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Tous traumatisés ? Comment sortir du piège de l’emprise psychologique

« Tant que l'on n’aura pas diffusé très largement à travers les hommes de cette Planète, la façon dont fonctionne leur cerveau, la façon dont ils l'utilisent, tant que l'on n'aura pas dit, que jusqu'ici cela a toujours été pour dominer l'Autre ; il y a peu de chance qu'il y ait quelque chose qui change ! » Henri LABORIT, extrait du film d’Alain RENAIS Mon oncle d’Amérique (1980).

La problématique du maintien des foules, ou de tout individu, sous emprise psychologique est posée en quelques mots dans cet extrait qui traduit bien l’envie irrépressible de domination sur autrui qu’éprouvent certains êtres humains. Ce besoin a sa source très documentée dans l’immense littérature qui lui est consacrée puisqu’elle est d’origine traumatique. Or, un traumatisme non assimilé génère une perte de contrôle de soi. Dès lors, il y a tout lieu de penser qu’exercer un pouvoir sur autrui manifeste une absence de pouvoir sur soi. Pouvoir illusoire s’il en est mais au combien nocif pour l’entourage.

Lors de précédents articles, j’ai pu aborder la complexité de la relation d’emprise (cf. Comprendre l’emprise : la relation en-pire), la façon dont elle s’immisce dans nos pensées par le biais d’injonctions paradoxales non démasquées (cf. Le ‘pouvoir’, les ‘crises’, la communication paradoxale et « l’effort pour rendre l’autre fou »), sa parole spécifique basée sur une communication déviante – paradoxale ou perverse – (cf. La « novlangue » des psychopathes) et son impact sur notre santé mentale (cf. Perversion narcissique et traumatisme psychique : l’approche biologisante). Mais si chacune de ces notes est indispensable à la compréhension du phénomène d’aliénation induit par l’emprise psychologique, aucune ne dévoile explicitement de méthode pour s’en libérer bien que cette dernière soit implicitement contenue en germe dans la citation d’Henri LABORIT : s’informer. Toutefois, tenter d’apprendre et de comprendre comment fonctionne notre cerveau et comment nous l’utilisons est antinomique à la paresse intellectuelle dans laquelle nous baignons habituellement.

Cet exposé à donc pour but d’envisager certains moyens dont nous disposons pour nous dégager d’une relation d’emprise (« véritable main basse sur l’esprit » selon le psychanalyste Saverio TOMASELLA[1]), et des efforts à produire pour atteindre un tel but, tant d’un point de vue individuel que sociétal.

« Rien n’est gratuit en ce bas monde. Tout s’expie, le bien comme le mal se paie tôt ou tard. Le bien c’est beaucoup plus cher forcément » (Louis-Ferdinand CÉLINE).

Les lecteurs qui auront eu la patience de lire mes précédents billets connaissent déjà l’aspect graduel (fréquence, intensité et durée) du concept de perversion narcissique qui permet de comprendre comment l’emprise se développe à différents niveaux (famille, groupe, institution ou état). La difficulté d’appréhension de ce phénomène réside dans le fait qu’il revêt des formes de plus en plus diffuses au fur et à mesure des différents stades d’organisations interindividuels (des groupes restreints aux réseaux plus importants) où nous le rencontrons.

Ainsi, pour répondre à la question soulevée par le titre de cette note (Tous traumatisés ?), étant donné qu’une emprise telle que définie dans les articles référencés ci-dessus induit une empreinte (ou une ‘marque’), conséquence d’une action d’appropriation par dépossession de l’autre et d’une domination, nous pouvons convenir qu’à un degré ou un autre nous sommes tous ‘traumatisés’ sans que toutefois nous puissions tous être inclus dans la nosographie des personnes atteintes d’un traumatisme psychique* tel qu’il est défini en psychotraumatologie (l’astérisque * renvoie au glossaire en fin d’article).

Cette situation paradoxale mérite d’être éclaircie en commençant d’abord par quelques rappels historiques.

Nous connaissons le destin qu’a connu Sigmund FREUD et sa théorie des traumatismes liée au sexe qui devait probablement faire écho à une forme d’inconscient collectif désireux de s’émanciper des normes sociales contraignantes qui régnaient alors à l’époque en matière de sexualité. Dans cette optique, la psychanalyse n’est pas étrangère à cette libération des mœurs, mais les travaux psychanalytiques se sont développés, notamment en France, au détriment d’autres approches passées sous silence jusqu’à très récemment. Tel est le cas des recherches de Pierre JANET (1859-1947), également élève de Jean-Martin CHARCOT (1825-1893) à l’Hôpital Salpêtrière, tout comme le fut FREUD[2].

Aujourd’hui, les théories de Pierre JANET font actuellement un retour remarqué au travers des recherches en victimologie effectuées dans plusieurs pays et notamment au Japon, en Allemagne, au Canada, en Hollande, en Russie, aux USA, etc.[3] Autant de nations qui témoignent désormais une avance considérable sur la France, pourtant leader mondial à son époque (avant et après guerre 1914-18), dans le traitement et la prise en charge des traumatismes psychiques et des ESPT (État de Stress Post Traumatique, cf. Perversion narcissique et traumatisme psychique : l’approche biologisante).

Curieuse ironie du sort qui ne manque pas de ‘sel’ lorsque l’on connaît la véritable situation des victimes dans notre pays, confirmant de facto la place qu’y occupent encore les recherches de Pierre JANET au sein des institutions médicales françaises et pour qui s’applique une fois de plus la célèbre maxime : « nul n’est prophète en son pays ». Cependant, sous l’impulsion de quelques chercheurs émérites en victimologie, en psychologie cognitive et affective ou en psychotraumatologie (Louis CROCQ, Gérard LOPEZ, François LEBIGOT, Philippe BESSOLES, Robert CARIO, Alain BERTHOZ, Jean DECETY, etc., et bien d’autres encore) et surtout d’auteurs étrangers (comme nous allons le découvrir), l’approche de Pierre JANET sort peu à peu, mais à grand-peine, de l’anonymat dans lequel la psychiatrie l’a plongé durant près d’un siècle dans son propre pays d’origine.

Cette ‘renaissance’, bien qu’encore timide, n’est pas due au fruit du ‘hasard’ ou au courage de quelques « irréductibles Gaulois », car si cette école se développe actuellement en France, comme un juste retour à ses racines, c’est avant tout parce qu’elle rencontre un large succès auprès des victimes elles-mêmes qui retrouvent les moyens de faire face aux aléas de la vie quotidienne avec plus de réussite que ne le permettent des pratiques ‘classiques’, et ce grâce aux nouvelles thérapies développées sur la base de la compréhension de l’humain que nous ont inculquée les travaux de Pierre JANET .

Qu’en est-il donc aujourd’hui des traumatismes et de leur traitement du point de vue de la clinique janétienne ?

Nous nous intéresserons avant tout ici à la thérapeutique des traumatismes complexes qui concerne plus particulièrement la relation d’emprise. Les principes généraux qui s’en dégagent sont universels, c’est-à-dire qu’ils sont applicables dans toutes les situations d’emprise psychique que celle-ci soit exercée par un tyran domestique ou un despote.

 

Précisions sur le traumatisme psychique :

Il se produit un traumatisme lorsque la chaine des signifiants est rompue et que l’information de l’évènement traumatique vécu n’est pas correctement intégrée* (cf. glossaire * capacité d’intégration ou intégration) dans notre psyché, car les expériences traumatisantes que nous vivons doivent être assimilées pour pouvoir mener une existence épanouie sans faux-semblant.

Même si tout au long de notre vie nous sommes tous exposés à divers traumatismes (séparation, perte d’emploi, décès d’un proche, accidents, etc., cf. l’échelle d’évaluation du stress pour une recension à peu près complète des événements traumatiques pouvant potentiellement induire un état de stress chronique), nous n’en ressortons pas tous traumatisés au point d’être stressé (névrosé) ou de développer un trouble ou une maladie mentale. La plupart du temps nos capacités de résilience nous permettent de retrouver une vie normale après une période plus ou moins prolongée de deuil.

Ce travail de deuil « admet que certaines tâches psychiques incombent au moi de chacun au cours de son développement tout comme au cours de sa vie »[4]. C’est lorsque ce travail du moi est rejeté que « l’esprit humain est capable de développer de puissants mécanismes de défense comme le déni et le clivage qui aboutissent au fait qu’un sujet peut être radicalement coupé de tout un pan de ce qu’il éprouve tant sur le plan affectif que corporel. C’est ainsi que les enjeux affectifs de certains évènements de l’existence peuvent passer totalement inaperçus »[5].

Or, nous ne sommes pas tous armés pareillement pour effectuer ce travail de deuil. Essentiellement en raison des expériences précoces vécues par tout un chacun et de l’éducation reçue qui ont modelé notre cerveau, car tout est épigénétique. Certains d’entre nous disposent de ressources que d’autres n’ont pas. Notamment « chez le jeune enfant, la personnalité est relativement peu intégrée et les structures intégratives du cerveau sont encore immatures. La qualité des premières années de la vie, et en particulier la sécurité de l’attachement, joue un rôle déterminant dans l’établissement des soubassements d’une organisation de la personnalité qui sera cohérente quels que soient les contextes, comme les systèmes d’actions, les lieux, les moments, le sentiment de soi »[6].

Ainsi, il existe un lien de causes à effets entre la gravité du traumatisme et les maltraitances, les négligences, les relations d’attachement non sécurisées, etc., qui font que « la traumatisation infantile joue donc un rôle central dans le développement de troubles d’origine traumatique chez l’enfant et l’adulte »[7]. Ce qui signifie que les traumatismes précoces sont un facteur causal majeur dans le risque d’apparition de symptômes plus graves et durables à l’âge adulte.

À noter que c’est dans le rejet du travail de deuil et de son expulsion que viendra se loger l’aménagement défensif d’une perversion narcissique, car « un travail du moi ne se perd jamais : aucun travail psychique ne se perd s’il est de quelques importances. Ce qui n’est pas accompli par l’un devra quand même être fait. Il le sera par d’autres. Il sera donc transporté. Mais non sans avoir été dégradé en chemin »[8]. Ainsi, comme nous l’avons déjà entrevu dans un précédent article (cf. Perversion narcissique et traumatisme psychique : l’approche biologisante), la perversion narcissique est bien d’origine traumatique.

Par ailleurs, il est un détail essentiel à savoir au sujet des traumatismes : c’est qu’ils sont contagieux. Saverio TOMASELLA écrit même que « la propagation du trauma est caractéristique de ce que la répétition des empreintes traumatiques, leur mise en scène récurrente dans la réalité, entraîne tout sur son passage comme une lame de fond »[9]. Et Florence CALICIS, dans son excellent article sur La transmission transgénérationnelle des traumatismes et des souffrances non dîtes, nous explique également que « l’on peut avoir hérité des traumatismes de ses ancêtres, sans en être conscient » (ce qui, soit dit en passant, est le mode de diffusion de la perversion narcissique que Paul-Claude RACAMIER, l’inventeur du concept, Maurice HURNI et Giovanna STOLL, auteurs de deux ouvrages de référence sur le sujet – La haine de l’amour : la perversion du lien et Saccages psychiques au quotidien : perversion narcissique dans les familles –, attribuent aux horreurs du nazisme et de la Seconde Guerre mondiale).

D’après les auteurs du livre de référence pour la prise en charge des traumatismes psychiques Le soi hanté : Dissociation structurelle et traitement de la traumatisation chronique, la dissociation structurelle de la personnalité* est la clé de la compréhension de la traumatisation (cf. infra et glossaire). Il existe donc une étroite corrélation entre la gravité du traumatisme et l’importance de la dissociation.

 

La dissociation structurelle de la personnalité :

Tout d’abord, il faut savoir que ce concept ne s’est pas imposé comme une évidence au regard des chercheurs qui l’ont développé, mais qu’il est le fruit d’une longue et patiente recherche synthétisant les apports de nombreuses théories psychologiques sur les 65 dernières années tels que les théories de l’apprentissage, des systèmes, la théorie cognitive, la théorie affective, la théorie de l’attachement, la théorie psychodynamique, la théorie des relations d’objet et les récentes recherches sur les émotions en neurosciences et les études psychobiologiques sur le traumatisme. Ainsi donc, le diagnostic posé de dissociation structurelle de la personnalité est le fruit d’une approche pluridisciplinaire et d’une pratique répondant de plus près aux besoins bio-psycho-sociaux de l’être humain.

Au regard de cette discipline, la psychotraumatologie, la personnalité est une structure constituée de différents systèmes et sous-systèmes auxquels correspondent divers types d’actions : « un système est un assemblage d’éléments reliés formant un tout, de sorte que chacun des éléments soit d’une façon ou d’une autre une partie de ce tout : chaque élément est considéré comme relié à d’autres éléments, ou à la totalité du système. En tant que système, la personnalité peut-être vue comme constituée de divers états ou sous-systèmes psychobiologiques qui fonctionnent de manière cohérente et coordonnée. »[10]

La dissociation structurelle de la personnalité est présente lorsque les deux systèmes prototypiques de la pensée (ou leurs sous-systèmes), qui en psychotraumatologie sont représentés par la PE* (partie émotionnelle) et la PAN* (partie apparemment normale) de la personnalité, ne fonctionnent plus de manière cohérente et coordonnée, autrement dit, sont dissociés.

Les troubles dissociatifs peuvent être très graves et invalidants. La dissociation est également utilisée dans la « stratégie du choc »[11] comme outil de contrôle des foules (cf. Le ‘pouvoir’, les ‘crises’, la communication paradoxale et « l’effort pour rendre l’autre fou »). Elle se manifeste essentiellement par des attitudes paradoxales entre le plan verbal et le plan comportemental qu’adopte un individu face à une situation donnée. Plus précisément, lors d’un épisode dissociatif de la personnalité, des « contradictions entre les objectifs de la vie quotidienne et les objectifs de défense peuvent mener au même moment à des actions contradictoires et concurrentes de la part de la PE et de la PAN »[12].

Les rescapés de traumatisme, « en tant que PAN, s’efforcent de poursuivre une vie normale, et sont donc guidés par les systèmes d’action de la vie quotidienne (par exemple, exploration, sollicitude, attachement), tout en cherchant à éviter les souvenirs traumatiques. En tant que PE, en revanche, ils sont bloqués dans le système d’action (défense, sexualité…) ou les sous-systèmes d’action (hypervigilance, agression, fuite, etc.) qui avait été activés au moment de la traumatisation. »[13]

En outre, cette dissociation structurelle entre PAN et PE « peut aller de divisions très simples à des divisions extrêmement complexes de la personnalité, et ce niveau de complexité n’est pas sans conséquence pour le traitement »[14].

Pour différencier la gravité de la traumatisation, les auteurs font référence à une dissociation structurelle primaire, secondaire ou tertiaire. Dans la première, la forme la plus simple de division traumatique, la personnalité ne comprend qu’une seule PAN et une seule PE ; la seconde est marquée par une division de la personnalité en plusieurs PE et une seule PAN ; et enfin la troisième concerne les cas les plus complexes de divisions en plusieurs PE et au moins deux PAN. De fait, « plus la dissociation est étendue, plus complexe est le trouble »[15].

Cette distinction entre PE et PAN, attribuée aux travaux de Charles Samuel MYERS (1873-1946), s’inscrit dans un courant de pensée qui trouve son origine dans les théories de Pierre JANET cité ci-dessus et s’oppose aux analyses freudiennes sur la question de la place que la psychanalyse accorde à la sexualité comme facteur causal les troubles psychologiques ou autres maladies mentales.

En aparté : je tiens à préciser qu’il ne m’appartient pas ici de faire un procès à la psychanalyse, d’autant que la polémique qui s’en suivrait éluderait, à n’en pas douter, les différents et nombreux courants de pensée psychanalytique (par ex. : les psychanalystes formés aux thérapies familiales psychanalytiques telles qu’initiées par la topique interactives – intra- et interpsychique – de Paul-Claude RACAMIER sont tout à fait aptes à prendre en charge une victime de traumatisme complexe comme dans le cas d’une emprise psychologique ; alors que d’autres psychanalystes, plus ‘puristes’, uniquement portés sur l’intrapsychique et n’intégrant pas la dimension intentionnelle des traumatismes complexes, n’appliqueront que la méthode classique, ‘toxique’ pour ce type de victime).

Par ailleurs, il faut reconnaître que c’est à la psychanalyse à qui l’on doit les descriptions les plus fouillées des ‘forces’ en présence dans une relation d’emprise et même si ces dernières restent encore à approfondir sur certains points, c’est toutefois cette discipline qui a le mieux étudié le phénomène, mais paradoxalement, c’est plutôt les thérapies d’influence janétienne qui apportent des solutions pratiques aux personnes souffrant de traumatismes psychiques (simple ou complexe). Ainsi, la psychologie cognitive (d’influence béhavioriste) et la psychanalyse ne s’opposent pas comme a eu tendance à le faire Le livre noir de la psychanalyse, rédigé suite au retrait du rapport de l’INSERM publié en 2004 sur l’évaluation des psychothérapies (cf. la conclusion infra et pour infos, lire à ce propos la revue de presse de l’AAPEL). Ce que ne précise pas ce rapport, c’est que, justement, ces deux disciplines se complètent plutôt bien lorsqu’il s’agit de prendre en charge des victimes de traumatismes complexes comme nous allons le voir dans la suite de ces écrits : la première pour une réduction des phobies* dont souffrent les traumatisés chroniques, et la seconde pour les aider à comprendre les processus en œuvre dans ces situations. Compréhension indispensable à la prévention de la ‘récidive’, car « ce qui est demeuré incompris fait retour ; telle une âme en peine, il n’a pas de repos jusqu’à ce que soient trouvées résolution et délivrance ».[16]

Toutefois, « la façon d'aborder et de traiter une victime d'agression unique est très différente de celle d'une victime qui a subi des événements traumatiques anciens et répétés »[17]. Les traumatismes complexes, « très fréquents, entrainent des troubles de la régulation des affects, mais aussi des effractions narcissiques et des troubles identitaires qui affectent profondément la personnalité des sujets victimes »[18] (lire à ce propos l’article La fabrique des imposteurs : si le pervers narcissique m’était ‘compté’ ou comment l’idéologie néolibérale influence nos personnalités). Selon l’Institut de Victimologie de Paris (l’un des rares en France spécialisé dans ce genre de trouble), les traumatismes chroniques sont infiniment plus fréquents que les traumatismes simples et uniques (ESPT de type I) et passent souvent inaperçus.

La symptomatologique des traumatisés chroniques est extrêmement complexe et présente parfois une grave comorbidité. « Ils peuvent remplir les critères de nombreuses catégories diagnostiques, ce qui rend à peu près impossible une explication de leur large psychopathologie »[19].

Nous comprenons mieux dès lors pourquoi « les traumatisés chroniques sont pris dans un terrible dilemme. Il leur manque la capacité intégrative et les aptitudes mentales nécessaires à la prise de conscience complète de l’horreur de leurs vécus et de leurs souvenirs »[20] (cf. la notion de ‘décervelage’ : Pervers narcissiques : Les personnes les plus intelligentes sont les plus exposées).

 

Les phases de résilience suite à un traumatisme complexe :

Ce qui surprend le plus dans la traumatisation chronique, c’est l’incapacité des victimes qui en souffrent à prendre conscience de leur état dysfonctionnel et potentiellement ‘handicapant’[21]. Cette incapacité est certes liée aux barrières défensives que le traumatisé chronique érige afin de protéger son Moi des agressions externes, mais le principal obstacle à franchir pour que cette prise de conscience opère réside dans le fait qu’un tel acte met à mal les fondations du Moi que sont l’estime de soi et la confiance en soi, toutes deux érigées tant bien que mal malgré « la traversée des tempêtes »[22], et remet en cause les années de travail investies dans leur lente maturation.

Ces assises sont les premières cibles des attaques narcissiques perpétrées lors de conflits interindividuels motivés par le besoin (ou l’envie) de dominer autrui. Autrement dit, l’emprise que certains souhaitent exercer sur quelqu’un pour mieux le contrôler sape les fondations du Moi de la personne cible et affecte le peu d’estime de soi et la confiance en soi qui lui reste. Or, pour se dégager d’une telle emprise, il faut commencer par accepter le fait de se ‘perdre’ totalement pour pouvoir se reconstruire sur de nouvelles bases, plus saines que celles sur lesquelles la traumatisation chronique s’est développée. Ce qui place bien entendu le traumatisé chronique (et de son point de vue) face à une double contrainte insoluble (cf. Le ‘pouvoir’, les ‘crises’, la communication paradoxale et « l’effort pour rendre l’autre fou »).

Cette double contrainte ne s’impose pas aux seuls ‘survivants’ de traumatisation chronique, comme les désignent Onno VAN DER HART et ses collègues dans leur livre Le soi Hanté, mais également aux thérapeutes qui les prennent en charge, d’où vraisemblablement les nombreux échecs constatés avec ce type de patients.

Bien que la prise en charge des personnes dissociées soit fonction de la gravité de leur traumatisme, le principe thérapeutique qui s’en dégage reste applicable selon une même méthodologie par phases, seules les différentes techniques employées permettront une réadaptation des traumatisés à une vie normale selon une échelle de temps variable.

Ainsi, le traitement de la traumatisation chronique est, selon cette approche, constitué de trois phases spécifiques, interdépendantes et évolutives dont l’ordre à respecter tient compte du niveau mental* des patients et de leurs capacités d’intégration* du ou des traumatismes subits.

La phase 1, dite de stabilisation et de réduction des symptômes, comprend une psychoéducation visant à diminuer graduellement les phobies* dont souffrent les patients. Elle consiste en une recherche de stabilité dans la vie « réelle » au niveau des relations sociales et intimes du sujet, et leur offre de travailler sur leurs PAN et PE selon le principe des 5 « C » : connaissance, compréhension de leur rôle, communication, coconscience et coopération. Elle fait principalement appel à des techniques issues des TCC (Thérapies Comportementales et Cognitives) ou à l’hypnose clinique (facultative à ce stade), etc. Cette phase a pour but de permettre aux patients d’atteindre un niveau suffisant d’énergie et d’efficacité mentale (cf. glossaire : * capacité d’intégration ou intégration) en leur donnant les moyens de contrer les effets délétères du ‘décervelage’ ou « meurtre psychique » (cf. Perversion narcissique et traumatisme psychique – L’approche biologisante). Cet objectif est une condition préalable indispensable avant le début de la phase 2, car « c’est uniquement lorsque les phobies, qui entravent la sécurité ou l’avancement thérapeutique, ont été réduites dans la(les) PAN de manière significative, que l’on peut envisager de travailler sur la phobie des souvenirs traumatiques dans la deuxième phase »[23].

Il est extrêmement important de souligner que la plupart des échecs thérapeutiques concernent surtout des personnes souffrant de traumatismes complexes non diagnostiqués et dont les prises en charge négligent totalement le travail préparatoire à mettre en place lors de cette première phase (cf. Les contres indications pour le traitement dans la phase 2 dans l’article d’Onno VAN DER HART & al.).

Par ailleurs, sur le plan biologique, nous avons vu dans l’article intitulé Perversion narcissique et traumatisme psychique – L’approche biologisante que lors d’un traumatisme complexe, une mémoire traumatique était activée. Les mécanismes à l'origine de la mémoire traumatique sont d’ordre psychologique et neurobiologique. Ces derniers sont liés à la surproduction de drogues dures endogènes (les hormones du stress) que le corps humain sécrète lorsqu’il affronte une situation de danger, mais lorsque cette situation perdure dans le temps, comme dans le cas d’un traumatisme chronique, l’excès de production de ces hormones entraine une véritable addiction qu’il conviendra de traiter avant toute autre chose par un sevrage adaptée[24], car comme l’indique les auteurs de l’ouvrage Le soi hanté : « La contention des souvenirs traumatiques est d’une importance capitale » (p. 35).

Il résulte de tout ceci que tout travail introspectif est à ce stade proscrit.

La phase 2 correspond au traitement proprement dit des souvenirs traumatiques. C’est au cours de cette phase que « les éléments principaux de l’expérience traumatique sont synthétisés, c’est-à-dire échangés entre la PAN et la PE, et transformés en récit symbolique et verbal (narratif) »[25]. Ce qui entrainera l’intégration du traumatisme dans la personnalité avec pour conséquence une résorption des symptômes de dissociation et une élévation de l’énergie et de l’efficacité mentales du sujet.

Autrement dit, c’est la phase « d’abréaction contrôlée » (ou de synthèse guidée*) par laquelle une quantité d’affects (PE) liés au souvenir de l’évènement traumatique, qui « n’a pu être évacuée par les voies normales physiques ou organiques et s’est trouvée coincée et détournée dans le somatique »[26], se libère en émergeant à la conscience (PAN) annulant ainsi les effets pathogènes du traumatisme. Mais « comme le groupe de patients dissociatifs est très hétérogène, la manière dont ces objectifs seront atteints, ainsi que les techniques qui seront utilisées, peuvent considérablement varier d’un patient à l’autre, car des interventions utiles pour un patient peuvent s’avérer catastrophiques pour un autre »[27]. Les techniques employées durant cette phase nécessitent donc une très grande flexibilité de la part du thérapeute qui dans son travail sur les souvenirs traumatiques et lors de cette phase, peut tout aussi bien faire appel aux techniques psychanalytiques (psychodynamiques), qu’aux TCC ainsi qu’à des méthodes telles que l’EMDR ou l’EFT (pour aller plus loin concernant spécifiquement cette phase, lire l’article d’Onno VAN DER HART & al., Souvenirs traumatiques : leur traitement selon le modèle de la dissociation structurelle de la personnalité).

Mais pour que l’intégration* soit complète, la synthèse* ne suffit pas. « Pour que le souvenir traumatique devienne un souvenir autobiographique narratif complet (i.e. intégré), il doit être réalisé […]. La réalisation* comprend deux sous-parties d’actions mentales différentes : ‘la personnification’ et la ‘présentification’. La personnification consiste à s’approprier sa propre expérience. La présentation décrit le processus de se sentir consciemment dans le présent, de relier cet état de conscience à la perception de son propre passé et futur afin d’arriver à des actions appropriées dans le présent. Pour cette raison, le patient devrait être conscient du présent lorsqu’il parle du trauma. Une finalisation réussie de chacune de ces actions mentales est vraiment nécessaire pour résoudre la dissociation structurelle ; si ceci échoue, la dissociation structurelle se maintiendra »[28].

Cette phase, comme précisé plus haut, est donc directement tributaire du niveau mental* que le patient aura atteint à l’issu de la phase 1 ET de la polyvalence (flexibilité) du thérapeute ou de l’équipe thérapeutique le prenant en charge. Cela relativise et présente sous un nouveau jour les échecs des thérapies bien souvent attribués à tort aux patients par les praticiens qui assurent leur prise en charge.

La phase 3 est celle de la (ré)intégration de la personnalité et de la réhabilitation du sujet à une vie normale qui passe par une réalisation complète des pertes encourues. C’est une phase d’apprentissage du travail de deuil, comme cela se déroule dans la plupart des thérapies ‘normales’, mais qui ne peut pas être entreprise sans une préparation minutieuse et graduelle. « Les patients traumatisés commencent à comprendre que la perte est une partie inévitable au trauma et que, finalement, c’est une tâche de vie que d’accueillir calmement la reviviscence du deuil avec ses hauts et ses bas »[29].

Nous aurons compris que cette approche vise à instaurer un cercle vertueux qui vient contrecarrer le les effets du (ou des) traumatisme à l’origine du cercle vicieux dans lequel la personnalité a fini par se perdre en adoptant, comme réponse au(x) traumatisme(s), une défense intéroceptive* (une défense de survivance aurait dit RACAMIER) basée sur la dissociation structurelle entre une (ou des) PAN et une (ou des) PE. Dès lors, l’objectif de la thérapie sera de réconcilier ces deux parties de la personnalité afin qu’elles œuvrent ensemble à l’équilibre mental du sujet, mais « qu’elle que soit la technique utilisée, le traitement d’une personne traumatisée psychique serait très difficile si la thérapie était perturbée par le classique processus de survictimation (ou victimation secondaire), consécutif à la maltraitance sociale qui aggrave l’état, en particulier psychologiques, des sujets traumatisés, lorsqu’ils sont confrontés à l’incompréhension de leurs proches et à l’incompétence des autorités répressives, des instances professionnelles, sociales et autres »[30].

Le processus de résilience tel qu’ici décrit à l’échelle individuelle est reproductible à l’échelle sociale et ce sont les mêmes procédés qui rentrent en ligne de compte pour sortir de l’emprise mentale à laquelle, à un degré ou un autre, nous sommes tous soumis. Toutefois, malgré l’énorme travail fournit par Onno VAN DEN HART et ses collègues pour réintroduire en Europe, et après plus d’un siècle, les découvertes fondamentales de Pierre JANET, il est vraiment regrettable de constater qu’en France, cette approche, qui bénéficie à l’étranger d’une haute reconnaissance en raison des résultats très positifs qu’elle obtient auprès des traumatisés chroniques, reste si peu connu.

 

Conclusion :

Dans l’imposant rapport d’expertise collective de l’INSERM paru en février 2004, portant sur l’évaluation de certaines méthodes thérapeutiques, et intitulé Psychothérapie, trois approches évaluées, les travaux de Pierre JANET ne sont cités que dans deux paragraphes dont voici les propos : « L’histoire de la psychothérapie a débuté par des études de cas individuels rapportées par CHARCOT, JANET, FREUD et leurs successeurs immédiats. Les études de cas ont une valeur heuristique irremplaçable. Les psychothérapies modernes doivent toutes quelque chose à “L’automatisme psychologique” de Pierre JANET (1889) et aux “Études sur l’hystérie” de FREUD et BREUER (1895) » (p. 14) ; « On peut voir également en Pierre JANET (1889) le précurseur français le plus marquant des thérapies comportementales et cognitives. Son œuvre considérable possède une influence grandissante dans le monde anglo-saxon » (p.170).

Or, il est inexact de voir en Pierre JANET le précurseur français le plus marquant des TCC puisque, comme nous l’avons vu dans cet article, la méthode janétienne de prise en charge des patients est avant tout pluridisciplinaire et nécessite une grande flexibilité du thérapeute qui peut tout autant faire appel aux TCC, qu’aux méthodes modernes issues de la pratique psychanalytique (ou même systémique pour faire référence aux trois grandes catégories de thérapies évaluées par le rapport de l’INSERM). Autrement dit, cette approche fait preuve d’une science avec conscience et ce n’est pas le praticien qui détermine le type de traitement à employer, mais l’état du patient et les objectifs à atteindre clairement définis avec lui.

Réduire les apports de Pierre JANET aux seules TCC est, à l’inverse, le propre d’une science sans conscience qui, comme chacun sait, n’est que ruine de l’âme (« Science sans conscience, n’est que ruine de l’âme », François RABELAIS).

Dans le contexte actuel, introduire une citation d’Henri LABORIT dans cet article avant tout dédié à un chercheur français internationalement reconnu, mais totalement inconnu dans son propre pays n’était pas anodin.

Tout comme pour les découvertes d’Henri LABORIT, les travaux de Pierre JANET sont ignorés des cursus universitaires français (ce qui n’est pas le cas à l’étranger).

Tout comme pour les recherches d’Henri LABORIT, ce sont avant tout des scientifiques étrangers qui poursuivent et développent les théories janétiennes avec des résultats plus que probants.

Tout comme pour Henri LABORIT, Pierre JANET a tout simplement été ‘ostracisé’.

Comment expliquer le fait qu’après avoir été le leader mondial de la recherche en science humaine, nous soyons devenus incapable de nous soustraire de la tutelle (de l’emprise ?) de pays étrangers dans de nombreux champs d’investigation, scientifiques ou autres ? Comment comprendre une telle dégénérescence ?

Ces questions ouvrent un autre débat, mais pour en revenir au domaine qui nous concerne ici, il est proprement ‘ahurissant’ (‘sidérant’) de ne pas faire bénéficier de cette connaissance aux personnes en souffrance qui en ont besoin. D’autant que cette population ne se trouve pas en pays étranger, mais bel et bien proche de chez nous : cela peut-être notre conjoint, nos enfants, nos ami(e)s, nos proches ou voisins, etc. Or, dans la mesure où il existe des solutions à la problématique des traumatismes, pourquoi dès lors ne pas tous en profiter ?

Dans la seconde édition de son ouvrage paru en 1998, Christophe DEJOURS estime entre 3 et 6 % du PIB national le coût de la souffrance en France (in Souffrance en France, la banalisation de l’injustice sociale), soit entre 80 et 160 milliards d’euros par ans. C’est en moyenne deux fois le déficit annuel de la France qui en ces temps de crise nous contraint à toujours plus d’économie et de taxes. Compte tenu des « décisions absurdes »[31] que prennent tous les gouvernements qui se succèdent, il est à croire que les plus ‘traumatisés’ d’entre nous sont nos propres dirigeants qui vouent un culte fétichique au mythe de l’homo œconomicus, avatar de l’idéologie néolibérale dominante.

 

Philippe VERGNES

 

Glossaire :

* Traumatisme psychique ou trauma :

Le traumatisme psychique résulte d’une rencontre avec le « réel » de la mort. Cela veut dire que le sujet s’est vu mort ou il a perçu ce qu’est vraiment la mort comme anéantissement, et non sous cette forme imaginaire qui caractérise le rapport des hommes à la mort. (François LEBIGOT, Le traumatisme psychique, p. 7).

 

Les notions employées par Onno VAN DER HART & al. Reprises dans cet article sont présentées selon leur ordre de présentation dans leur ouvrage Le soi hanté :

* Niveau mental :

Le niveau mental le plus élevé que peut atteindre un individu à un moment donné est appelé son niveau mental (JANET, 1903, 1928b). Ce niveau mental implique deux facteurs en relation dynamique l’un avec l’autre, l’énergie mentale (et physique) disponible et l’efficacité mentale […]. Le terme de niveau mental indique donc la capacité à mobiliser et utiliser efficacement toute l’énergie mentale disponible à un moment donné. L’efficacité mentale inclut la notion de capacité intégrative. La capacité d’intégrer ses expériences dépend pour l’essentiel de la capacité à atteindre un haut niveau mental. (p. 25)

* Capacité d’intégration ou intégration :

Dans le domaine des traumatismes, le terme d’intégration est un mot courant, qui signifie que les patients doivent assimiler leurs expériences traumatisantes (et les parties dissociatives de leur personnalité) pour pouvoir avancer dans leur vie. Mais l’intégration fait aussi partie de la vie de tous les jours, elle y est indispensable. Ce sont les actions d’intégration qui requièrent les degrés les plus élevés d’énergie et d’efficacité mentales. L’intégration est un processus adaptatif impliquant des actions mentales permanentes, qui aident à la fois à différencier et à lier les expériences, au fil du temps, au sein d’une personnalité qui est simultanément flexible et stable ; elle favorise ainsi le meilleur fonctionnement possible dans le présent. Cette capacité d’ouverture et de souplesse nous permet de changer quand c’est nécessaire, comme la capacité à rester fermé nous permet de rester stable, d’agir de la façon que nous avions prévue. Une personne saine se caractérise par sa grande capacité à intégrer expériences internes et externes. (p.27)

* La synthèse (synthèse guidée) :

Première des deux grands types d’actions mentales intégratrices, la synthèse est une action intégratrice majeure, au cours de laquelle nous lions et différencions une série d’expériences internes et externes, dans l’instant et au fil du temps. La synthèse comprend la liaison et la différenciation de perceptions sensorielles, de mouvements, de pensées, d’affects, avec un sentiment d’identité. […] En grande partie, la synthèse est automatique et a lieu hors de la conscience. Notre capacité à la synthèse fluctue avec notre niveau mental ; par exemple, chez une personne bien éveillée la synthèse sera de meilleure qualité que si elle est fatiguée. La synthèse assure l’unité normative de la conscience et de l’histoire de l’individu. Des altérations de la conscience et des symptômes dissociatifs peuvent apparaître lorsqu’elle est incomplète. (pp. 27-28)

* La réalisation :

Seconde des deux grands types d’actions mentales intégratrices, la réalisation est une action mentale intégratrice liée à la première, mais de niveau plus élevé. Elle comprend les actions mentales de la prise de conscience de la réalité telle qu’elle est, de son acceptation, puis de l’adaptation réfléchie et créative du sujet à la réalité. La réalisation inclut le degré auquel l’aboutissement d’une expérience est atteint. Elle consiste en deux actions mentales qui font sans cesse mûrir la perception que nous avons de nous-même, des autres et du monde (JANET, 1903, 1928a, 1935a). La première concerne l’intégration d’un vécu avec le sentiment explicite, personnel, qui nous appartient : « C’est à moi que c’est arrivé, et c’est moi qui en pense ceci ou cela » (personnification). La seconde consiste à être fermement ancrée dans le présent, tout en intégrant son passé, son présent et son futur. Elle se manifeste à travers l’adaptation maximale et réfléchie des actes du sujet dans le présent (présentification). (p. 28)

* Les phobies :

Traditionnellement, on a relégué les phobies dans la catégorie des troubles anxieux, et on a considéré qu’elles étaient dirigées vers des signaux externes (par exemple les araignées, les hauteurs, les microbes, la phobie sociale) et qu’elles ont une signification psychodynamique. Cependant, les phobies peuvent aussi concerner des phénomènes internes, des actions mentales comme certaines pensées, certaines émotions, des fantasmes, des sensations et des souvenirs. Les thérapeutes qui travaillent avec des individus traumatisés chroniques admettent sans difficulté que ces patients ont souvent une peur extraordinaire des actions mentales aussi bien que des stimuli externes qui leur rappellent leur vécu traumatique. (p. 30)

En fait, les survivants de traumatismes peuvent devenir anxieux et éviter n’importe quelle action mentale, comme le fait d’avoir des émotions, des sensations ou des pensées quand celles-ci sont consciemment ou inconsciemment associées au traumatisme initial. C’est ainsi que la plupart des survivants ont à quelque degré une phobie des actions mentales d’origine traumatique (que nous appelions naguère phobie des contenus mentaux […]). La phobie des ces actions mentales provient de la phobie centrale des souvenirs traumatiques et inclut la peur, le dégoût, la honte que la personne a associés aux souvenirs traumatiques. Tant que ces patients ont peur de leur vie intérieure, ils ne peuvent pas intégrer leurs expériences internes, et la dissociation structurelle se poursuit. […] Les phobies de l’attachement et de la perte de l’attachement se développent facilement parce que les individus traumatisés chroniques ont été blessés par d’autres êtres humains, particulièrement ceux qui s’occupaient d’eux. L’attachement est donc vécu comme dangereux, mais aussi, bien sûr, comme nécessaire. La phobie de l’attachement est souvent accompagnée, paradoxalement, d’une phobie tout aussi intense de la perte de l’attachement. Celle-ci se manifeste par des émotions et des comportements désespérés qui poussent l’individu à rencontrer une autre personne à tout prix. En général, ce sont des parties différentes de la personnalité qui expérimentent ces phobies opposées. Celles-ci s’appellent l’une l’autre en un cercle vicieux, où les changements perçus dans la proximité ou la distance d’une relation produisent le schème borderline bien connu « je te hais/ne me quitte pas », récemment décrit comme un attachement désorganisé/désorienté (l’attachement-D – cf. par exemple LIOTTI, 1999a). (p.31)

* La dissociation structurelle de la personnalité :

Plus précisément, la dissociation est une division « entre les systèmes d’idées et des fonctions qui, par leur synthèse, constituent la personnalité » (JANET, 1909 p. 345). Quand JANET parlait d’idées, il ne voulait pas simplement parler des pensées, mais de complexes psychobiologiques (des systèmes) comprenant des pensées, des affects, des sensations, des comportements, des souvenirs, que nous appelons actions mentales. Et il sous-entendait que ces systèmes d’idées et de fonctions ont leur propre conscience de soi, même si elle est extrêmement rudimentaire. (p. 48)

[Ndr : cette conscience de soi propre à chaque action mentale explique pourquoi les traumatisés chroniques ont parfois le sentiment d’être ‘morcelé’, d’avoir une identité ‘fracturée’, divisée en pièce d’un puzzle dont il manque des éléments, etc., bref dissociée].

* Partie apparemment normale (PAN) et partie émotionnelle (PE) de la personnalité :

Ces parties de la personnalité ont été reconnues par beaucoup d’auteurs, qui ont utilisé un grand nombre de terminologies différentes pour en parler (par exemple BREWIN, 2003 ; FIGLEY 1978 ; HOWELL, 2005 ; KLUFT, 1984 ; LAUFER, 1988 ; PUTNAM, 1989 ; TAUBER, 1996 ; WANG, WILSON et MASON, 1996). Par exemple, FIGLEY et d’autres opposent le « mode survivant » dissociatif (c’est-à-dire la PE), dans lequel l’individu traumatisé est piégé dans des souvenirs traumatiques, et un mode de « fonctionnement de la personnalité normale » (c’est-à-dire la PAN). S’agissant des vétérans traumatisés de la guerre du Vietnam, LAUFER (1988) parle d’un « self de guerre » et d’un « self adapté ». Et chez les survivants qui ont vécu, enfants, l’Holocauste, TAUBER (1996) distingue « la composante enfant [ou le self enfant] » de la « composante [ou du self] adulte chronologiquement approprié(e) ». […] En tant que PAN, le survivant assure en général les tâches de la vie quotidienne comme la reproduction, l’attachement, la sollicitude et autres tendances à l’action sociales, et l’évitement des souvenirs traumatiques, qui l’encourage à se centrer sur les problèmes de la vie quotidienne. Au contraire, en tant que PE, le survivant montre des réactions défensives et émotionnelles d’ordre évolutionnaire à la menace (perçue) à laquelle il semble fixé. (pp. 50-51)

* Les défenses intéroceptives :

Ces défenses sont la manifestation de la phobie des actions mentales. […] On les appelle mécanisme de défense psychologique dans la littérature psychodynamique ; ce sont le clivage, le narcissisme, la projection… Non seulement elles protègent l’individu contre ses propres émotions, ses pensées et ses fantasmes intolérables, mais elles servent aussi de défense sociale contre les ruptures d’attachement et la perte imaginée du statut social. (p. 58)


[2] Pour connaître plus en détail les divergences de ces deux écoles, lire l’article de Lucien Samir OULAHBIB, La psychopathologie de Pierre Janet : redécouverte d'une clinique de l'action, Incursions – La lettre de l'AFFRESS, n°3, janvier 2011, http://www.incursions.fr (AFFRESS : Association Française pour la Formation et la Recherche en Science Sociale).

[3] Ibidem

[4] Paul-Claude RACAMIER, Pensée perverse et décervelage ; propos souligné par l’auteur.

[5] Albert CICCONE & Alain FERRANT, Honte, culpabilité et traumatisme, p. 164.

[6] Onno Van der HART, Ellert R.S. NIJENHUIS, Kathy STEELE, Le soi hanté : Dissociation structurelle et traitement de la traumatisation chronique, p. 113.

[7] Ibidem, p. 66

[8] Paul-Claude RACAMIER, Pensée perverse et décervelage ; propos souligné par l’auteur.

[9] Saverio TOMASELLA, La traversée des tempêtes : Renaître après un traumatisme, p. 92.

[10] Onno Van der HART, Ellert R.S. NIJENHUIS, Kathy STEELE, Le soi hanté : Dissociation structurelle et traitement de la traumatisation chronique, pp. 16 et 17.

[11] Noami KLEIN, La stratégie du choc : la montée d’un capitalisme du désastre.

[12] Onno Van der HART, Ellert R.S. NIJENHUIS, Kathy STEELE, Le soi hanté : Dissociation structurelle et traitement de la traumatisation chronique, p. 80.

[13] Ibidem p. 20.

[14] Ibidem p. 21.

[15] Ibidem p. 23.

[16] Sigmund FREUD, Cinq psychanalyses, le petit Hans.

[17] Gérard LOPEZ, Troubles psychotraumatiques complexe, Institut de victimologie de Paris.

[18] Ibidem

[19] Onno Van der HART, Ellert R.S. NIJENHUIS, Kathy STEELE, Le soi hanté : Dissociation structurelle et traitement de la traumatisation chronique, pp. 32-33

[20] Ibidem, p. 15.

[21] Voir à ce propos le témoignage d’alouette intitulé : Un livre très utile pour les personnes concernées, indispensable pour tout thérapeute, à lire sur les commentaires du site Amazon concernant le livre d’Onno VAN DER HART & al., Le soi hanté  : Dissociation structurelle et traitement de la traumatisation chronique.

[22] Savério TOMASELLA, La traversée des tempêtes : Renaître après un traumatisme, 2011, livre ayant obtenue le prix Nicolas ABRAHAM et Maria TOROK 2012.

[23] Onno VAN DEN HART, Kathy STEELE, Ellert NIJENHUIS, Erik DE SOIR, Souvenirs traumatiques : leur traitement selon le modèle de la dissociation structurelle de la personnalité, in revue Stress et Trauma, 2009, pp. 81 à 92 (à défaut du livre – d’un coup important – la lecture de cet article est fortement conseillée pour toutes les personnes intéressées par le sujet).

[25] Onno VAN DEN HART, & al., Souvenirs traumatiques : leur traitement selon le modèle de la dissociation structurelle de la personnalité, in revue Stress et Trauma, 2009, pp. 81 à 92

[26] Alain de MIJOLLA & al., Dictionnaire international de la psychanalyse, Tome 1, p. 297.

[28] Ibidem

[29] Ibidem

[30] Gérard LOPEZ, Place des psychothérapies dynamiques dans le traitement des états limites post-traumatiques,

Imaginaire & Inconscient, 2005/1 no 15, p. 189-199

[31] Sur les « décisions absurdes » et les biais cognitifs, se reporter au précédent article Peut-on faire confiance à notre jugement ? La fiabilité des ‘experts’ en cause qui fait état des erreurs de jugement dans la prise de décision. L’auteur dont il est question dans ce billet, chercheur et psychologue de formation, a obtenu en 2002 le prix Nobel… d’économie pour ses travaux sur la prise de décision en économie et gestion. Daniel KAHNEMAN, puisque c’est de lui dont il s’agit, a modélisé une représentation du fonctionnement de notre cerveau en deux systèmes distincts : « le système 1 » et le « système 2 » qu’il invite à considérer comme des surnoms (par exemple Bob et Joe) dont sont affublés des personnages fictifs possédant chacun des personnalités bien distinctes. Or, dans ce modèle, bien qu’utilisé pour décrire un fonctionnement du cerveau non pathologique, est axé sur le même schéma que celui de Pierre JANET. C’est-à-dire que la description du système 2 est l’équivalent de la PAN et celle du système 1 celui de la PE. Et la cause des « décisions absurdes » proviendrait, selon Daniel KAHNEMAN, d’une mauvaise communication entre les deux systèmes de pensée.

 


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14 réactions à cet article    


  • ecolittoral ecolittoral 30 octobre 2013 13:05

    Si quelqu’un a le courage de lire ce méga article, merci de résumer en écrivant un article en commentaire.


    • Philippe VERGNES 30 octobre 2013 13:44

      Bonjour ecolittoral,

      Et merci pour votre commentaire qui m’a bien fait rire (autodérision... smiley )

      C’est normalement au programme, mais sous une autre forme. Or, j’avais besoin de poser quelques principes de bases pour aborder la suite dont je peux d’ores et déjà vous donner le titre : « Anatomie de la stratégie du choc : les nouvelles armes du contrôles des foules » (ou un truc dans le genre qui s’y rapproche). Titre inspiré par les commentateurs du premier article que j’ai écris sur le sujet, sauf que je prévois là un billet beaucoup plus court et expurgé de certains détails techniques qui l’aurait encombré, comme ici présent. Cependant, et pour de multiples raisons, il m’était préalablement nécessaire d’aborder la solution avant de dénoncer le problème. smiley !


    • gaijin gaijin 30 octobre 2013 16:15

      bravo pour l’article il mériterait d’être un peu épuré pour être plus accessible mais c’est déjà un tour de force
      néanmoins :
      " ..............nous n’en ressortons pas tous traumatisés au point d’être stressé (névrosé) ou de développer un trouble ou une maladie mentale. La plupart du temps nos capacités de résilience nous permettent de retrouver une vie normale « 

      dommage d’autant que précédemment vous exposez très bien le » tous traumatisés « 
      la question qu’il est urgent de se poser est » que signifie une vie normale ? "
      est ce que le simple fait de pouvoir fonctionner correctement dans un contexte social donné est normal ?


      • Philippe VERGNES 30 octobre 2013 22:30

        Bonsoir gaijin,

        Et merci pour votre lecture et votre commentaire.

        J’avoue avoir eu recourt à un « monumental » bottage en touche. smiley !

        J’étais parti sur une idée qui m’aurait entrainé un peu trop loin dans son développement et compte tenu des points que je souhaitais développer, j’ai un peu trop écourté. Il m’aurait fallu expliquer la différence d’approche entre la psychologie clinique (à visée thérapeutique) et la psychologie positive (dont le but est l’épanouissement de l’être à l’image de certaines philosophies orientales).

        La notion de traumatisme psychique émane seulement de la première, alors que la dissociation est présente dans les deux. Bref, c’était un peu trop long à exprimer dans ce même billet (et pas ma priorité... smiley, mais merci de l’avoir relevé, cela me rend bien service).

        Pour ce qui est de la question de la normalité, vous avez bien raison de la poser, car « ce n’est pas un signe de bonne santé mentale que d’être bien adapté à une société malade ».

        Cordialement


      • tobor tobor 30 octobre 2013 18:49

        J’ai lu il y a quelques années un petit bouquin très intéressant :
        « Le harcèlement moral » (Marie-France Hirigoyen) qui résume en 250 pages cet article...


        • Philippe VERGNES 30 octobre 2013 22:33

          Bonsoir tobor,

          Remarquable trait d’humour. J’ai bien ri. smiley

          Merci pour ce moment de détente.


        • Aita Pea Pea Aita Pea Pea 30 octobre 2013 22:45

          J’suis un malade qui s’ignore ,et qui ne veut surtout pas payer le prix pour la connaissance des ignorants .



          • bakerstreet bakerstreet 31 octobre 2013 08:38

            Sans doute intéressant, mais n’ai pas eu le courage ou la volonté Nitzchiennne ( nid de chienne ?) d’aller jusqu’au bout.

            Pour rester plus terre à terre sur le toit de ma niche, on n’a jamais entendu parler autant des victimes, et jamais celles ci n’ont jamais pour certaines été si ravies de se voir se belles dans le miroir défoncé. 
            Qu’est ce à dire ?

            J’attend avec impatience la prochaine baffe, pour me poser moi aussi en victime. 
            Prenez le sort de ces otages, attendus comme des dieux sur l’aéroport. 
            L’otage représente maintenant un postulat sacré, sacrifiel, forcément innocent de la tête au pied, une sorte d’icone quasi religieuse de l’innocence incarnée dans nos sociétés laïques, et cyniques
            Il y a soixante ans, les victimes des nazis rentraient de la guerre de l’est en rasant les murs, un pyjma à rayures dans la tête, et un numéro tatoué sur le bras. 
            Ceux qui avaient encore des dents, étaient invités à les serrer. 

            N’est on pas passés d’un extrème à l’autre. 
            Attendu que l’homme n’est qu’un singe, un modèle d’adaptation qui se structure tout de même beaucoup, et même au niveau des émotions grace au regard de l’autre. 

            • Philippe VERGNES 31 octobre 2013 09:32

              Bonjour bakerstreet,

              Très intéressante votre intervention. Je reconnais certaines failles à cet article que je n’ai pas osé rectifier pour beaucoup de raisons : ce n’était pas un article grand public au départ et j’aurais du resté centré sur le fond du sujet sans tenter de le lier à ce que notre société traverse actuellement. C’est là mon erreur.

              La question des extrêmes est très judicieuse et votre exemple également. Il y a soixante ans, nous ne connaissions pas les conséquences du silence que se sont imposés nos aïeux lorsqu’ils sont rentrés de la guerre. Aujourd’hui oui, et il est scientifiquement prouvé que nous en subissons les conséquences aujourd’hui. Je veux dire par là qu’un traumatisme (au sens clinique du terme) subit et non résolu au niveau de nos grands parents laisse des traces génétiques au moins jusqu’à la troisième génération.

              Ces traces génétiques agissent comme des marqueurs qui créent une faiblesse dans notre système immunitaire (tant du point de vue physiologique que psychologique). Dès lors, si un évènement de vie (qui peut également ne jamais survenir) réactive ce marqueur chez le descendant de la personne traumatisée, il développera des maladies (physique ou mentale) sans être capable d’en trouver la cause, ce qui, dans le cas des traumatismes psychiques aggravera encore plus la situation des descendants car les marqueurs génétiques se renforcent au fil des générations.

              Dans ces conditions, où se situe le juste milieu entre pas du tout (nos grands-parents traumatisées par l’horreur de la seconde guerre mondiale) et ce que nous observons à l’heure actuelle sur la victimisation qui se généralise ? Sommes-nous seulement parvenu à un autre extrême ? S’il est clair que certains abusent de ce statut, ne serait-ce pas plutôt qu’un épiphénomène par rapport à la réalité du quotidien des « vrais » victimes ? A ce que je constate sur le terrain, si l’on parle beaucoup des victimes aujourd’hui, nous nous comportons toujours comme avec nos aïeux qui devaient se taire pour se faire accepter par la société.

              Quoiqu’il en soit, dans un monde ou la violence est à ce point légitimée, il est à craindre que le pire ne soit pas encore advenue et il ne sera alors plus temps de se poser la question de la prise en charge des victimes de traumatisme car il y en aura trop à traiter et le cycle de la violence pourra ainsi se maintenir.


            • bakerstreet bakerstreet 31 octobre 2013 10:11

              D’accord avec vous. 

              Cependant la prise en charge des victimes, même si évidemment elle est tout à fait souhaitable, peut entretenir une illusion d’humanité que j’appelerais « publicitaire », dans le sens qu’elle permet à un système politique ou à une organisation sociale défaillante de perdurer, au travers ce qui serait alors des exutoires utiles. 

              En quelque sorte, de la récupération !

              On en viendrait alors à penser qu’elle permet justement ainsi au cycle de la violence de perdurer. Le rôle des OMG, soi disant apolitiques a ainsi été souvent brocardé : Des régimes provoquent la violence, pour profiter ainsi ensuite d’une intervention humanitaire et économique, qui lui redonne capacité à se renforcer, à l’image d’un cancer, vivant sur le capital des cellules saines. 

              La meilleure façon de s’occuper donc des victimes futures, est de faire en sorte qu’elles n’existent pas : Luttons pour un monde plus juste, plus égal. 

              Un grand projet, ,je sais !


            • Philippe VERGNES 31 octobre 2013 10:41

              Effectivement :

              "Cependant la prise en charge des victimes, même si évidemment elle est tout à fait souhaitable, peut entretenir une illusion d’humanité que j’appellerais « publicitaire », dans le sens qu’elle permet à un système politique ou à une organisation sociale défaillante de perdurer, au travers ce qui serait alors des exutoires utiles. 

              En quelque sorte, de la récupération !« 

              Vous pointez le doigt sur le cœur du problème : sur le terrain, c’est un peu à chacun sa m.... et la réelle prise en charge des victimes n’est qu’une illusion car la récupération politique est bel et bien là. A tel point que ça en est indécent.

              Sur ce domaine-là, je partage totalement votre opinion. Mon article s’adressait plutôt à un public particulier et avoir voulu le rapprocher d’un quelconque champ social était une erreur pour la clarté du propos. J’en prends note.

               »La meilleure façon de s’occuper donc des victimes futures, est de faire en sorte qu’elles n’existent pas : Luttons pour un monde plus juste, plus égal."

              Bien d’accord avec vous également sur ce point-là, mais là on parle prévention et au niveau politique, si certaines choses se mettent très timidement en place, cette prévention est bien plus assurée par des initiatives privées que publique alors que cela devrait être l’inverse. Par ailleurs, niveau formation universitaire pour développer nos connaissances actuelles, c’est encore en France le néant comme je le dénonce dans cet article. Or, c’est déjà à ce niveau là que les choses doivent commencer à bouger plus amorcer la machine.

              Mais bon, comme vous dites : un grand projet (dans un autre registre je dis souvent : c’est tout un programme, smiley.


            • Hervé Hum Hervé Hum 31 octobre 2013 13:43

              Bonjour Philippe,

              j’ai lu votre article jusqu’au bout, chose que je n’aurai pas faites si je ne vous connaissais pas déjà ici !

              En tous les cas, je l’ai trouvé excellent.

              Je ferai juste une remarque, c’est que le traumatisme le plus généralisé est dû à... L’attachement.

              En fait, pour bien comprendre, il suffit de se rendre compte que le principal défi qui nous est posé en tant qu’individu est l’apprentissage et l’acceptation du détachement au niveau du PE. En effet, autant pour les parents que pour l’enfant, il s’agit de passer d’une situation d’attachement absolu au relatif, pour finir ou plutôt développer une PE détaché d’autrui.

              Mais encore faut il dissocier, pour ne plus confondre, le « détachement » et l’ « indifférence ». Et « attachement » avec « amour’ ». D’une certaine manière, on peut voir ici la plus grande perversion narcissique humaine.

              Enfin, dans la relation de soi et autrui on peut voir qu’il existe deux sens possible. De soi vers autrui et d’autrui vers soir. C’est à dire, de placer son « moi » ou autrui dans le miroir, qui aura pour effet ou bien de réfléchir autrui en fonction de soi, ou bien de (se) réfléchir soi en fonction d’autrui. C’est de ce « spin » dans son rapport aux autres que dépendra sa capacité à affronter ou fuir les situation extrêmes. La difficulté, c’est que ce « spin » peut se développer en forme kaléidoscope, donc complexe et hyper complexe.


              • Philippe VERGNES 31 octobre 2013 14:17

                Bonjour Hervé,

                Merci pour votre lecture et votre commentaire qui vient enrichir cet article.

                J’ai déjà pu par ailleurs apprécier à leur juste valeur vos facultés de discernement et vous les confirmer avec brio encore une fois de plus ici.

                Vous parlez très justement de « spin » (l’image est effectivement bien trouvée) et c’est bien dans la forme complexe et hyper complexe que vous évoquez que ce perd la personnalité tant et si bien que dans son expression la plus grave ce « spin » peu s’effectuer en quelques secondes et nous voyons alors apparaître sous nos yeux deux personnalités contraire l’une et l’autre regroupée en une seule et même personne. Les auteurs de l’ouvrage principal cité dans cet article appellent cela un « switch » (je ne suis pas sur de l’orthographe), le fait de passer d’un état à l’autre sans en avoir conscience.

                Si vous me le permettez, j’adopte votre idée de « spin » qui illustre bien à mon sens ce changement d’orientation de la personnalité chez certaines personnes. Un coup la PAN qui s’exprime, puis, sans que l’on ne comprenne trop pourquoi, c’est la PE qui prend le relais et cela sans que la personne en ait particulièrement conscience (plus ou moins).

                Et je suis bien d’accord avec vous pour dire que le traumatisme le plus généralisé est dû à l’attachement. C’est bien dans cette intention là que j’ai posé la question Tous traumatisés ? dans le titre de mon article.

                Cependant, et je suis tout de même bien contant qu’il ait pu plaire, je n’en suis pas satisfait. La remarque de gaijin ci-dessus est parfaitement justifiée et je me suis un peu perdu dans mes explications. J’aurais en fait du scinder cet article en deux parties ou bien en faire carrément deux articles, l’un sur la partie en développant l’idée de Tous traumatisés ? ; l’autre, plus technique, en étant encore un peu plus précis sur les méthodes de prises en charges des traumatismes complexes dont nous disposons à l’heure actuelle. Mais merci pour votre appréciation, cela minimise ma déception. smiley !!!

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