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Commentaire de Catherine Coste

sur La définition légale de la mort doit-elle être conditionnée par les transplantations d'organes ?


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Catherine Coste Catherine Coste 9 novembre 2007 18:35

Merci pour votre réaction. Je recommande vivement la présentation intitulée : « On ne meurt qu’une fois, mais quand ? », du Dr. Guy Freys, Département de Réanimation chirurgicale des Hôpitaux Universitaires de Strasbourg, lors de la Conférence : « Les Deuxièmes Journées Internationales d’Ethique : Donner, recevoir un organe, Droit, dû, devoir » (mars 2007). Je me permets d’en citer un extrait :

"Déterminer le moment précis de la mort, affirmer avec certitude l’état de mort a toujours été une préoccupation et une difficulté de l’homme, avec la peur pendant des siècles de l’inhumation prématurée. ’Le jugement de l’homme est tellement incertain qu’il n’arrive pas même à définir la mort’, disait Pline l’Ancien déjà au début de l’ère chrétienne. Pourtant, si je vous montre ces quatre images de coucher du soleil [quatre étapes du coucher de soleil : sur la première image, le soleil commence à se coucher, pour avoir quasiment disparu sur la dernière, où il ne reste qu’une pâle lueur, ndlr.], je pense que personne ne mettrait en cause l’affirmation qu’il va faire bientôt nuit. Mais sur la dernière image, en bas, à droite, le soleil a disparu. Mais est-ce déjà la nuit ? Ou la lumière résiduelle permet-elle de dire que ce sont encore les derniers moments du jour ? La question de mon propos est très proche de cette interrogation. Quand reconnaît-on la disparition des derniers signes de la vie pour affirmer la mort ? Si je pose la question en ces termes, c’est que la définition de la mort, elle, est relativement universelle et univoque : prenez n’importe quel dictionnaire, vous verrez cette définition : ’qui a cessé de vivre’. C’est donc bien l’absence d’éléments élémentaires vitaux qu’il faut rechercher pour affirmer la mort. La difficulté de déterminer le moment précis de la mort est d’autant plus grande que les derniers instants de la vie apparaissent de tout temps surdimensionnés, comme si l’homme se rendait enfin compte de l’importance de la vie et qu’elle devenait encore plus précieuse et sacrée aux derniers instants. D’ailleurs, peut-on parler d’un moment précis ? Ne s’agit-il pas le plus souvent d’un processus où la vie s’éteint au fur et à mesure, comme le coucher du soleil ? Si vous regardez les peintures qui représentent la mort, il y a une chose qui est très frappante : c’est que la personne apparaît toujours vivante. Elle est vivante et elle attend la mort. Cette difficulté se posait déjà quand la mort était uniquement définie comme l’arrêt circulatoire, avec déjà le problème sous-jacent de la certitude de l’irréversibilité de cet état et de l’angoisse qui l’a toujours accompagné : la peur d’être enterré vivant. (...) Si on voulait être sûr et certain de la mort, mieux valait encore attendre la putréfaction, ce qui était d’ailleurs pratiqué dans beaucoup de civilisations. Je vous rappelle aussi que l’expertise médicale de la mort n’est apparue que pratiquement à la fin du XIXème siècle et que le certificat médical de décès n’est obligatoire que depuis 1937 pour permettre à l’officier d’Etat civil de délivrer le permis d’inhumer. Ce n’est qu’en 1948 que l’arrêt circulatoire est annoncé comme signe légalement reconnu de la mort par décret. Vous le voyez, c’était déjà difficile. Mais cette difficulté inhérente de définir et de préciser le moment et l’heure de la mort va se trouver accentuée par ou du fait des progrès de la réanimation à partir du milieu du XXème siècle, où la réanimation permet de suppléer des fonctions cardiaques et respiratoires qui représentaient jusqu’alors les critères scientifiques indiscutables de la mort. Ces avancées vont nécessiter de revoir la définition épistémologique de la mort. J’aimerais souligner d’emblée que l’adoption d’une définition cérébrale de la mort comme fin d’un fonctionnement intégré et cohérent de l’organisme humain n’est pas en opposition avec la définition circulatoire, mais juste une mise à jour prenant en compte les avancées des connaissances médicales. Mais l’acceptation de cette évolution scientifique ne peut en aucun cas se dispenser de négliger les aspects religieux, philosophiques, culturels et sociaux. Un petit rappel historique s’impose. Ce nouveau concept de mort cérébrale se dessine à partir de 1959, à partir des descriptions de coma dépassé de Mollaret et Goulon. En 1965, le Professeur Goulon avait organisé un gros colloque à Marseille qu’il avait intitulé : ’Les états frontière entre la vie et la mort’ et reconnaissait à l’époque l’absence de critères simples, indubitables, objectifs qui permettent de dire clairement s’il y a mort. Le terme de mort cérébrale apparaît pour la première fois dans un article qui relate une greffe à partir d’un organe prélevé sur un patient ... ’à cœur battant’ ! C’est donc le développement de la transplantation qui va nécessiter de toute urgence, de la part de la communauté médicale, une définition claire de cette mort cérébrale pour permettre le prélèvement d’organes et recueillir l’acceptation sociétale d’une telle procédure. En 1968 on valide le concept de mort cérébrale (5 août 1968, déclaration de Harvard aux USA et 25 avril 1968 : circulaire Jeanneney) mais on se garde bien d’en préciser les critères, les Américains disant qu’il faut les établir en fonction des connaissances et en France, la fameuse circulaire Jeanneney dit que l’élaboration des critères va être imminente et proposée par l’Académie de Médecine. Il faudra attendre 28 ans pour les voir apparaître [avec la loi de bioéthique de 1996, ndlr]. La France a donc eu quelques mois d’avance sur les Américains pour décréter que la mort cérébrale était un état de mort. Monsieur Cabrol, deux jours après la promulgation de cette circulaire, va faire la première greffe à partir d’un donneur considéré en mort cérébrale."

J’espère avoir incité quelques un(e)s à visualiser la présentation passionnante du Dr. Freys.

Lien vers cette présentation : http://w3appli.u-strasbg.fr/canalc2/video.asp?idvideo=6015

Toujours à l’occasion de ces journées d’éthique, le Professeur Philippe Wolf, qui dirige le service des transplantations des Hôpitaux Universitaires de Strasbourg, a présenté ses impressions quant à l’éthique en matière de transplantation. Je vous invite également à visualiser cette présentation, aussi courte que percutante, au cours de laquelle les prélèvements « à coeur arrêté » effectués par le passé ont été évoqués. Lien vers cette présentation :

http://w3appli.u-strasbg.fr/canalc2/video.asp ?idvideo=6012


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