@Laconique
Je copie la notice de Wikipedia au sujet des circonstances de la composition d’Humain trop humain :
« Ce livre marque une rupture dans la vie de Nietzsche. Gravement atteint dans sa santé, et alors qu’il se croit à l’article de la mort, il envisageait d’écrire un livre intitulé Le Soc. Presque aveugle et subissant des crises de paralysie, il fut aidé par Heinrich Köselitz dans la rédaction de l’ouvrage. Il déclarera dans Ecce Homo : « Je dictais, la tête douloureuse et entourée de compresses, il notait et corrigeait aussi — il fut au fond l’écrivain véritable, tandis que je n’étais que l’auteur. ».
Son état d’esprit était, selon ses proches, d’un cynisme effrayant, cynisme que sa sœur attribua à son état physique. Nietzsche considérait au contraire que la souffrance psychologique qu’il supportait lui avait donné la plus grande lucidité sur les problèmes les plus importants de la philosophie, et que cela l’avait délivré définitivement de ses égarements wagnériens. »
Tout est dit, y compris les « égarement wagnériens ». Nietzsche a préféré nier l’existence du génie que de reconnaître celui de Wagner, jusqu’à lui préférer ou feindre de lui préférer le talent de Bizet (Carmen), à l’inspiration claire et « méditerranéenne », loin des forêts romantiques et des brumes germaniques !
Il y a évidemment de la mauvaise foi et du ressentiment dans ce déni. Quand à Schopenhauer, le sujet était moins brûlant pour Nietzsche que celui Wagner.
Nietzsche préfère n’accorder de génie à personne, plutôt que de reconnaître celui de Wagner.
Ce qui est paradoxal, c’est que la philosophie respectives des deux hommes est à l’opposé de leurs tempéraments. Le « pessimisme » de Schopenhauer est celui d’un homme plein d’humour et plutôt bien portant, l’optimisme (pour aller vite) de Nietzsche est celui d’un homme malade qui lutte perpétuellement contre la tentation du suicide.
Je ne dis pas que la pensée de Nietzsche se résume à cette mauvaise foi, mais qu’elle l’a égaré. Les pages concernant Wagner ne se lisent pas sans un certain malaise. Je préfère la lecture d’Aurore et du Gay Savoir.