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Accueil du site > Actualités > Politique > Des « bobos » aux affairistes, le centrisme : tyrannie du bonheur

Des « bobos » aux affairistes, le centrisme : tyrannie du bonheur

Le centrisme est, entre gauchisme et « droitisme », ce qui règne médiatiquement dans une fourchette s'étalant des « bobos » aux affairistes - de la gauche caviar suicidée sous la dernière présidence, jusqu'à la droite dite « technophile ». Le tout, sur l'héritage sociohistorique (mi-ridiculisé par habitude, mi-effacé avec regret) de l'ancien centre giscardien, balladurien et bayrouïen. Mais Emmanuel Macron s'inscrit dans cette veine paradoxalement conservatrice en nos jours. Les temps changent.

 

Conservatisme centriste

Cela est l'évidence, quand on voit qu'il fait de la démocratie libérale modernisante une tradition. C'est-à-dire qu'il poursuit strictement le projet politique occidental, moins hérité des Lumières que de leur récupération bourgeoise.

En effet, emblématiquement, Montesquieu valorise l'aristocratie dans la sépération des pouvoirs exécutif-législatif-judiciaire que nous connaissons relativement, Voltaire est partisan d'un despote éclairé et dédaigne le commun en prônant pour lui la religion, Rousseau songe que la démocratie n'est réalisable que par des dieux seuls capables de se soumettre sans réserve librement à la volonté générale, etc. C'est-à-dire que les Lumières, sans être antidémocratiques, n'étaient pas démocrates. Le centrisme alors, là-dedans (anciennement chrétien et autoritaire sous la Restauration monarchique post- et contre-révolutionnaire) a la démocratie libérale modernisante ... pour projet politique, dans la mesure où ça procède d'une voie du milieu, modération absolue.

A ce point, ne négligeons pas le caractère pragmatique de cette démarche, qui s'accommode des temps. Or, s'accommoder des temps est de tout conservatisme. Et que faut-il paradoxalement conserver aujourd'hui ? ... Aujourd'hui, il faut conserver la modernité de la démocratie libérale, défendant d'arrache-pied l'individualisme bienheureux.

 

Le « bobo »

Bobo est un terme mis en circulation voilà quinze-vingt ans, par le sociogéographe Christophe Guilluy. Repris par le vieux Renaud dans un triste morceau, il correspond à l'acronyme de bourgeois-bohème, à savoir : un type social flou et controversé, inspiré du hipster des années 30.

Pourtant, il apparut évident à la majorité que « la gauche caviar » depuis les années 80-90, ressortait de ce type social - et moins évident que « la droite technophile » en ressortait tout autant.

Quand même les personnes et groupes de personnes étiquettés bobos ne veulent pas s'y reconnaître, font tout pour s'en défaire, et allèguent qu'une telle étiquette ne serait que d'extrême-droite ... il n'en reste pas moins que se dégage toute une frange centriste de la population sous cette notion. Centriste - du PS agonisant aux Républicains constructifs - parce qu'elle est largement intégrée à cette modernité démocrate libérale, par conservatisme de fond jusques et y compris dans le discours modernisant.

 

L'affairiste

Où ce « bobo » rejoint l'affairiste et s'y confond, c'est que l'affairiste ressort bel et bien d'une (petite, moyenne, grande) bourgeoisie bénéficiaire socioéconomiquement, de la démocratie libérale modernisante héritée. Il a toutes les raisons du monde de valoriser son style de vie paradoxalement conservateur en nos jours, égocentriquement. Profitant des télécommunications et des transports à fond, il mène une vie « bohème » ou « à caractère bohème », car il peut nomadiser sans problème.

Du moins est-il dans une mentalité nomade, transfrontière, transgenre et transidentitaire. Le métrosexuel en fut la prémice, à moins qu'il en fut une des premières résultantes populaires. « One world, one love, one peace », dans le confusionnisme le plus complet, parce que business is business (even social business) et que les limites, les référents et autres repères - en dehors de la géolocalisation GPS et interstellaire - sont vécus comme des empêcheurs de tourner en rond (sur ce sphérisme, lire Peter Sloterdijk). C'est qu'il s'agit susceptiblement de « ne plus se mêler des (petites, moyennes, grandes) affaires d'autrui, et d'abord pour qui tu te prends ».

Hélas, il y a un égocentrisme profond en tout cela, peu importent les bonnes intentions qui pavent l'enfer : la bonne cause n'a pas toujours raison.

En l'occurrence, on se moque que les personnes nomadisent ou non, se sentent de tel genre plutôt que de tel autre ou d'aucun, ou préfèrent renoncer à toute édification personnelle pour s'ébaubir humanitairement (en vertu d'un humanisme qui n'a plus d'humaniste que le nom - et qui in extremis s'associe à l'antispécisme et au transhumanisme, pour des raisons de « progressisme »). On ne s'en moque pas par méchanceté, mais bien par tendresse, encore qu'on s'en inquiète. Car cet égocentrisme a réinventé le géocentrisme après Copernic : seul compte un petit moi confus sur le grand soi planétaire (cf. Raphaël Liogier, Souci de soi, conscience du monde).

A la fin, ce sont les trans-actions lucratives qui règnent.

 

Le centriste, donc

Du bobo à l'affairiste, se dégage ainsi un caractère social, un profil de personnalité, un idéal-type (Max Weber). Du moins se dégage-t-il dans l'imaginaire populaire, folklore contemporain, sur des bases très réelles.

Indubitablement en la personne de notre président, se manifeste une susceptibilité centriste. C'est-à-dire que, en vertu de sa morale où le Bien est conservateur démocrate libéral modernisant (progressisme traditionnel ... !), il impose managerialement étatique-entrepreneurial, une politique telle qu'elle favorisera son idéal-type à travers un prétendu consensus absolu. Peu importe que ce consensus absolu ne comprenne rien et refuse de comprendre quelque chose - par susceptibilité, donc - aux dissensus émergents. C'est que pour le centriste, « l'affairisme bobo » est indépassable.

L'individualisme bienheureux que voilà ! n'est-il pas mignon ? ... Tyrannie du bonheur centriste - ou du moins ce que le centriste appelle du saint nom de bonheur (voir Alexis de Tocqueville, décrivant les malheurs de la poursuite du bonheur, ou bien (Philippe Muray, sur l'innovation, etc.).

Mal' - LibertéPhilo

 


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