Pour la mort du fait-divers !
La semaine dernière on m'a fait part de l'existence de ceci :
Voici donc une magnifique perle circulant sur Facebook et soutenue par quelques 150 000 personnes, histoire de signer une petite « pétition entre amis » (nom de l'application hébergeant ladite « pétition »). Passons rapidement sur l'incommensurable bêtise et contradiction de l'intitulé de cette application, connotant qu'une pétition est un loisir, une détente, entres potes privilégiés et abonnés à la connerie, alors que la base même d'une pétition est vouée à la diffusion, au partage, et surtout empreinte d'engagements, de révolte. Là n'est pas réellement le problème, non. Le pire est dans ce dont témoigne une telle pétition, excellent outil de recensement des beauf's abreuvés de faits divers et nourris de sagas judiciaires pour prolétaires téléphiliques !
Loin devant la rubrique nécrologique, le fait-divers est la catégorie pseudo-journalistique la plus inutile et malsaine au monde. Bien conscients qu'il constitue leur dernier atout vendeur, les torchons aiment à suivre au jour le jour les grandes affaires de meurtres ou de viol. Car pour le lecteur ou le téléspectateur, ces sujets sont sa dose de fiction quotidienne, sa catharsis servie toute chaude sur RTL au réveil. Les journalistes l'ont compris, jouant surtout sur l'identification, en interviewant les proches, faisant durer les scènes d'angoisse et les plans caméras sur des étangs marécageux un soir de brouillard, lieu présumé du crime-sanglant-odieux-du-tueur-sans-pitié-et-si-c'était-votre-fille-c'est-arrivé-près-de-chez-vous-ma-bonne-dame. Toujours pas convaincus ? Comparez simplement le pourcentage réalité/reconstitution avec acteurs dans Détective Magazine ou chez Christophe Hondelatte.
Évidemment, le fait-divers existe depuis l'aube de la presse. Aux côtés de la météo, il alimente les discussions quotidiennes. Mais a-t-il une réelle utilité ? Quasiment toujours récupéré politiquement, il permet de justifier les programmes sécuritaires, les budgets de la police ou de la Justice. Néanmoins, sous sa forme actuelle, il n'en appelle qu'aux pulsions primaires du citoyen de classe moyenne, au point que malheureusement il en revienne à des considérations aussi inhumaines que les crimes qu'ils dénoncent : la peine de mort, solution ultime pour le beauf', oubliant ainsi toute notion de justice qu'il prétend prôner de façon si primaire. Et si c'était aussi une marque de d'auto-culpabilisation, une sorte de dédouanement de son immobilisme par un clic de pseudo indignation à la mode ? Je suis peut-être trop cynique. Non pas que la compassion soit malsaine, entendons-nous bien, elle est innée et salutaire. Mais son instrumentalisation et les pulsions de fausse justice populaire, de soif de vengeance irréfléchies qu'elle entraîne sont déplorables.
Boarf, depuis la semaine dernière le groupe à été supprimé, car « il ne respectait pas les règles de Facebook ». Tout est bien qui finit bien, on peut désormais cliquer en soutien à des pétitions plus intemporelles, rédigés dans la langue de Molière :
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