Crouler sous les épaves électriques

Il y a entre 60 et 130 constructeurs de voitures électriques en Chine et pour se démarquer sur ce marché hyperconcurrentiel, on remplit les véhicules de gadgets électroniques plus ou moins utiles, qui seront obsolètes dès la prochaine nouvelle collection de printemps. Une charmante jeune femme sur la vidéo jointe nous explique qu’aujourd'hui, on change d’auto tous les cinq ans… Comme les téléphones portables, dit-elle, et pourquoi pas bientôt, « la jetable », tel le rasoir à main à trois lames ? Ainsi, tous ces modèles devenus trop anciens (5 ans) finissent dans des casses improvisées un peu partout à la périphérie des villes. Un spécialiste nous dit que 50% des batteries sont recyclées.[i] Pour rappel, les Chinois sont 1,4 milliard. Si on se dit que les Indiens s’y mettent aussi avec leurs 1,5 milliard d’habitants, on se dirige vers une catastrophe écologique majeure, due en premier lieu au fait de crouler sous les épaves éparpillées partout dans ces pays, peu réputés d’être des parangons d’écologie. Pour rappel, en Chine, il y a 18 millions de voitures électriques qui roulent, et le marché ne fait que se développer.

D’abord une guerre idéologique : avant d’être commerciale ; bien souvent, l’idéologie et le business s’accordent. Dans un pays si peu démocratique que la Chine, quelques têtes pensantes du sommet donnent le top-départ. Ensuite, il n’y a pas à barguigner. Fi, des états d’âme, des revendications, des syndicats et autres fadaises démocratiques. Dans le pays de l’Empire du Milieu, on fonctionne à coups de « Grands Bonds en avant », Mao ayant donné le La. Ça s’est passé en deux bonds : le 1ᵉʳ, en 2010, où le pays devient le leader mondial de la production de véhicules thermiques. Le second, quelques années de plus voit éclore le marché de l’électrique sur son sol, « Les autorités chinoises ont cherché à passer d’une industrie automobile implantée en Chine (mais dominée par les constructeurs étrangers) à une industrie automobile proprement nationale (portée par les constructeurs chinois)  ».[ii] Et, à coups de pieds au derrière, en peu de temps, la Chine prend le leadership de la fabrication de ces électriques et hybrides, avant que l’occident ne réagisse. Chez nous, il faut trouver des équilibres et un consensus, alors que là-bas, si on veut se référer à l’histoire et au fameux « miracle allemand » des années 30, les nazis avaient redressé la situation économique en imposant des diktats sans s’embarrasser de salamalecs superfétatoires… Alors même si la Chine n’a rien à voir avec l’ex-système allemand, il n’empêche qu’en voyant la société chinoise hyper fliquée, avec son « crédit social », il y a bien un miracle économique, mais au prix d’un contrôle très strict de la population, qui n’aurait rien à envier à la Gestapo, la Stasi et autres fioritures concentrationnelles. 

Envahir le marché européen : on pourrait penser qu’il y a un esprit de revanche, car avant 2010, c'étaient les voitures européennes, surtout les allemandes, qui faisaient baver les consommateurs locaux. Ce n’est plus le cas, et l’empire du milieu nous regarde de haut. Avec son dumping salarial, ses lois pro-exportations, ses subventions et le je-m'en-foutisme écologique, fait que les produits électriques roulants Made in China dament le pion et de loin à ceux de l’occident. Actuellement, c’est le Farwest au niveau de la fabrication des bagnoles. Parmi les start-up chinoises pionnières sur l’électrique, nous pouvons citer Nio, Li Auto ou Xpeng. Mais, « tout le monde ne survivra pas. » Ce qui est certain, c'est que le marché domestique gigantesque reste une garantie, avec des ouvertures vers les voisins asiatiques et russes.

La Commission européenne : la von der Leyen veut taxer plus fortement les importations de voitures chinoises. Cependant, certains constructeurs historiques appellent la présidente à revoir sa position. Le PDG de Mercedes-Benz, prône l’ouverture des marchés et estime « qu’il ne faut pas exclure la Chine de l’industrie automobile mondiale ».[iii] Vœux pieux, car nous n’avons pas les moyens d’exclure… Dans chaque pays du continent, des concessions s’installent. Rien qu’en France, Xpeng a déjà 30 concessions réparties sur l’ensemble de l’Hexagone et prévoit de doubler ce chiffre d'ici à la fin 2025. Il s’agit d’un véritable reflet des ambitions de la marque qui souhaite notamment rivaliser avec Tesla. Il faut savoir qu’il est possible d’acquérir un de ces véhicules vers les 20.000 euros (Leapmotor T03), alors que le prix moyen se situe plus vers les 30.000.[iv]

Quant au recyclage des batteries : la Chine y va à fond dans la communication sur le recyclage. « La firme chinoise CATL prévoit de construire plusieurs usines de recyclage de batteries en Europe. Elle possède déjà deux sites d’assemblages sur le territoire et serait en mesure de valoriser certains éléments à 99 %. »[v] Ce qui est tout de même curieux pour un pays qui laisse pourrir des voitures garées un peu partout sans rien faire sur son propre territoire, non ? Il y a des « données produites » par le ministère de l'Industrie et des Technologies de l'information « promettant que la Chine a créé plus de 10 000 points de service de recyclage de batteries électriques. L'année dernière, l'utilisation globale de batteries usagées dans les véhicules à énergie nouvelle a atteint 225 000 tonnes.  » Ça ne rappellerait-il pas les fameux plans quinquennaux du temps des soviets, ces chiffres lumineux ? Ce qu’il faut croire, c’est que le recyclage est le cadet des soucis de cette industrie, qu’elle soit électrique, hybride ou thermique. Il faut VENDRE ! La France vise deux tiers de ventes de voitures électriques et 15% dans le parc roulant d'ici à 2030.[vi] Pourtant, avec tout ce foin communicationnel, une vague de fond nous dit que : la voiture électrique n'a pas d'avenir, car les Infrastructures sont insuffisantes, l’autonomie est limitée, le coût en cas de panne très élevé, le tarif de l’électricité ne cesse de grimper, le prix des assurances aussi pour ce type de voiture et les aides à l’achat supprimées ; donc ? Autant de freins à son adoption massive. Pourtant, les États arc-boutés poussent à vendre-vendre-vendre… Et ensuite ?

Le déluge de bagnoles pourrissant aux quatre coins de la planète et composant un jour comme un autre 7ᵉ continent, fait de déchets et de bouts de plastique qui dérivent au fil des courants marins et tue tout ce qui peut nager… Au secours ! Alertez les bébés, car les rapaces de la mort ont dû se châtrer les ailes.[vii]

Georges ZETER/février 2025

Vidéo : en Chine, les cimetières géants de voitures électriques se multiplient