• AgoraVox sur Twitter
  • RSS
  • Agoravox TV
  • Agoravox Mobile


Commentaire de Babalas

sur L'intercompréhension entre langues de même famille : est-ce l'avenir ou une imposture ?


Voir l'intégralité des commentaires de cet article

Babalas 20 février 2008 00:43

En tant que sociolinguiste intéressé par les phénomènes de plurilinguisme, je trouve que le début de cet article relève d’une vision très primaire du sujet, empreinte de préjugés et de peu de connaissance de la réalité linguistique de 70% de la population humaine. Je ne me prononce pas sur la description des programmes européens, que je ne connait pas.

Les sociétés monolingues sont une exception. Il n’est pas rare qu’en un endroit (souvent une grosse agglomération de pays en développement), on trouve rassemblées jusqu’ 8 ou 10 langues principales, sans évoquer celles moins représentées. Alors, il est frequent de rencontrer des individus maitrisant suffisamment bien 6, 8, 10, ou 12 langues pour suivre les informations ou avoir une conversation suivi dans cette langue. On retrouve notamment ces phénomènes dans toute l’Afrique sub-saharienne (Dakar, Lagos, Johannesburg sont des exemples frappants), mais aussi à de nombreux endroits en Amérique latine notamment centrale (en raison du au grand nombre de langues indigènes parlées dans des petites communautés, avec l’espagnol comme véhiculaire), des Caraïbes (plusieurs créoles peuvent cohabiter avec l’Anglais, le Fracais, et l’Espagnol), et en Asie (des multilinguisme très développés dans toutes les métropoles de l’Inde, de la Chine du Sud, et du Sud-Est asiatique). L’Oceanie, avec des situations hors norme en Papouasie, est un eldorado en la matière...

Le monolinguisme est donc l’exception, même en Europe (cf. Espagne, 5 langues régionales, Belgique, 3, Pays-Bas, 1 nationale + 2 régionale, le Royaume-Uni, où notamment le Gallois est encore assez largement répandu, etc... liste non-exhaustive). Face à ces situations, plusieurs phénomènes doivent être observés, qui me serviront de critique aux premières assomptions de l’article (cf. "politiques : l’UE subventionne larga manu tout ce qui touche à l’intercompréhension passive, car cela lui permet de laisser l’anglais s’imposer comme lingua franca tout en faisant semblant de promouvoir le plurilinguisme.") :

1) l’usage d’une langue véhiculaire principale peut être le cas, mais rien n’est obligatoire

2) Plus il y a de langues avec un nombre équivalent de locuteurs, plus il ya de chances que plusieurs soient influentes

3) En situation de multilinguisme ultra-développé, la capacité à jongler d’une langue à l’autre dès le plus jeune age accroit la "compétence naturelle" dans les langues voisines ;

4) S’il y a beaucoup de dialectes existant constituant le continuum qui joint une langue à l’autre (par exemple, on peut aller du Castillan au Piemontais en passant par le Catalan et le Provencal) et que les locuteurs sont habituer aux nombreux dialectes de leur "langue" (c’etait evidemment le cas autour de la mediterannée du Moyen-Age), l’intercompréhension est très aisée, et naturelle (pas d’effort à produire).

5) Ces situations d’intercompréhension entre langues voisines doivent avoir la langue orale pour vecteur : l’écrit a plusieurs défaut, notamment les différences de transcription des sons d’une langue à l’autre, qui grossissent souvent les différences ; l’oral est l’essence même d’une langue, c’est à dire un système complexe de sons qui portent le sens (seule la langue francaise est aussi attachée à sa forme écrite, qui par ailleurs porte son histoire, et c’est très bien... smiley ; enfin, point n’est besoin de cours de grammaire intensif pour découvrir les analogies entre langues lorsqu’on est exposé à un grand nombre de langues simultanément.

6) Ce multilinguisme "naturel" peut aussi exister avec des langues beacoup plus éloignées (par exemple à Johanneburg, le Zulu et le Sotho au moins aussi différentes que l’Espagnol et le Danois, ou à Calcutta, le Penjabi est aussi proche du Kannara que l’Anglais peut l’être du Bambara...).

7) Enfin, dans ces situations, un trait universel : LES LANGUES NE S’APRENNENT PAS A L’ECOLE !! Dans une société plurilingue, c’est la nécéssité d’une part, mais surtout les valeurs positives accordées au multilinguisme, et l’absence de jugment péjoratif sur celui qui ne maitrise pas bien une langue qui facilitent le développement de dons linguistiques qui chez nous ne relèvent même pas du fantasme (12 langues, Dieu me léchouille, je rêve !!! smiley. Seul l’exposition quotidienne a un florilège de langue, et une conception égalitaire des langues (peut-être pas tout à fait, une langue peut être mieux vue qu’une autre, mais il n’y a pas de "supériorité naturelle" d’une langue sur l’autre) peut préparer un esprit à maitriser 10 ou 12 langues.

8)Enfin, les langues artificielles, type Esperanto, sont un doux rêve sans aucun fondement social. Hors une langue n’a pas d’existence sans fonction sociale. Elle est la langue de l’Etat, ou de la famille, ou de la rue, ou de la religion... Mais une langue sortie des livre n’a aucune chance, quelle que soit les moyens mis dans l’enseignement, d’être adoptée par qui que ce soit d’autre que les amateurs fétichistes de l’exercice de cration linguistique. L’Esperanto n’est par exemple par une langue internationale, mais au mieux une construction "trans-indoeuropéenne"... Pour être internationale, on lui aurait ajouté une touche de Bantu, un larme Turko-Mongol, ou un doigt de Dravidien...

Enfin, un commentaire personnel quant à l’idée que les mlangues, c’est mieux par l’écrit : apprendre une langue et la parler, c’est d’abord l’entendre. Et la focalisation sur l’écrit même en cours de francais est surement pour beaucoup dans le faible capacité d’apprentissage des langues développée en France.

 

 


Voir ce commentaire dans son contexte





Palmarès