Bretagne : 50 bougies pour le GR® 34
50 ans, déjà ! C’est en effet en 1968 qu’ont été engagés les premiers travaux de balisage de ce GR® (sentier de grande randonnée) bien connu des amoureux de la Bretagne. Avec ses 2 000 kilomètres de sentiers en grande majorité côtiers, dont nombre d’anciens « chemins de douaniers », le GR® 34 relie la baie du Mont-Saint-Michel au pont de Saint-Nazaire. Un sentier emblématique qui offre le panorama maritime le plus long et le plus diversifié de notre pays...
- GR 34 : La côte de Granit rose à Ploumanac’h / La côte des Légendes à Menez Ham / La presqu’île de Crozon à Pen Hir / La côte sauvage de Quiberon à Port-Blanc
Élue par les internautes GR® préféré des randonneurs en 2017, la section « baie de Morlaix » du GR® 34 a très nettement devancé des sections remarquables du GR® 70 (le mythique « Chemin de Stevenson ») et du non moins mythique, et redoutable par sa difficulté, sentier corse GR® 20. C’est dire l’attachement que les randonneurs portent à ce GR® 34 qui fait le tour de la Bretagne en longeant les côtes de l’Ille-et-Vilaine au Morbihan en passant par les Côtes d’Amor et le Finistère. Avec à la clé une succession de grands sites et de lieux chargés d’histoire.
« Faire le GR® 34 », c’est en effet pour les randonneurs l’assurance d’un plaisir sans cesse renouvelé entre spectaculaires falaises, polders méconnus, dunes romantiques plantées d’oyats et de panicauts, grandes plages et petites criques, grèves sauvages envahies de goémon, cordons de galets parsemés de choux de mer, marais salants, chaos rocheux, villes fortifiées, stations balnéaires aux villas « Belle époque », ports de pêche et mouillages insolites. Le tout soumis aux marées qui, en quelques heures, modifient radicalement l’aspect des sites sous un ciel aux couleurs changeantes. Sans oublier, omniprésents, les cris des mouettes et des goélands. Un GR® 34 si attractif et si pittoresque que l’on vient de loin, y compris de nombreux pays étrangers, pour découvrir les merveilles de ce sentier, pour s’emplir les poumons des bouffées iodées portées par le vent marin, pour s’enivrer des senteurs de noix de coco que diffusent au printemps les ajoncs en fleur.
Sur de nombreuses parties le GR® 34 a repris le tracé des fameux « sentiers de douanier » dont il convient de rappeler en quelques mots l’origine et l’utilité. Sans Colbert, le contrôleur général des Finances qui, entre 1664 et 1667, a instauré les droits de douanes tout à la fois pour alimenter les caisses de l’État et protéger les productions nationales de la concurrence étrangère, le corps des douaniers n’aurait pas vu le jour. Ni la contrebande que les « gabelous » avaient pour mission d’enrayer en empêchant notamment les débarquements clandestins de marchandises.
Une contrebande qui, durant les années de la Révolution, s’est fortement développée à l’initiative des Anglais, désireux, en commerçants opportunistes, de profiter des désordres de notre pays pour écouler sans payer de taxes les produits que la bien-nommée « perfide Albion » faisait transiter par les îles anglo-normandes et débarquer discrètement sur des grèves isolées. D’où la création en 1791 par l’administration des Douanes d’un sentier littoral de surveillance découpé en « penthières ». Jalonné de « corps de garde » dont certains préexistaient à des fins militaires, chaque section de patrouille était confiée à la surveillance d’une brigade de gabelous en uniforme et armés dès le début du 19e siècle. À noter que les missions de ces hommes ne se limitaient pas à la seule prévention de la contrebande : ils avaient également en charge de signaler tout mouvement de navire suspect et d’empêcher l’embarquement d’individus en fuite.
Tombés en désuétude au fil du temps du fait de l’évolution des techniques de surveillance, les sentiers de douaniers ont été délaissés depuis longtemps, et les corps de garde* – en général des petites bâtisses de pierre, trapues et couvertes d’ardoises ou de lauzes – laissés à l’abandon. Ici et là, le tracé des sentiers a pourtant continué d’être entretenu par quelques municipalités. Et c’est à l’initiative d’une poignée de bénévoles que le premier tronçon de l’actuel GR® 34 a été ouvert en 1968 sur la partie est de la Côte de granit rose (région de Lannion), balisé pour la première fois par les célèbres marques blanches et rouges. Les autres sections ont progressivement été ouvertes au fil des ans, le plus souvent après remise en état de l’ancien chemin des douaniers. À cet égard, il convient de remercier chaleureusement tous ceux qui, au prix de difficiles travaux de débroussaillage, de nivellement et de signalétique, effectués la plupart du temps par les bénévoles du comité breton de la Fédération Française de Randonnée pédestre**, ont permis aux randonneurs et aux promeneurs d’emprunter le GR® 34 pour en découvrir toutes les beautés naturelles et patrimoniales. Merci donc à eux et à ceux qui, de nos jours, continuent d’entretenir ces sentiers !
Encore fallait-il, pour que la totalité du parcours breton soit réalisée dans la continuité, que le droit de passage des piétons en bordure de la côte soit validé par les pouvoirs publics et gravé dans le marbre de la loi. Cela s’est fait en trois temps : 1°) en 1975, grâce à la création du Conservatoire du Littoral, établissement public en charge de la protection de sites côtiers remarquables par le biais d’une politique d’acquisitions ; 2°) en 1976, grâce à la loi sur le Code de l’Urbanisme dont un article instaurait « une servitude destinée à assurer exclusivement le passage des piétons » en marge des « propriétés privées riveraines du domaine public maritime » ; 3°) en 1986, grâce à la loi dite « littoral » qui a étendu la protection des abords du domaine maritime et conforté les servitudes de passage.
Aujourd’hui, le GR® 34 offre un parcours entièrement balisé de 2 000 km entre le Mont-Saint-Michel et le pont de Saint-Nazaire. Un parcours d’une variété et d’une richesse exceptionnelles. Impossible de détailler ici tous les pôles d’intérêt d’un tel tracé tant ils sont nombreux. Une mention particulière toutefois aux grands sites tels le Cap Fréhel, le Cap d’Erquy, la Côte de granit rose, la Baie de Morlaix, les Abers du Léon, la Presqu’île de Crozon, le Cap Sizun, la Presqu’île de Quiberon, le Golfe du Morbihan et les marais de Guérande. Une autre mention pour les villes remarquables (Lannion, Morlaix, Saint-Pol-de-Léon, Auray), parfois fortifiées (Saint-Malo, Concarneau, Port-Louis, Vannes et Guérande). Sans oublier, cela va de soi en Bretagne, les nombreux ports, petits et grands, qui, outre Brest, Douarnenez et Lorient, jalonnent le GR® 34 de la Manche à l’Atlantique en passant par la mer d’Iroise. Sans oublier non plus les chapelles et calvaires édifiés aux abords des rivages.
Il ne reste plus qu’à se munir du sac à dos et s’équiper de bonnes chaussures de randonnée. Kenavo !
* Il subsiste en Bretagne des dizaines de corps de garde. L’un des plus spectaculaires et des plus photographiés est celui de Menez Ham en Kerlouan.
** Association crée en 1947 et reconnue d’utilité publique depuis 1971.
Articles portant sur des lieux traversés par le GR® 34 :
Au pays du granit rose (2015)
Arzon : entre océan et « petite mer » (2014)
Circuit Camaret - Pen Hir (2014)
Tour du Cap d’Erquy (2014)
Keremma : un rêve de phalanstère (2009)
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