vont pas rapprocher les citoyens du monde qui gouverne. La rupture s’aggrave. Enfin, restons ouverts à toutes les hypothèses, quelques relents de narcissisme n’étant pas à exclure comme un des ressorts ayant motivé ces propos accablants qui parfois, donnent le sentiment d’une vengeance suite à des vexations et frustrations accumulées.
Il se confirme que cette année 2013 est cruciale pour les ruptures, les prises de conscience, les événements marquants en France et dans le monde où un ordre autoritaire semble se dessiner alors que les puissances éthiques commencent à s’organiser et faire quelques coups d’éclat dans les médias. Si les oreilles citoyennes comprennent bien le sens des mots, c’est bien une bombe qu’a balancée Delphine Batho et l’on peut être sûr que l’opposition saura l’utiliser alors que les éditocrates sauront gloser avec intelligence ou non sur ces propos.
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