Vous rappelez que c’est la peur des possédants, épouvantés par la montée du bolchévisme, qui a permis la montée du nazisme. Diriez-vous qu’il existe aujourd’hui un danger du même type, lié au comportement des possédants ?
Je crois qu’il y a aujourd’hui une complicité grave entre les possédants de pouvoir et les possédants de finance. Les possédants de finance ont pris peur, tout à coup, il y a deux ans, avec la faillite de Lehman Brothers, qui annonçait la crise.
Leurs petits copains, les possédants de pouvoir, leur ont dit :
« Ne vous en faites pas, on vous renfloue afin de vous permettre de recommencer comme avant. »
Cette complicité-là est peut-être ce que je dénonce le plus. Si nous avions des gouvernements socialistes ou suffisamment ancrés à gauche, ils pourraient dire aux banquiers et aux financiers :
« Vous avez fait la preuve de votre incompétence, nous allons vous nationaliser et nous en occuper, avec l’intérêt public comme boussole, et non pas, comme vous, l’intérêt du profit. »
Pour le moment, ces gouvernements n’existent pas, mais ça peut changer : je suis très intéressé par ce que font les pays du Mercosur et plus généralement d’Amérique latine, où des gens comme Chavez, Morales, Lula et maintenant Rousseff, peuvent jouer un rôle. Cette complicité dramatique entre financiers et politiques ne continuera peut-être pas.
En attendant, l’Etat est prisonnier des forces financières et économiques. Quel est l’Etat qui se défend ? Aucun. Au contraire : ils appuient le pouvoir économique. Les quelques mesures qui ont été prises au moment de la crise bancaire ne sont que de toutes petites touches, alors qu’on aurait dû leur dire : « Vous êtes allés à la catastrophe, on vous rafle tout. » Personne ne l’a dit.