• AgoraVox sur Twitter
  • RSS
  • Agoravox TV
  • Agoravox Mobile


Commentaire de Christian Labrune

sur COURS D'ÉTÉ : Le Totalitarisme pour les Nuls


Voir l'intégralité des commentaires de cet article

Christian Labrune Christian Labrune 15 août 2018 22:34
à l’auteur,
C’est vrai qu’il y a désormais partout des caméras, qu’on peut savoir aussi à quelle heure précise j’aurai fait tel retrait à un distributeur automatique, acheté tel bouquin sur Amazon dont il sera aisé de connaître le titre, etc.
Mais il y a pire : quand je quitte mon appartement, il n’est pas rare que je rencontre quelque voisin. D’autres, de leur fenêtre, peuvent savoir à quelle heure j’éteins les lumières pour aller dormir ; ils peuvent faire des fiches, et probablement le font-ils déjà, ces salauds.
J’avais envisagé de m’embarquer pour quelque île déserte, mais on peut désormais fixer une caméra au dos d’un requin ou d’un dauphin (j’ai vu ça à la télé), voire au cou d’un grand oiseau de mer. Il faudrait, avant de m’embarquer, que je me munisse d’un petit canon de marine et d’une petite batterie anti-aérienne pour pouvoir, là-bas, tirer sur tout ce qui bouge, mais à l’embarquement, il y a nécessairement des détecteurs, et un tel matériel pourrait paraître un peu suspect. Que faire ?
Comme la paranoïa est une affection réputée incurable, il est totalement inutile que je me présente à l’accueil de Sainte-Anne. je ne vois pas d’autre solution réaliste que la mort. Sur la tombe du sculpteur Arman au Père-Lachaise, j’ai longtemps vu une plaque de marbre avec cette inscription très alléchante : « Enfin, seul ! ».
Mais même là on n’est pas seul. Ca grouille, il y a toute une foule de témoins « sans oreilles et sans yeux », comme l’avait très bien compris l’auteur des Fleurs du Mal dans ce sonnet intitulé Le mort joyeux, que je recopie pour l’édification de tous ceux que le totalitarisme inquiète :
Le Mort joyeux
Dans une terre grasse et pleine d’escargots
Je veux creuser moi-même une fosse profonde,
Où je puisse à loisir étaler mes vieux os
Et dormir dans l’oubli comme un requin dans l’onde.

Je hais les testaments et je hais les tombeaux ;
Plutôt que d’implorer une larme du monde,
Vivant, j’aimerais mieux inviter les corbeaux
A saigner tous les bouts de ma carcasse immonde.

O vers ! noirs compagnons sans oreille et sans yeux,
Voyez venir à vous un mort libre et joyeux ;
Philosophes viveurs, fils de la pourriture,

A travers ma ruine allez donc sans remords,
Et dites-moi s’il est encor quelque torture
Pour ce vieux corps sans âme et mort parmi les morts !

Voir ce commentaire dans son contexte





Palmarès