De l’harmonisation sociale en Europe
Certains adversaires de gauche du Traité constitutionnel européen (TCE) l’ont refusé sous le prétexte que ce traité déclare l’UE incompétente dans le domaine social et fiscal. Or ils refuseraient que celle-ci remette en question le modèle social français, tout en maintenant l’exigence de cette compétence Il y a là une incohérence qui mérite réflexion.
Si cette harmonisation, en effet très souhaitable, était de la compétence de l’UE, cela ne ne pourrait être qu’une promesse vague de sa part et sans engagement quant au délai. Pourquoi ? Pour la raison que la vieille Europe serait forcée d’accepter d’augmenter fortement les impôts des différents Etats et/ou du budget européen alimenté par eux, pour financer le développement des nouveaux entrants ; les déficits publics sont, en effet, tels qu’ils ne pourraient le faire autrement, d’autant plus que la compétitivité de nos économies suppose un effort gigantesque dans le domaine de la recherche et de l’enseignement (en particulier enseignement supérieur dans lequel la France est lanterne rouge en Europe). Au passage il faudrait rapidement aussi revoir à la baisse le financement de la PAC ; et je vois mal la France aller très vite dans cette direction (À ce propos : Blair a raison contre la position française !)
Donc la seule chance de voir un développement rapide des nouveaux entrants, condition de cette harmonisation ultérieure tant souhaitée, est de jouer pour le moment sur le bas coût comparatif chez eux de la force de travail et de la fiscalité, à l’exemple de l’Irlande, il y a dix ans. Faut-il pour autant croire que cette harmonisation est renvoyée aux calendes grecques ?
À mon sens non, les populations des nouveaux entrants vont tout faire pour voir leurs salaires augmentés et exiger le développement de services publics gratuits, donc la question de la fiscalité sera chez eux au centre des débats politiques. Pour l’instant, cette revendication opère sur un mode nationaliste, qui, nous le savons, est incapable d’y répondre.
Donc l’harmonisation se fera par en bas et non par en haut ; ne pas y croire c’est ne pas comprendre que les populations des nouveaux Européens partagent les mêmes revendications sociales et sont tout aussi capables de les imposer que chez nous.
Or, c’est précisément ne pas être de gauche que de croire que le progrès social peut s’opérer sans combat social : les "gauchistes" qui veulent que le progrès social soit garanti a priori par un texte juridique et un super Etat européen font par là la preuve qu’ils n’ont aucune confiance dans les luttes politiques et sociales et/ou qu’ils croient que les populations de ces pays accepteraient de rester éternellement victimes de la situation inégale qui est la leur aujourd’hui ; ce qui est une position de droite, rigoureusement méprisante et donc politiquement méprisable de la population de ces pays, assimilée à une populace passive, corvéable et exploitable à merci. Cette prétendue gauche de la gauche fait tous les jours la preuve qu’elle ne pense jamais la politique dans la dimension de l’histoire sociale et progressiste ! Elle est socialiste d’Etat à la manière d’un Lasalle, par le haut, conception déjà vertement critiquée par Marx comme droitière ; en cela, elle est à la fois antilibérale et antimarxiste ou pour tout dire sociale-(super)étatiste (européenne)...
Reste à savoir pourquoi elle semble l’être pour les autres et pas pour la France ; à mon avis, c’est clair : c’est pour préserver les avantages acquis en France en exigeant qu’ils soient imposés à ceux qui ne remplissent pas les mêmes conditions économiques. Ce qui est, soit aberrant, soit un calcul pervers, dans le secret espoir de voir leur développement compromis.
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