Balades en Bretagne : circuit Camaret - Pen Hir
Impossible de rester insensible au nom de Camaret. Non que les filles y soient plus délurées qu’ailleurs, ni les mœurs de son curé plus débridées*. Le succès de Camaret est évidemment ailleurs et tient en trois atouts majeurs : le charme de son port, ses monuments emblématiques et son prodigieux environnement naturel, dominé par les impressionnants empilements de grès du site de Pen Hir. Pour s’y rendre, c’est simple, il suffit d’aller là-bas, tout au bout de la presqu’île de Crozon...
D’une longueur totale d’environ 18 km, le circuit proposé ici permet, au départ du port de Camaret, de rejoindre l’anse de Kerloc’h, puis de découvrir, en suivant le sentier côtier, la pointe de Portzen, la pointe de la Tavelle, la pointe de Pen Hir et les Tas de Pois, la plage de Pen Hat, la pointe du Toulinguet et la pointe du Grand Gouin. Appareil photo indispensable pour les images, et superlatifs nécessaires pour les commenter !
Hors circuit, les deux principaux monuments de Camaret sont à voir absolument. Ils se situent au bout du Sillon, une langue de galets endiguée qui protège les eaux du port des fureurs de la mer d’Iroise. Le premier de ces monuments est la Tour Vauban, un superbe ouvrage de défense qui, alors que sa construction n’était pas encore achevée, a permis, sous les ordres du génial bâtisseur, de mettre en déroute en 1694 les envahisseurs anglo-hollandais qui tentaient un débarquement en Bretagne. Cet ouvrage, également dénommé Tour dorée en raison de son enduit pigmenté de brique pilée, fait partie des 12 fortifications de Vauban classées au patrimoine mondial de l’Unesco depuis 2008. Le second monument est la chapelle Notre-Dame-de-Rocamadour où l’on peut observer des maquettes de bateaux suspendues à la voûte au titre d’ex-voto. Ce lieu de culte ne doit pas son nom au pélerinage d’un prêtre médiéval à Rocamadour en Périgord comme il est souvent affirmé, mais au socle de pierre sur lequel la chapelle a été construite au bout du Sillon, le Roc’h a ma dour. Son harmonieux voisinage avec la Tour Vauban offre l’une des vues les plus photographiées par les visiteurs de la presqu’île. Le peintre Charles Cottet lui-même y a été sensible comme les visiteurs du musée d’Orsay peuvent le constater en admirant sa toile Rayons du soir à Camaret.
La balade commence sur l’un des parkings de Camaret. Au bout du port en allant vers l’est, monter la rue des Quatre-Vents. Au rond-point, quitter la route principale qui part sur la gauche vers Crozon pour s’engager en face dans la modeste rue de Kernhos. 600 m plus loin, une patte d’oie : prendre à gauche la rue de Kerven, en direction du hameau de Lannilien. Tout près de là, les amateurs peuvent se rendre à la chapelle Saint-Sulien pour y admirer notamment les très beaux entraits peints, à condition toutefois que le monument soit ouvert. De Lannilien, on rejoint ensuite le hameau tout proche de Kerguelen. Un kilomètre après ce dernier, la route rejoint l’axe Camaret-Crozon. Traverser cette route pour découvrir un troisième hameau, celui-ci presque totalement et superbement restauré : Kerloc’h. À la sortie des habitations, après un regard vers les marais, retraverser la route de Crozon. On est là sur la plage de Kerloc’h. En face, sur l’autre rive de l’anse de Dinan, très belle vue sur la pointe de Dinan et la célèbre arche qui mène à son « château », un spectaculaire empilement de roches, partiellement disposées en gradins naturels.
Le circuit se poursuit désormais sur le GR 34. Progressivement, le sentier côtier monte sur les falaises dans un environnement boisé qui, très vite, laisse place à la lande dont les plus belles couleurs sont visibles en début d’été lorsque l’or des ajoncs se marie au violet des bruyères. Au bout de deux kilomètres de marche, voici la pointe de Portzen. La vue est spectaculaire, non seulement vers la pointe de Dinan et, au loin, l’extrémité du cap Sizun, mais aussi, en direction de l’ouest, vers la pointe de la Tavelle et les Tas de Pois qui se profilent déjà. Tout aussi spectaculaire, la pointe de la Tavelle domine des grèves sauvages du haut de ses 64 m. Quelques centaines de mètres plus loin, le sentier aborde une descente vers un vallon puis longe la jolie plage de Veryac’h, baignée par les eaux de l’anse de Pen Hir, du nom d’un hameau situé en retrait de la plage.
Pen Hir, c’est aussi et surtout le nom que ce hameau a donné à la pointe la plus spectaculaire et la plus visitée de la presqu’île. Dès la sortie de la plage, le GR 34 bifurque vers l’ouest et remonte doucement vers la pointe. Aux abords de celle-ci, la lande s’efface devant les pelouses qui colonisent les rares espaces entre les empilements de grès et de quartzite. Le point culminant, à 63 m au-dessus des flots, domine une impressionnante faille au fond de laquelle la mer s’engouffre par endroits en heurtant violemment la roche. Impossible de progresser plus loin : essaimés en file indienne dans le prolongement de Pen Hir (pointe longue), voilà les Tas de Pois. Ils ont pour noms Grand Dahouët, Petit Dahouët, Penn Glaz (tête verte), Chelott, Ar Forc'h (la Fourche) et [Bern Id (le tas de céréales). Cet ensemble unique constitue une formidable réserve ornithologique où nichent, dans un environnement inaccessible, mouettes, goélands, cormorans, pétrels et guillemots.
Tandis que l’on prend plaisir à observer les évolutions des oiseaux, la noria des voitures et des cars de tourisme est continue sur le parking de la pointe. On comprend les visiteurs : outre le fabuleux spectacle offert par les escarpements rocheux et l’incessant ballet des oiseaux de mer, les curieux peuvent observer les alpinistes sur les vertigineux à-pics des falaises du nord de la pointe ; ils peuvent aussi, tout à côté de ces parois, rendre un hommage muet « Aux bretons de la France Libre » devant le grand mémorial en forme de croix de Lorraine érigé quasiment à l’emplacement d’un sémaphore détruit durant la guerre et inauguré par le général De gaulle en 1951.
Pen Hir, c’est aussi un fabuleux panorama : côté sud, sur la baie de Douarnenez et l’extrémité de la Cornouaille, de la pointe de Kastel-Koz à la pointe du Raz ; côté nord, sur les côtes du Léon, de l’anse de Plougonvelin jusqu’à la pointe Saint-Mathieu et, au-delà, les îles du Ponant ; plus proche, sur la côte ouest du cap de la Chèvre depuis la pointe de Dinan. Pen Hir, c’est enfin quelques lieux cachés que seuls les initiés ou les explorateurs intrépides peuvent découvrir. À l’image de la célèbre « chambre verte » d’où, à l’écart des nombreux touristes, l’on peut en toute tranquillité se reposer et admirer les Pois sur une pelouse fleurie d’armérias.
Cap au nord. Le trajet qui mène à la plage de Pen Hat réserve, dans un environnement très escarpé et particulièrement spectaculaire, de très belles surprises sous la forme, d’une part, de superbes empilements de rochers dominant les flots et, d’autre part, d’espaces fleuris aux allures de jardins de rocaille. Après un peu plus de 1 500 mètres, le sentier rejoint un instant la route au niveau des blockhaus installés par les Allemands entre 1942 et 1944 sur une partie des emplacements de la batterie de Kerbonn, construite à la fin du 19e siècle, et dont la majeure partie des ouvrages est encore visible. L’un de ces blockhaus, signalé par de grandes ancres de marine, abrite un musée-mémorial de la Bataille de l’Atlantique.
La batterie de Kerbonn passée, le GR 34 descend vers la plage de Pen Hat. Un peu en amont du sentier, on aperçoit les ruines d’un bâtiment, le manoir de Coecilian, détruit par un bombardement en 1944. Ces ruines évoquent une histoire tragique, celle du poète marseillais Saint-Pol Roux dont la gouvernante et la fille Divine ont été violées en son absence par un soldat allemand avant que ses manuscrits soient pillés ou brûlés. Désespéré, le pauvre homme n’a survécu que quelques mois à cette tragédie. Non loin de là, c’est dans une atmosphère plus sereine que les amateurs de mégalithes peuvent admirer les 65 menhirs rescapés des alignements de Lagatjar. Contemporains de ceux de Carnac, ces alignements comptaient encore près de 600 mégalithes au 18e siècle !
Pen Hat. Sans doute l’une des plus belles et des plus sauvages plages de la presqu’île de Crozon. Nichée entre les remparts naturels de la pointe de Pen Hir et la pointe du Toulinguet, elle s’étire sur 700 m le long d’un espace de dunes qui contraste avec l’environnement rocheux. Belle mais dangereuse en raison de violents courants, la plage de Pen Hat est interdite à la baignade (interdiction pas toujours respectée), mais reste un « spot » très apprécié des amateurs de surf et de kite.
La balade se poursuit par la pointe du Toulinguet dont le nom se réfère à un rocher situé en mer ans lequel on est censé voir une « tête de lion », une vision en l’occurrence réservée aux seuls initiés ! Impossible ici d’aller au bout de la pointe, un rempart et une tour de 1812 coupant toute la largeur de l’éperon pour protéger un terrain militaire où préexistaient d’anciennes batteries destinées à la défense du port de Camaret. Sur cet emplacement protégé ont été construits en 1948-1849 un charmant phare et un sémaphore que l’on peut admirer de plus près les jours de Fête du Patrimoine.
Sitôt après la grève de Porz Naye, le GR 34 remonte sur la falaise cheminer sur une très jolie lande parsemée de vestiges de casemates et de batteries d’artillerie jusqu’à la pointe du Grand Gouin. Il est vrai que la position, stratégique, est idéale, d’une part, pour protéger le chenal d’entrée de l’anse de Camaret, d’autre part, pour compléter les nombreux ouvrages militaires qui se sont échelonnés depuis le 17e siècle tout au long de la côte ouest de la presqu’île de Roscanvel pour défendre l’entrée du Goulet de Brest. Très belle vue dans cette direction, de même que sur la côte sud du Léon où l’on repère facilement, juste en face, le phare du Petit Minou.
Après avoir profité du panorama de cette pointe, le retour vers Camaret est rapide. Abandonnant la lande, le sentier passe derrière un corps de garde modèle 1846 transformé en résidence privée. Désormais sur un chemin plus large, le GR 34 rejoint ensuite la plage du Corréjou, puis l’entrée du Sillon et le quai du Styvel. La boucle est bouclée. Il ne reste plus qu’à se rafraîchir dans l’un des bars du port et échanger ses impressions avec les camarétois. Rien de plus facile, ils sont, à juste titre, intarissables sur les beautés de leur presqu’île !
* Cf. Le Curé de Camaret, l’un des titres les plus connus du répertoire paillard.
Dans la série « Balades en Bretagne » :
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