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Christiania, crépuscule d’une communauté

Alors que Joseph Stiglitz vient de remettre son rapport à Nicolas Sarkozy, certains médias se penchent sur la vieille Europe pour essayer de trouver les traces d’une culture du bonheur. Tout naturellement, ils se tournent vers la Scandinavie, et notamment vers le Danemark où les valeurs humanistes ne sont pas un vain mot. La preuve : la persistance depuis 1971, au cœur de la capitale danoise, d’un squat géant, la « commune libre de Christiania  », héritage des utopies du mouvement hippie. Une expérience totalement inimaginable en France !

Christiania a été fondée en 1971 par une centaine de chômeurs et de hippies, à proximité du port, dans les friches et les fortifications militaires de Bådmandsstræde, abandonnées deux ans plus tôt par leur garnison. Jeunes et majoritairement de sexe masculin, les squatteurs investissent une partie des locaux, très largement dégradés par les pillards depuis le départ de l’armée, ou installent des roulottes au milieu des herbes folles du site. Pourquoi ce nom de Christiania ? Selon certaines sources, ce sont les squatteurs Norvégiens qui suggèrent, et obtiennent de la communauté embryonnaire, que la toute nouvelle « commune libre » soit baptisée ainsi en hommage à l’ancien nom d’Oslo. Selon d’autres sources, il s’agit tout simplement d’une référence au quartier portuaire tout proche de Christianshavn. Quoi qu’il en soit, un drapeau est créé : trois boules jaunes sur fond rouge censées représenter on ne sait plus trop bien quoi, les principales hypothèses désignant les boules du jongleur ou les trois points qui surmontent les « i » de Christiania.

En quelques mois, la population de la ville libre augmente rapidement, boostée en vue de l’hiver nordique par de réels problèmes de logement dans la capitale danoise, mais surtout par un article mémorable de Jacob Ludvigsen : « Émigrez avec le bus n°8 ». Écrit en octobre dans la revue alternative Hovedbladet, il draine de nombreux libertaires et hippies vers les fortifications. Dès lors, la nécessité d’organiser la commune libre s’impose aux « Christianites ». Un règlement intérieur voit le jour et, tout naturellement, l’esprit égalitaire qui prévaut dans la communauté impose à ses membres des décisions majoritaires prises au cours d’une Fællesmøde (assemblée générale). Difficile toutefois d’organiser une AG à chaque fois qu’un problème local se pose. Les Christianites créent donc une hiérarchie de décision à trois niveaux : la Husmøde (assemblée de maison), la Områdemøde (assemblée de quartier), la Fællesmøde étant réunie uniquement pour les questions d’intérêt général ou les arbitrages de différends non résolus aux niveaux inférieurs.

L’odeur âcre du haschich

En théorie, tout fonctionne plutôt bien. En pratique, c’est nettement moins évident, et des conflits éclatent ici et là, plus ou moins bien arbitrés par les møder. Le problème principal de Christiania n’est toutefois pas là, mais dans les inévitables dérives que la consommation de drogue, totalement inhérente au mode de vie de la communauté, a engendrées. Un véritable commerce s’installe peu à peu et de nombreux consommateurs extérieurs viennent s’approvisionner dans la commune libre auprès des vendeurs de la célèbre Pusher Street (rue des trafiquants). S’approvisionner en haschich, mais aussi en drogues dures, et notamment en héroïne. À tel point que les autorités envisagent dès 1976 la fermeture de Christiania. Une décision d’arrêt définitif de l’expérience alternative est d’ailleurs prise en février 1978 par la Cour suprême. Mais c’est compter sans le goût marqué des Copenhaguois pour la liberté : une grande manifestation de soutien à la ville libre de Christiania est organisée et réunit des milliers d’habitants de la capitale sous les murs du Folketing (le parlement danois) pour soutenir cette expérience alternative sans précédent. Exactement comme si des milliers de Parisiens descendaient dans la rue pour soutenir la pérennité, au cœur de la ville, d’un squat géant équivalant grosso modo aux iles Saint-Louis et de la Cité réunies ! Les pouvoirs publics danois cèdent à la vox populi humaniste, mais exigent en contrepartie des Christianites l’éradication définitive des drogues dures. Le message est entendu et provoque, en 1979, la Junkblokaden, l’expulsion définitive de Christiania des drogues dures et de leurs vendeurs.

Durant des années, l’expérience se poursuit, enrichie par de nouveaux arrivants qui, à l’apogée de la commune libre, portent la population de Christiania à près de 3000 habitants. Au fil du temps, les roulottes se raréfient et les Christianites retapent des casernements et construisent, en toute illégalité, des maisons résolument écologistes, parfois faites de bric et de broc, parfois empreintes d’une réelle créativité ou d’une indéniable poésie. Quelques antennes de télévision apparaissent ici et là, mais l’esprit libertaire continue de dominer. Les concessions au mode de vie extérieur sont d’ailleurs rares, à l’image des voitures, bannies de Christiania au profit des vélos et des triporteurs. Parallèlement aux maisons, de nombreux équipements collectifs voient le jour au fil du temps : théâtres, bistrots, restaurants et boutiques de petit artisanat, tous vecteurs de la pensée anarcho-hippie qui a prévalu à la création de Christiania, le plus célèbre établissement étant le fameux bistrot Mannefiskeren (Le pêcheur de lune) où se tiennent encore des concerts très prisés par la jeunesse copenhaguoise.

Tout cela ne va pas sans remous ni difficultés avec des autorités danoises qui, dès le début des années 90, veulent « normaliser » la commune libre. Certes, le gouvernement lui a reconnu le titre de « zone d’expérimentation sociale ». Mais au prix d’importantes concessions des Christianites : arrêt définitif des constructions sauvages et paiement d’une TVA par les établissements commerciaux établis sur le site. L’esprit du début évolue insidieusement et, bon gré mal gré, Christiania se transforme progressivement en attraction touristique (2e site national après le parc Tivoli !). Rien ne change toutefois sur le plan de la drogue qui constitue toujours le principal produit d’appel comme en témoigne l’âcre odeur de cannabis qui saisit la gorge des visiteurs à leur entrée dans la commune libre. 

Un crépuscule annoncé

Aujourd’hui, Christiania compte environ un millier d’habitants, dont quelques-uns de ses habitants d’origine. Après de longues années d’un relatif statu quo, la ville libre doit désormais faire face à une volonté d’éradication sans précédent de la part des pouvoirs publics. Il est vrai que l’histoire du squat a été marquée par de nombreux problèmes, non seulement de drogue, mais aussi de rixes et d’agressions sexuelles commises au sein de la communauté ou sur des visiteuses. Menacés dans la survie de leur communauté, les Christianites ont, sous l’impulsion des aktivister (frange politisée de la communauté), définitivement renoncé en 2005 à la vente « officielle » de haschich et, en signe de bonne volonté, détruit les stands de Pusher Street (à l’exception de l’un d’eux, désormais exposé au Musée national danois). Une initiative jugée toutefois insuffisante par les autorités car les trafics ont continué sous le manteau non seulement au cœur de Christiania, mais dans les quartiers environnants où ils ont essaimé. Conséquence : la machine administrative, symbolisée par un nouveau plan de normalisation établi en 2004, est désormais en marche. Les Copenhaguois, fatigués des dérives, se montrent cette fois-ci nettement moins solidaires que dans le passé. D’autant moins que la sympathique pensée anarchiste des origines s’est délitée, polluée par quelques intérêts commerciaux, par la conversion des jeunes à la culture hip-hop et par le départ de la majorité des pionniers.

Le 1er janvier 2006, Christiania a perdu la reconnaissance officielle de son statut de « commune libre ». Et en mai 2007, une première maison a été détruite, non sans heurts violents avec la police. D’autres destructions devraient en principe suivre, sous la pression de promoteurs immobiliers et du ministère de la Défense qui entend récupérer son bien pour le mettre à la disposition des pouvoirs publics dans le cadre d’un vaste projet de réaménagement. Mais le gouvernement hésite à passer à l’acte car, malgré la déliquescence de son esprit d’origine, Christiania reste malgré tout un symbole identitaire fort et bénéficie du soutien intéressé de la plupart des médias qui trouvent là une matière de reportage inépuisable. Sans doute la commune libre devra-t-elle composer et accepter la rétrocession d’une part de son territoire en contrepartie d’un statut protégé de ville-musée pour le cœur du squat, ses étonnantes maisons, ses commerces alternatifs et ses multiples wall-pintings. Cela marquerait assurément la fin programmée d’une étonnante expérience…

Fin d’une expérience mais également début d’une légende. De l’une de ces légendes qui, sur les rives de l’Øresund, ont la vie dure et qui font plus sûrement rêver les foules que les utopies déchues. Si vous allez à Copenhague, ne manquez pas de demander à la Petite sirène ce qu’elle en pense. Juchée sur son rocher non loin de Christiania, elle ne manquera pas de vous dire qu’à bien y réfléchir, Andersen lui-même eût fait un conte de cette singulière histoire.

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34 réactions à cet article    


  • Annie 21 septembre 2009 10:47

    C’est un article fascinant qui m’a donné envie d’en savoir plus : y a-t-il des enfants et donc des écoles, des centres de santé ? Où s’arrêtent les interactions avec le monde extérieur ? Ce qui est encore plus intéressant est de constater que ce monde extérieur sert dans une certaine mesure de mécanisme de régulation pour tempérer les excès de cette vie en communauté, notamment concernant l’usage et le commerce de drogues.
    Il faut tout de même rendre hommage à l’esprit de tolérance qu’ont manifesté jusqu’ici les Danois.


    • Fergus Fergus 21 septembre 2009 11:13

      Bonjour, Annie.

      Oui, il y a des enfants à Christiania. Une cinquantaine y sont même nés au fil du temps. Et la communauté dispose d’une école primaire ainsi que d’un cabinet médical où l’homéopathie semble très prisée. Outre la soixantaine de commerces, Christiania dispose également de quelques parcelles agricoles et d’un terrain dont l’une des meilleures installations danoises de skate-board.

      Pour ce qui de l’interaction avec l’extérieur, il est évident que les Christianites ont dû, pour survivre, faire appel aux réseaux d’eau et d’électricité de la Copenhague. Cela s’est fait, à ma connaissance, sur la base de loyers forfaitaires très avantageux, eu égard à la solvabilité limitée des habitants de la commune libre. Et, malgré les tensions qui sont intervenues à différents moments de l’histoire de Christiania, jamais cette fourniture n’a été remise en cause.

      Quant à l’esprit de tolérance des Danois, il est un fait avéré. Au point que j’ai appris l’existence, il y près de 20 ans, de la communauté par un couple d’entrepreneurs copenhaguois aux antipodes de l’idéologie anarchiste et du « flower power », mais qui soutenaient pourtant cette expérience. La raison profonde en est liée à la culture religieuse des protestants scandinaves, qui professe comme qualité première de l’Homme une grande humilité que l’on retrouve chez les Hamish américains.


    • Surya Surya 21 septembre 2009 12:18

      Bonjour Fergus,

      Votre article m’a aussi vraiment captivée, je n’avais jamais entendu parler de Christiania et c’est le genre d’expériences que je trouve tout à fait géniales, mais qui seront à mon avis toujours vouées à l’échec tant que les membres de ces communautés ne comprendront pas que la consommation de drogue, et pire le trafic évidemment, est le poux idéal que recherchent les autorités dans leurs têtes pour essayer d’en finir avec ces expériences libertaires sur lesquelles ils n’ont pas de contrôle. La drogue est considérée comme une liberté par les hippies, mais c’est le prétexte idéal pour restreindre leur liberté de mener la vie marginale (pas au sens péjoratif du terme) qu’ils souhaitent mener.
      La drogue n’y est sans doute pas pour rien non plus dans les bagarres et les actes de violences plus récents que vous décrivez, et la dégradation de l’ambiance. Si les effets du cannabis sont des effets qui vous enferment sur vous même (on doit être dans son monde j’imagine quand on a pris ça), comment imaginer qu’on puisse vivre en harmonie dans une communauté, prendre des décisions communes, tout en s’enfermant sur soi même par de la consommation de drogue ? Qu’ont-ils à gagner à en consommer, donc ?

      Je pense vraiment que c’est la drogue qui a brisé au fil du temps le mouvement hippie, et tout l’esprit pacifiste et fraternel de ses débuts. Ca me fait un peu penser aux deux festivals Woodstock, le premier en 69, aucun problème, esprit de paix et de tolérance, (une overdose, c’est vrai, mais il y en a eu avant, ce n’est pas la faute du festival), le deuxième en 1999, une tentative de remake, mais là, catastrophe totale, violence, viols et compagnie.

      J’aimerais bien que ce genre d’expériences puissent revoir le jour, mais cette fois ci sans la moindre drogue, et je suis sûre que ça fonctionnerait (en tout cas du côté des habitants, maintenant reste à savoir quels autres poux les autorités leur chercheraient dans la tête...)

      C’est surement comme vous dites grâce à l’esprit de tolérance du Danemark que Christiania a pu durer aussi longtemps. J’imagine même pas moi non plus qu’on aurait laissé la moindre maisonnette se construire en France.

      Tous les pays ont des lois, et c’est bien normal, mais on m’a raconté qu’en Chine, on appelle la France « Fa Go ». Ca veut dire le « Pays de la Loi ».

      Fa Go pu mei, pour ceux qui comprennent le Chinois... smiley


      • Fergus Fergus 21 septembre 2009 13:11

        Bonjour, Surya, et merci pour votre commentaire.

        Il est incontestable que la drogue (trafic et consommation) a eu des effets négatifs sur la pérennité de Christiania. A commencer par les drogues dures qui ont failli précipiter la fin de la commune libre dans les années 70 avant d’être heureusement éradiquées.

        Les problèmes n’ont pourtant pas totalement disparu avec l’éradication de l’héroïne lors du Junkblokaden. Car le cannabis resté en vente libre jusqu’au coup de balai de 2005 a effectivement eu des effets sur la communauté. D’une part par le biais des comportements déviants liés à l’usage des stupéfiants. D’autre part, du fait des conflits récurrents qui se sont ouverts entre les Aktivister et les Pushers.

        Tout cela a largement contribué au départ des pionniers anarchistes non consommateurs, à l’augmentation de la pression des pouvoirs publics et à la régression progressive du soutien de la population copenhaguoise, confrontée à l’extension des trafics hors Christiania.

        Comme vous, je trouve dommage que cette expérience alternative n’ait pu se dérouler dans des conditions idéales. Et cela d’autant plus que les autorités danoises auraient probablement continué à jouer le jeu sans chercher à siffler la fin de cette étonnante partie ! 


      • LE CHAT LE CHAT 21 septembre 2009 13:50

        Les hippies devraient se méfier , maitenant que Rasmussen est à la tête de l’OTAN , il a les moyens de deblayer le terrain vite fait , avec tout ce merveilleux matos dont Momo nous vante l’efficacité à travers ses nombreux articles .....


        • Fergus Fergus 21 septembre 2009 14:40

          Salut, Le Chat.

          Il ne reste plus beaucoup de hippies à Christiania, mais un mélange de libertaires anarchisants, de punks, et de commerçants pragmatiques désireux de préserver un mode de vie marginal mais pas trop, en rejetant les contraintes de la vie extérieure, mais pas trop...

          Et Christiania est désormais le cadet des soucis de Rasmussen, l’ex patron de parti conservateur. Quant à la mairie de Copenhague, elle est gérée par Ritt Bjerregård et ses amis sociaux-démocrates, partisans de la normalisation mais désireux d’éviter des affrontements.


        • Fergus Fergus 21 septembre 2009 14:50

          Bonjour, Lech.

          Je connais un peu l’histoire de l’Ungdomshuset, lieu de rassemblement de jeunes artistes plus ou moins « undergroud ». Mais cette « maison des jeunes », effectivement détruite début mars, l’a été à la demande de son propriétaire, une branche fondamentaliste de l’Eglise baptisée Federhuset (la maison du Père) en raison de son délabrement et de la condamnation de cette initiative par l’Eglise officielle.

          La maison dont je parle a bien été détruite à Christiania le 19 mai 2007. Et comme pour l’Ungdomshuset, sa destruction a donné lieu à des affrontements.

          Bonne journée.


        • Fergus Fergus 21 septembre 2009 14:56

          Je viens de lire le lien sur l’Ungdomshuset, plus précis et mieux documenté que mon précédent commentaire. En outre, si j’ai parlé des artistes underground, j’ai en effet oublié de mentionner les activistes d’extrême-gauche qui avaient plus ou moins fait de Ungdomshuset leur QG. Merci pour ce lien. 


        • Fergus Fergus 22 septembre 2009 09:00

          Bonjour, Lech.

          La maison détruite à Christiania était un bâtiment délabré baptisé « Cigarkassen » ’(la boîte à cigares). Les affrontements suscités par cette destruction ont trouvé leurs origines dans la proximité de la destruction (deux mois plus tôt) d’Ungdomshuset, mais aussi dans le climat de tension engendré à Christiania par les violentes rixes ayant opposé, le 25 avril de la même année, des Pushers à des bandes de trafiquants violents venus de l’extérieur pour en découdre. Cet affrontement avait fait des blessés et un mort, un jeune Christianite de 26 ans tué par les assaillants.

          Tout n’a pas toujours été rose à Christiania, et ces évnènements ont contribué à accélérer la déliquescence de la commune libre.

          Pour ce qui est de la présence d’un Christianite au Conseil municipal de Copenhague, je n’ai aucune information. Mais cela me semble hautement improbable : pourquoi une communauté d’un millier d’habitants aurait-elle un réprésentant dans le Conseil d’une ville de 1,8 million d’habitants ? Plus vraisemblablement, un représentant a pu être désigné comme interlocuteur de la communauté auprès du Conseil municipal.


        • Gül 21 septembre 2009 15:10

          Bonjour Fergus,

          Et merci de nous relater l’histoire de cette communauté. Ce type d’expérience est toujours intéressant à observer, malheureusement, je crois que l’humain a beaucoup de mal à vivre en paix en groupe dès que le nombre de participants dépasse un certain stade. On remarque également qu’il y a eu très rapidement nécessité d’établir une forme de hiérarchie et d’ordre !

          Question : Existe-t-il une forme de commerce parallèlle, avec une monnaie interne à la communauté, par exemple ?


          • Fergus Fergus 21 septembre 2009 16:34

            Salut, Gül.

            L’ordre établi à Christiania a été plutôt relatif, les « lois » internes étant, pour l’essentiel, limitées au fonctionnement des assemblées. Quant a la hiérarchie individuelle, elle y est restée inexistante, sur le modèle anarchiste. Un modèle qui interdit en outre à tout Christianite d’en juger un autre, la seule sanction décidée collectivement et appliquée dans les cas graves étant l’exclusion de la communauté.

            Pour ce qui est de la monnaie, oui il y a eu une monnaie dont je ne sais pas si elle fonctionne encore. Mais elle n’avait qu’un rôle interne plutôt symbolique, les transactions importantes étant évidemment payées en couronnes danoises, puis en euros. A noter que les Christianites paient un loyer d’environ 250 euros à la communauté et que les commerces versent leur écot au pot commun.

            Bonne journée.


          • ptittoun 21 septembre 2009 15:17

            tout d’abord bravo à l’auteur pour cette article, qui m’a refait voyager dans cet endroit que j’avais beaucoup apprécié

            je voudrais rebondir sur vos propos sur la drogue, tant par rapport à chrisitana qu’aux « hippies »

            le cannabis a été une des causes de la chute de christiana ?

            je dirais la législation danoise l’a été en l’interdisant au danemark, rendant comme seul approvisionnement facile le village de Chrisitiana pour les locaux et les touristes. là ou il y a la demande, l’offre va exister...

            le cannabis comme vous dites n’a pas que des effets de renfermement sur soi, sauf consommé en surdose..
            il y a de nombreuses vertues thérapeutiques, sociales(si toléré), religieuses(cf les rastarienfs). Il ne rend pas violent, contrairement à l’alcool, il est moins addictif que le tabac, etc...
            enfin bon on est pas la pour discuter des vertus du cannabis, même si çà justifie en partie qu’elle soit au monde la première drogue illégale consommée.

            qu’ont-ils à en consommer sinon au risque de voir tous leurs efforts ruinés ? c’est leur liberté, tant qu’ils n’emmerdent pas le reste du monde... le principe même d’interdire est contraire à leur façon de penser, et abandonner le cannabis l’est donc tout autant. pas besoin de chercher forcément plus loin.

            J’ai pu visiter copenhague et christiana en 2005, où la marijuana et le hashish étaient encore en vente libre. C’était en partie un lieu de deal, mais d’un autre coté l’ambiance était bien détendue, tout le monde discutait tranquillement assis un peu partout, c’est fut mon meilleur souvenir de la capitale danoise.

            C’est regrettable qu’encore une fois la prohibition de la drogue gâche de belles initiatives, tant en transformant ce village exceptionnel en « coffee shop » pour tout le danemark, qu’en le fermant ensuite...

            et bon un si bel endroit en plein copenhague qui ne rapporte pas de sous, c’est triste pour pas mal de gens...


            • Fergus Fergus 21 septembre 2009 16:54

              Merci, Ptittoun, pour votre témoignage sur Christiania, ainsi que pour votre commentaire sur les drogues douces. Je n’en ai personnellement jamais consommé, ni à Christiania ni ailleurs, mais pour avoir été en contact avec des consommateurs, je pense moi aussi qu’elles ne sont pas forcément nuisibles au comportement, à condition qu’elles soient bien assimilées et surtout consommées de manière très modérée.

              Cela dit, certains Christianites n’ont pas toujours fait preuve de cette modération et la consommation de drogue a été à l’origine de problèmes bien réels et de rixes parfois dramatiques, sans aller toutefois jusqu’au meurtre entre membres de la communauté. Pour ce qui est du trafic, en principe éradiqué depuis 2005, il est un fait qu’il s’est concentré à Christiania et surtout dans les environs de la commune libre, raison pour laquelle les autorités ont durci une position qui serait sans doute demeurée plus laxiste si le trafic était resté plus limité géographiquement et quantitativement.

              Pour terminer, d’accord avec vous, Christiania est un bel endroit, probablement le plus chargé de poésie de toute la capitale danoise. Et je suis ravi que cela soit dû à des gens héritiers plus ou moins conscients non seulement de la pensée anarchiste mais aussi des idées fouriéristes.


            • brieli67 21 septembre 2009 17:01

              La scène « alternative » existe encore bel et bien en Allemagne à Hambourg Berlin, Cologne



              Petite correction : Amish vient de Amman

              par le biais du site d’un pionnier du web http://juillot.home.cern.ch/juillot/

              sur les travaux de Monique François

              Sans oublier le pasteur JF Oberlin
              adulé de par le monde au niveau du Dr Schweitzer et de Martin Luther-King

              Oberlin était en fait le « missionnaire » pour convertir tout ce monde à la foi luthérienne sur les terres achetées juste avant la révolution, pour extraire du minerai ..... par les Maitres de Forges De Dietrich

              A noter , ces trois derniers jours à Ste Marie-aux-Mines s’est déroulé le Carrefour Européen du Patchwork 15è du nom.

              • Fergus Fergus 21 septembre 2009 17:43

                Bonjour, Brieli, et merci pour ces liens. Le dernier, concernant les Amish, est particulièrement pertinent.


              • L'enfoiré L’enfoiré 21 septembre 2009 17:30

                Fergus bonjour,
                 J’étais en voiture en traversant la France. La radio parlait du bonheur en long et en large et reprenait l’expérience du bonheur vu par un Danois ou par un Français.
                 Le Danois jouirait bien plus vite du bonheur. Moins exigeant, était-il dit.
                 Ne pas trop se poser de questions. Jouir du moment sans en espérer plus.
                 Est-ce le sang froid qui rallentit les envies ? 
                 Espérons-nous trop et avec impatience ?
                 Cela n’a rien à voir avec la drogue évidemment.
                 


                • Mmarvinbear mmarvin 22 septembre 2009 00:17

                  Les scandinaves seraient les européens les plus heureux.

                  Pourtant, ils ont les taux de suicides les plus élevés de l’Union.

                  Un des taux d’alcoolisme les plus élevés aussi.

                  Qui a raison alors ?

                  Ou alors pour eux, la mort est un bonheur qui nous est inconnu...


                • Fergus Fergus 22 septembre 2009 08:47

                  Bonjour, Mmarvin.

                  Pour ce qui est des taux de suicide, certains spécialistes affirment que la distorsion vient du fait que les pays scandinaves ont, depuis très longtemps, mis en place des statistiques fiables sur ce problème contrairement aux pays latins, et notamment la France, qui se voilent la face, notamment pour ce qui est des suicides d’adolescents.

                  En ce qui concerne l’alcoolémie, vous avez raison, elle pose un réel problème aux pays scandinaves. Encore qu’il s’agisse plus d’une alcoolisation massive de fin de semaine. Cela dit, cela n’a rien à voir avec la notion de bonheur. Ou de réussite sociale. A cet égard, et bien que cela puisse sembler étonnant, la Bretagne est en France la région qui obtient les meilleurs résultats scolaires et universitaires alors qu’elle est championne de la consommation d’alcool chez les jeunes. Paradoxal, non ?

                  Enfin, je ne prétends pas personnellement que les Danois soient plus heureux que les autres européens. Comme je l’ai écrit dans une réponse à Lech, je ne crois pas beaucoup à ces études. Mais il est un fait que les Danois affirment être heureux, et je n’ai aucun argument à leur opposer pour contredire leurs affirmations. Ce qui est sûr, et ce que j’ai dit, c’est en revanche que les Danois font, de manière générale, preuve d’un humilité et d’une tolérance inégalées en Europe.


                • Fergus Fergus 21 septembre 2009 17:53

                  Salut, L’enfoiré.

                  Je crois que les Danois se posent tout simplement beaucoup moins de questions que nous. Et la culture d’humilité qui caractérise leur peuple les conduit à accepter comme des cadeaux tous les plaisirs que la vie peut leur apporter là où nous avons toujours tendance à être insatisfaits.

                  Cela dit, en écrivant cela, j’ai l’impression de tomber dans le plus banal cliché. D’où l’utilité de préciser qu’il existe aussi des Danois frustrés ou pinailleurs qui mériteraient d’être Français. Ou Belges, peut-être...

                  Bonne journée.


                  • Fergus Fergus 21 septembre 2009 22:20

                    Merci pour ces liens, Lech.

                    Cela dit, je me méfie un peu de ces classements qui peuvent varier de manière importante en fonction des critères retenus.

                    Mais ils semblent être confirmés par le ressenti des Danois eux-mêmes si l’on en croit les enquêtes régulières sur le sujet qui les placent systématiquement loin devant les Français.


                  • Yannick Harrel Yannick Harrel 21 septembre 2009 18:54

                    Bonjour Fergus,

                    Intéressant lorsque vous évoquez les møde car je viens de terminer une étude portant sur les vikings, les ancêtres de nos amis scandinaves contemporains. Cette habitude de former des assemblées populaires découle d’une tradition ancrée depuis plus de mille ans chez nos amis du nord sous la dénomination de thing.

                    Merci pour cet article particulièrement instructif.

                    Cordialement


                    • Fergus Fergus 21 septembre 2009 19:39

                      Bonsoir et merci à vous, Yannick, pour ce lien très intéressant sur les « thing » qui fonctionnaient effectivement sur un modèle apparenté aux « møder ».

                      De manière générale, les latins parfois un peu suffisants que nous sommes gagneraient à mieux connaître l’histoire de ces peuples.

                      Cordiales salutations à vous également.


                    • brieli67 21 septembre 2009 19:22

                      La Belle Fauconnière 


                      Fergus, vu que peu de lecteurs vont revenir à ton article rapaces
                      je me permets de lâcher ici sur ce fil

                      un site français et alsacien http://frenchfalconfarm.com/index_french.html

                      un site en contruction sur les camp d’entrainements http://www.shema.ae/FR/realisations.php
                      et au Maroc on s’entraîne avec l’Outarde élevée http://www.faucon-maroc.com/spip.php?article3

                      et quelle enquête !!

                      Volerie des Aigles et Montagnes des singes... C’est Gilbert de Turckheim président de la FACE 
                      L’élevage intensif de grand gibier bénéficiant d’un statut particulier de Droit Local , voir sous la rubrique chasse
                      nous donne des dégâts collatéraux

                      Gilbert s’exprime ici 

                      mais mais le plus grand producteur de carne sauvage

                      allez voir leurs ragots http://www.capserveur.com/ancgg/AD67/

                      Quelle hypocrisie ! Leurs DVD sur les cerfs 

                      et les biches.....

                      Ah oui pour le lien entre fauconnerie piègeurs et Grand Gibier .... cherchez du côté des sponsors

                      • Fergus Fergus 22 septembre 2009 10:32

                        Bien qu’ils soient hors sujet, merci pour ces nouveaux liens, Brieli. Certains comportent de très belles images. En revanche l’enquête de Piégeurs 67 est parfaitement scandaleuse.


                      • jesuisunhommelibre jesuisunhommelibre 22 septembre 2009 10:09

                        Un article qui justifie à lui seul l’existence d’AGV.

                        Bravo


                        • Fergus Fergus 22 septembre 2009 10:27

                          Merci à vous pour ce commentaire. Et bonne journée.


                        • groy 22 septembre 2009 14:51

                          "Il est vrai que l’histoire du squat a été marquée par de nombreux problèmes, non seulement de drogue, mais aussi de rixes et d’agressions sexuelles commises au sein de la communauté ou sur des visiteuses."

                          Ah... Y dit qu’y voit pas le rapport...
                          Dans le reste du monde ya ni viol ni baston ni drogue ?

                          Moi je pense qu’il y a plus de problèmes dans le reste du monde qu’à Christiania.
                          Donc éradiquons le reste du monde.
                          C’est plus sûr. CQFD.


                          • Fergus Fergus 22 septembre 2009 17:28

                            Bonjour, Groy.

                            Vous avez raison, les problèmes de drogue, de rixes, de viols, ne sont pas l’apanage de Christinia, personne ne prétend le contraire.

                            A ce détail près que leur nombre, rapporté à celui d’un quartier urbain de population comparable, est nettement plus élevé. Et je le regrette sincèrement car j’ai toujours soutenu cette expérience de vie communautaire.


                          • Florentin Gastard 27 septembre 2009 09:58

                            Un article qui ne montre pas la déchéance complète de cette communauté, qui s’avère plus être un squat de clochards qu’autre chose, peuplé de personnes asociables, oisives et droguées (qui peut vraiment croire qu’elles travaillent ?).
                            J’ai visité deux fois Christiania, en 2003 et 2004, et j’en ai un souvenir affligé ; j’y ai vu des enfants, à peine habillés et déjà drogués, jouant avec des brouettes sans roues.

                            L’article n’insiste pas non plus sur l’omniprésence des gros chiens, jamais tenus en laisse et toujours menaçants.
                            Enfin, il est tout à fait inadmissible de joindre des photographies, quand on sait qu’il est interdit d’en prendre là-bas.


                            • Fergus Fergus 27 septembre 2009 11:58

                              Le fait est et je l’ai reconnu dans l’article et les commentaires que la situation s’est dégradée au fil du temps à Christinia. D’où les vélleités de reprise en main par le gouvernement danois. Et vous avez raison pour les gros chiens, mais ils sont loin d’être aussi menaçants que vous le dites. Quant aux enfants, ils ne sont pas tous aussi mal tenus que vous l’affirmez. Certains commentaires de visiteurs récents sont à cet égard en décalage avec votre constat. En résumé, situation dégradée, oui ; situation catastrophique, non.

                              Pour ce qui est des photos,elles sont disponibles sur divers sites du net, et les Christianites n’y sont pas totalement opposés, ils veulent seulement ne pas être mitraillés comme des animaux de zoo, mais ils savent également que leur survie passe de plus en plus par leur « statut » de 2e attraction nationale après Tivoli. Il faut donc savoir ce que l’on veut...


                            • remiaufrere remiaufrere 27 septembre 2009 21:19

                              Il y a quelques années, j’ai eu l’occasion de visiter ce site.
                              C’est effectivement assez intéressant et digne d’être respecté malgré certaines « libéralités » (notamment au niveau de la permissivité des drogues « douces »).
                              Mais l’expérience mérite largement d’être préservée !

                              R.AUFRERE


                              • Fergus Fergus 27 septembre 2009 23:53

                                Merci, Remiaufrere, pour ce commentaire qui partage l’avis généralement exprimé sur ce site. Quant aux drogues douces, comme je l’ai indiqué, leur vente a été fortement remise en question en 2005 avec la disparition des stands. Elles continuent cependant de circuler, mais dans des proportions moindres et de manière plus occulte. L’année 2005 aura été, de ce fait notamment, un tournant important dans le vie de Christiania. Pas sûr pour autant que la pérennité de l’expérience soit assurée, et c’est bien dommage ! 


                              • sheeldon 28 septembre 2009 09:23

                                bonjour

                                très bon article merci .

                                ça me rappelle des souvenirs ;o)

                                cordialement

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