• AgoraVox sur Twitter
  • RSS
  • Agoravox TV
  • Agoravox Mobile


Commentaire de emile wolf

sur Carton Rouge pour le Conseil Constitutionnel


Voir l'intégralité des commentaires de cet article

emile wolf 4 mai 2012 18:27

Bonsoir Chalot,
En toute justice, je n’approuve pas votre titre.

Le Conseil constitutionnel a été saisi le 29 février 2012 par la Cour de cassation (chambre criminelle, arrêt n° 1365 du 29 février 2012), dans les conditions prévues à l’article 61-1 de la Constitution, d’une question prioritaire de constitutionnalité posée par M. Gérard Ducray, relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de l’article 222-33 du code pénal. Il a fait connaître sa décision le 4 mai 2012 sous le n° 2012-240 QPC.
Permettez-moi de le rappeler la fonction du Conseil Constitutionnel n’est pas de rendre la justice civile ou pénale mais d’examiner la conformité d’une loi à la constitution. Il ne peut se saisir lui-même et l’est dans le cadre de :

l’article 61 de la Constitution :
«  Les lois organiques, avant leur promulgation, les propositions de loi mentionnées à l’article 11 avant qu’elles ne soient soumises au référendum, et les règlements des assemblées parlementaires, avant leur mise en application, doivent être soumis au Conseil constitutionnel qui se prononce sur leur conformité à la Constitution.
Aux mêmes fins, les lois peuvent être déférées au Conseil constitutionnel, avant leur promulgation, par le Président de la République, le Premier ministre, le Président de l’Assemblée nationale, le Président du Sénat ou soixante députés ou soixante sénateurs… »

Et, de l’article 61-1 :
« Lorsque, à l’occasion d’une instance en cours devant une juridiction, il est soutenu qu’une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, le Conseil constitutionnel peut être saisi de cette question sur renvoi du Conseil d’État ou de la Cour de cassation qui se prononce dans un délai déterminé… »

Le cas que concerne votre exposé est celui où le Conseil est saisi dans le cadre de ce qui est appelé une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) il s’agit de l’article 222-33 du code pénal sur le harcèlement sexuel. Cet article de loi n’a fait l’objet d’aucune saisine de cette juridiction avant sa promulgation initiale en 1992.

Le Conseil constitutionnel ne porte donc aucune responsabilité du fait de son examen tardif le 4 mai 2012 pour conformité à la Constitution.

Pour ce qui concerne le fond de cette décision : voici les considérations énoncées par cette juridiction.
2. Considérant que, selon le requérant, en punissant « le fait de harceler autrui dans le but d’obtenir des faveurs de nature sexuelle » sans définir précisément les éléments constitutifs de ce délit, la disposition contestée méconnaît le principe de légalité des délits et des peines ainsi que les principes de clarté et de précision de la loi, de prévisibilité juridique et de sécurité juridique ;
3. Considérant que le législateur tient de l’article 34 de la Constitution, ainsi que du principe de légalité des délits et des peines qui résulte de l’article 8 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, l’obligation de fixer lui−même le champ d’application de la loi pénale et de définir les crimes et délits en termes suffisamment clairs et précis ;
4. Considérant que, dans sa rédaction résultant de la loi du 22 juillet 1992 susvisée, le harcèlement sexuel, prévu et réprimé par l’article 222−33 du nouveau code pénal, était défini comme « Le fait de harceler autrui en usant d’ordres, de menaces ou de contraintes, dans le but d’obtenir des faveurs de nature sexuelle, par une personne abusant de l’autorité que lui confèrent ses fonctions » ; que l’article 11 de la loi du 17 juin 1998 susvisée a donné une nouvelle définition de ce délit en substituant aux mots « en usant d’ordres, de menaces ou de contraintes », les mots : « en
donnant des ordres, proférant des menaces, imposant des contraintes ou exerçant des pressions graves » ; que l’article 179 de la loi du 17 janvier 2002 susvisée a de nouveau modifié la définition du délit de harcèlement sexuel en conférant à l’article 222−33 du code pénal la rédaction contestée ;
5. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que l’article 222−33 du code pénal permet que le délit de harcèlement sexuel soit punissable sans que les éléments constitutifs de l’infraction soient suffisamment définis ; qu’ainsi, ces dispositions méconnaissent le principe de légalité des délits et des peines et doivent être déclarées contraires à la Constitution ;
6. Considérant qu’aux termes du deuxième alinéa de l’article 62 de la Constitution : « Une disposition déclarée inconstitutionnelle sur le fondement de l’article 61−1 est abrogée à compter de la publication de la décision du Conseil constitutionnel ou d’une date ultérieure fixée par cette décision. Le Conseil constitutionnel détermine les conditions et limites dans lesquelles les effets que la disposition a produits sont susceptibles d’être remis en cause » ; que, si, en
principe, la déclaration d’inconstitutionnalité doit bénéficier à l’auteur de la question prioritaire de constitutionnalité et la disposition déclarée contraire à la Constitution ne peut être appliquée dans les instances en cours à la date de la publication de la décision du Conseil constitutionnel, les dispositions de l’article 62 de la Constitution réservent à ce dernier le pouvoir tant de fixer la date de l’abrogation et reporter dans le temps ses effets que de prévoir la remise en cause des effets que la disposition a produits avant l’intervention de cette déclaration ;
7. Considérant que l’abrogation de l’article 222−33 du code pénal prend effet à compter de la publication de la présente décision ; qu’elle est applicable à toutes les affaires non jugées définitivement à cette date »

Votre carton rouge contre le Conseil constitutionnel n’est pas juridiquement fondé. Adressez-vous aux parlementaires qui en 1992, 1998 et 2002 ont créée puis modifié cet article sans souci de la constitution, mais n’accablez pas les magistrats du Palais Royal qui en l’occurrence ont fondé leur décision selon les considérations exposées dans le respect de la procédure et de la légalité.

Vous posez sans doute une excellente question mais vous incriminez à tort le Conseil constitutionnel. Gérard Decray n’a plus d’activité politique depuis le 12 janvier 1976.

C’est, pour cet article mal informé, vous qui méritez un carton rouge pas le Conseil constitutionnel.


Voir ce commentaire dans son contexte





Palmarès