Beaucoup de commentaires
se trompent complètement en évoquant la concrétisation d’un danger
des « euro-régions » ; elles ne sont pas là du
tout en question, car ces nouvelles monstruosités ne sont que des
régions INSEE, artificielles et sans légitimité. Elles sont
justement l’expression du jacobinisme le plus extrémiste, conçues
pour éliminer toute espèce d’identité régionale. Et ne sont donc
pas du tout un danger pour l’Etat, bien au contraire.
Là où existait le danger
d’une contestation violente, récemment revigorée, c’est à dire en
Bretagne, le gouvernement a reculé, en renonçant à une fusion
artificielle avec les Pays de la Loire. Mais sans procéder au seul
élargissement de la région administrative Bretagne souhaité par la
population locale, à savoir le rattachement de Nantes. Même là, la
tyrannie technocratique a prévalu, et sans doute aussi le souci de
ménager l’ancien premier ministre Jean-Marc Ayrault. Ajoutons
quelques autres incongruïtés, comme la jonction de Midi-Pyrénées
avec le Languedoc-Roussillon, alors que l’ouest de la première se
rattache historiquement à l’Aquitaine et l’est au Languedoc, la
fusion de Rhône-Alpes, déjà une pure création technocratique,
avec l’Auvergne, pourtant plus proche culturellement et
géographiquement du Limousin. La fusion de la Franche-Comté,
historiquement à identité forte (si on excepte l’adjonction
artificielle de Belfort) avec la Bourgogne (agrégat qui n’a de
commun avec la Bourgogne historique que le nom), et la réunion de
l’Alsace, encore une région à forte identité, et de la Lorraine
(là aussi peu de rapports avec une identité locale historique).
Manifestement, le but est
de détruire toute identité régionale, afin de créer de grosses
préfectures plus faciles à contrôler du centre. Le tout fait à la
française, c’est à dire sans concertation avec les habitants,
décidée en haut entre technocrates et dirigeants de partis dans la
plus pure lignée jacobine-bonapartiste. Dans sa variante du
jacobinisme pseudo-décentralisateur.
La suppression des
départements est là encore une réforme prise à la va-vite qui ne
va pas vraiment dans le bon sens. Certes, ce ne sont là encore que
des entités artificielles, sans légitimité historique ou
culturelle, les jacobins auraient tout aussi bien pu tracer des
carrés à l’étatsunienne (ils l’ont d’ailleurs envisagé). Et leur
tracé n’a plus d’utilité. Mais mettre directement un niveau
intercommunal (conçu comme un niveau communal de substitution) face
à un nouveau régional (élargi qui plus est) est très peu
pratique ; une région est trop éloignée pour traiter de
nombreux problèmes de proximité qui dépassent l’intercommunalité.
Sans doute faudrait-il doter des entités plus naturelles comme les
pays ou les arrondissements de certaines des compétences des
départements, nous rapprochant de ce qui se fait en Allemagne et se
met en place dans certaines autonomies espagnoles (comme la Catalogne
et l’Aragon avec les comarcas).
Enfin, toutes les réformes
proposées font l’impasse sur le véritable problème de
l’organisation territoriale française : le nombre immense de
communes. Dont beaucoup sont évidemment vraiment trop petites.
Combien font moins de 600, 500 voire 100 habitants ? Déjà,
réunir toutes celles de moins de 800 est une urgence, au besoin en
l’imposant quand on ne parvient vraiment pas à dépasser l’esprit de
clocher. Cela nous ramènerait autour de 11 000 municipalités, les
autres se réuniraient ensuite au choix. La piste de
l’intercommunalité est une diversion. Ces mini-communes sont trop
petites même dans le cadre d’une structure syndicale.
L’intercommunalité est indispensable, mais ne doit pas dispenser de
cette réforme. Et qu’on ne vienne pas me parler de destruction de la
démocratie locale, cet émiettement l’empêche au contraire de
vivre. De telles réformes ont été mises en place en Allemagne,
Belgique, Italie, Espagne, Pays-Bas, Suède, Norvège et Suisse il y
a belle lurette, et tous ces pays ont une démocratie locale
infiniment plus développée que celle de la France. L’émiettement
et le super-esprit de clocher qui va avec favorisent le jacobinisme.
Il faut se garder de toute
réforme uniforme. Les problèmes ne sont pas les mêmes d’une région
à l’autre, là où les départements peuvent être supprimés cela
ne s’applique pas forcément ailleurs. Les formes des réunions de
communes peuvent aussi être diverses. Mais là, on entre dans une
toute autre logique, démocratique et anti-jacobine. Une logique qui
impliquerait aussi une profonde refonte des modes de scrutin, une
véritable représentativité qui irait de pair d’ailleurs avec une
diminution du nombre d’élus locaux et des rentes.