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Serge-André Guay (---.---.155.227) 11 février 2006 18:22

Merci pour votre commentaire. Vous n’êtes pas sans savoir que l’on trouve différentes opinions sur le suicide et la mort parmi les philosophes, y compris celle de Platon que vous mentionnez. Personnellement, je préfère à ces opinions l’étude de la philosophie elle-même qui permettra, par exemple, d’apprendre comment se faire une opinion de faits cohérente avec ses valeurs profondes, comment approfondir ces dernières,... Bref, en ces temps où tout un chacun a sa propre opinion, je crois qu’il faut prioriser le processus même qui conduit à l’opinion plutôt que de discuter des opinions elles-mêmes. Évidemment, il faut souvent un sujet concret pour rattacher la quête à la réalité mais l’important demeure de ne pas laisser croire que la philosophie se résume à des débats d’opinions. Car, aujourd’hui, l’opinion règne en roi et maître au détriment de la logique et des faits. Plusieurs personnes ne font pas la différence entre « Il est vrai que je pense » et « Ce que je pense est vrai » ; la tendance est à prendre pour vrai tout ce que l’on pense uniquement parce qu’on le pense.

Je crois qu’il faut aborder la philosophie comme un mécanicien aborde la mécanique, c’est-à-dire suivre les règles connues de la pensée elle-même. Comprendre comment on pense me semble le principal objectif à atteindre.

Appliqué à la recherche d’un sens à la vie, cet objectif concerne la recherche elle-même. Comment partir à la recherche d’un sens à sa vie ? Et la réponse ne saurait provenir des opinions des uns et des autres sur le sujet.

Les questions directes telles « Quelle est votre opinion sur le suicide ? » ou « Quel est le sens de la vie ? », accompagnées d’une flopée d’opinions de philosophes, font peur pour me pas dire répugnent les gens, moi le premier. C’est d’ailleurs pourquoi je n’ai pas porté attention à la philosophie à l’école. La philosophie m’intéresse depuis seulement une dizaine d’années et c’est l’étude la pensée scientifique qui m’y a conduit. À l’époque, je cherchais pourquoi, dans ma profession d’alors, le taux de succès ne dépassait pas les 10%. La réponse se trouvait dans les nombreuses erreurs de pensées commises en ma discipline où l’opinion prédominait sur les vérités de faits, même les plus scientifiques. Je voulais savoir comment on fait pour être certain et les limites à s’imposer pour s’en assurer. Il m’a fallut remonter dans le temps, à la naissance même de la pensée scientifique argumentée alors par les philosophes. Comme vous le savez, les premiers scientifiques étaient aussi très souvent des philosophes. J’ai ainsi acquis la certitude que la connaissance des mécanismes de la pensée et de sa propre pensée était l’élément de base de toute acquisation de connaissances. Forcé à prendre le recul nécessaire, j’ai compris l’importance de se connaître pour connaître. Autrement, on demeure souvent biaisé par soi-même. Je crois que c’est excatement ce qui se produit lorsque le mal de vivre frappe. Nous sommes manipulés par nous-mêmes, nos perceptions, nos pensées, les événements, voire la vie elle-même.

Personnellement, le seul sens que j’ai trouvé à ma vie est dans le don de soi à l’autre, sous l’inspiration de mes convictions et de mes valeurs les plus profondes.

Quant au droit de disposer de son corps et de sa vie, c’est la notion même de droit qui m’irrite le plus, surtout lorsqu’il y a confusion avec la notion de liberté. Je préfère et de loin la notion de « devoir », telle qu’elle se présentait jadis, avant l’arrivée des chartes des droits de toutes sortes. J’ai l’impression que la notion de droit est apparue par défaut, parce que l’Homme ne remplissait pas ses devoirs face à lui-même et aux autres. Il fallait lui donner des droits pour corriger un tant soit peu les problèmes mais l’opération ne fut pas sans distorsion, notamment, en associant ces droits à des libertés. Je préférerais que l’Homme agisse par devoir plutôt que par droits et libertés. Mais cela est impossible parce que la philosophie, lire la « sagesse », fait défaut plus que jamais actuellement.

J’aborde donc le soit disant droit de disposer de son corps et de sa vie suivant la logique personnelle suivante : la vie prédominant sur la mort, nous avons le devoir de vivre et, par conséquent, de soigner le mal de vivre. La vie n’est pas libre de mourir, l’Homme ne l’est pas non plus. Introduire la notion de liberté est à mon avis une grave erreur. Je ne crois pas que c’est en raison d’une telle liberté qu’on se donne la mort. C’est plutôt l’aveuglement causé par la souffrance du mal de vivre qui pousse au suicide. Le suicide n’est pas un choix libre mais une conséquence malheureuse d’un aveuglement, comme tant d’autres problèmes humains d’ailleurs.

Là où la notion de liberté me semble naturelle, c’est lorsqu’il est question de morale. On dit, par exemple, que l’Homme est libre de faire le bien ou le mal. Certains diront que l’Homme est aussi libre de définir le bien et le mal comme bon lui semble, mais c’est un autre problème, purement intellectuel d’ailleurs et dans lequel je ne souhaite pas m’impliquer parce que les bases de la logique sont souvent... libertaires.

Ce n’est que du point de vue moral que l’on se demander si le suicide relève d’une éventuelle liberté de choix entre le bien et le mal. Ici, il n’est plus question d’objectivité, de logique et de vérité de faits mais plutôt de croyances et de devoirs moraux. Et contrairement à la croyance populaire qui associe la liberté à des responsablités, je crois que la liberté de choix implique avant tout des conséquences, surtout en matière de croyances. Selon le choix fait et selon la croyance, il y a telle ou telle conséquence. Si notion de responsabilité il y a, c’est d’être conscient des conséquences de ses choix.

Somme toute, on revient toujours à la base en matière de suicide : la conscience d’être qu’implique la connaissance de soi et que procure la philosophie, avec une majuscule.

Serge-André Guay


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