Facebook, réseau asocial
Au fil de cet article, je souhaiterais aller au-delà de l’aspect « Big Brother » que l’on prête au site de Mark Zuckerberg. L’idée ici est plutôt d’évoquer la sensation d’étouffement provoquée par le réseau de Palo Alto. Un étouffement qui m’a conduit à désactiver mon compte … avant peut-être de le supprimer pour de bon.
Lassé de voir mon camarade de primaire partager son récent week-end au Touquet, sous fond de langage SMS. Lassé de voir apparaître des partages de liens connus depuis des semaines grâce à d’autres réseaux (cui-cui). Lassé de subir la dictature du like. On en vient à publier des statuts pour générer du like et non plus pour communiquer avec ses proches.
On semble se persuader que la vie des autres est parfaite. Tout semble aller pour le mieux dans le monde sans accroc de Facebook, dans lequel d’ailleurs seul le bouton « J’aime » est présent. Et les malheurs sont bien souvent tournés en dérision, pour en faire rire son audience. Plus les autres semblent avoir une vie passionnante, plus la nôtre paraît fade. La comparaison nous motive. Ou comment se persuader que l’herbe est plus verte de l’autre côté de l’écran. Facebook nous pousse à vouloir montrer aux autres que notre vie est belle, et sûrement plus que la leur. Le paraître plutôt que l’être, donc.
Difficile de communiquer librement également, puisqu’on est observé de près par nos connaissances. Au lieu de dire ce que l’on pense, on se retrouve à réfléchir à deux fois, en prendre en considération l’avis des autres dans le but de les satisfaire. Et de glaner quelques likes supplémentaires. Facebook nous transforme et unifie les modes de pensée.
J’ai des amis, je voyage et je le montre avec mes check-in. Je me cultive et je le fais savoir avec mes likes. Je vis des aventures, ce que je prouve par mes statuts ou mes albums photos. Certains vont même jusqu’à publier sur le mur d’un ami pour se donner rendez-vous. Chose qui serait plus simple et plus directe via SMS. Mais, sur Facebook, l’action devient publique et permet indirectement de montrer aux autres que notre vie sociale est développée. Chacun poste ce qu’il veut et contrôle les publications des autres, et les pages de chacun ressemblent donc à une vie bien rangée et épanouie. Sur Facebook, il faut aussi changer de photo de profil régulièrement pour maintenir la compétition avec les autres.
Mais à quoi bon se mentir en se considérant « amis » si on ne se parle pas ? En me coupant de Facebook, ma vie communicationnelle continue. Je ne suis pas coupé du monde. Je continue de parler avec les personnes que je souhaite via SMS, téléphone ou autres. Et ceux qui veulent le faire avec moi font de même, sans que cela ne soit si gênant que ça. Cela permet même de savoir qui compte vraiment pour nous, mais aussi de savoir pour qui on compte. Une sorte de tri numérique, mais un réel recentrage personnel à la clé.
Je ne suis pas un anti-Facebook primaire pour autant. Dans mon entourage, je suis par exemple l’un des seuls à avoir accueilli l’arrivée de la Timeline avec satisfaction (et celles des principales nouveautés en globalité). Un des premiers à mettre inscrit sur le site également. Pas un pionnier, loin de là, mais un des rares à avoir tenté l’aventure avant le grand boom médiatique.
J’ai suivi l’évolution du réseau, d’abord marqué par l’ère des groupes, puis suivie par l’ère des jeux, l’ère des fan pages devenue ère du like, celle des marques, celle du check-in. L’apparition des appels vidéo et d’une messagerie interne ont également constitué une avancée importante. En ce moment, Facebook semble se centrer sur le partage de photos, en attestent l’importance prises par les images dernièrement (sur votre Home comme sur votre profil) et le rachat d’Instagram. Non, Facebook n’a pas que des inconvénients. Son principal avantage, de mon point de vue, réside dans le fait de pouvoir communiquer en groupe, en communauté, très rapidement (notamment via les groupes de personnes).
Facebook est ce qu’on en fait. Mais pour moi, depuis quelques mois, il présentait plus d’inconvénients que d’avantages. Les débuts sur Facebook ont des allures de conte de fées. Tout est nouveau, tout est beau. Mais passé ce cap, et contrairement à Twitter, Facebook me donnait l’impression d’un espace clos, très encadré, où l’on croise toujours les mêmes personnes et où règne le positivisme, jusqu’à écœurement. Un peu à l’image du film The Truman Show. Facebook n’encourage pas à aller vers l’inconnu, à découvrir autre chose. Et c’est surtout envers cet aspect que Facebook est un réseau asocial à mes yeux. On n’y brille non pas par ses échanges, mais par une sorte de nombrilisme.
En soi, Facebook applique la règle essentielle du marketing : il crée en nous de l’insatisfaction organisée. Et de ce fait, il nous éloigne plus qu’il ne nous rapproche. Maintenant au moins, je saurai qui pense vraiment à mon anniversaire.
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