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Commentaire de Philippe Vassé

sur Russie : réalités, apparences, tensions et contradictions


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Philippe Vassé Philippe Vassé 31 décembre 2007 04:58

Nemo,

Votre commentaire est très pertinent sur plusieurs points.

Votre phrase suivante me paraît, elle, un peu lapidaire, source de confusion et contradictoire : « il ne faut pas non plus passer sous silence les purges anti-juives sous Staline, le massacre des prisonniers de guerre russes qui rentraient dans leur pays et qui étaient directement envoyés au goulag, les déportations en Sibérie et j’en passe ».

Outre que le terme « purges anti-juives » altère le sens de votre pensée sur les faits que vous voulez dénoncer avec justesse- procès des blouses blanches-, ce que vous énoncez sur le sort des prisonniers de guerre soviétiques est contradictoire : soit ils auraient été massacrés, soit déportés dans les camps de travail (appelés Goulag par vous, ce qui aussi relève de simplifications bien ennuyeuses car le goulag est une appellation précise).

Le sort des prisonniers de guerre soviétiques libérés par les troupes soviétiques est de ce point de vue très intéressant car son étude attentive montre que les formules rapides sont loin, très loin de la vérité et des faits.

Afin de résumer, quatre cas ont coexisté :

1) les anciens Vlassovistes et Hiwis ( combattants soviétiques de la Wehrmacht et associés), tous remis par les troupes américaines aux unités soviétiques du NKVD, ont en général été très vite- mais pas tous- exécutés. Les autres ont effectivement été envoyés travailler dans les camps, pas nécessairement sibériens, mais surtout dans les zones détruites à reconstruire.

2)Nombre d’anciens prisonniers de guerre -PG- soviétiques libérés pendant les combats et suivant la progression des troupes ont été immédiatement incorporés dans les unités combattantes : entre 300.000 et 500.000 selon les données de l’Armée Rouge et les estimations issues des documents sur les camps de PG russes libérés au cours des opérations militaires.

3)Après la cessation des combats, en mai-juin 1945, la sélection- arbitraire par essence- a conduit à diviser le nombre restant de PG soviétiques entre ceux qui furent admis dans les troupes d’occupation et ceux qui, suspectés de « collaboration », furent expédiés travailler aussi dans les zones de reconstruction. Certains, dénoncés pour leur comportement « anti-soviétique et/ou anti-patriotique » en détention, furent effectivement immédiatement exécutés sur place.

4) enfin les prisonniers ayant des qualifications utiles pour l’industrie et les sciences furent, après étude de leur attitude en camp de PG par le NKVD, libérés afin de travailler en URSS dans des affectations précises, mais en statut de salarié, donc libres.

De manière générale, excepté les anciens Hiwis, les Vlassovistes et les « élements anti-soviétiques douteux » selon la terminologie officielle, il n’y a pas eu de « massacres » de PG soviétiques, selon votre terme.

Ce qui n’enlève rien aux souffrances de ceux qui, à peine sortis des camps de prisonniers nazis, devinrent de facto des forçats dans leur propre pays, souvent plusieurs années.

Ceci dit, puisque vous avez « apprécié » les méthodes « efficaces »- selon vous- de Poutine dans la Russie actuelle, il vous sera aisé de comprendre que la reconstruction de la partie européenne de l’URSS après 1945 fut en majeure partie due au travail des 3 millions de PG allemands (et autrichiens) ainsi qu’aux anciens PG soviétiques -bien moins nombreux : on avance le nombre de 200.000, mais les archives sont assez imprécises).

Car, rappelons-le, plus de 3 millions de PG soviétiques furent exterminés de diverses manières par les nazis -exécutions de masse, gazage, famine, maladies, expériences médicales SS).

Si les PG allemands connurent des pertes immenses dues aux traitements brutaux de leurs gardiens, pour les PG russes, ce travail forcé fut la porte de sortie « rédemptrice » - aux yeux du régime- vers la réintégration dans la société.

L’objet de ce texte est juste de préciser certains points abordés par vous et d’éviter les généralités fausses qui, depuis les élucubrations de Stéphane Courtois- depuis lâché par ses anciens collaborateurs- ont envahi la scène publique sur le sujet, introduisant des passions stériles et la confusion dommageable sur les faits et les chiffres.

Bien cordialement,


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