De l’URSS à la Fédération de Russie via la CEI
Le territoire de l'URSS varia dans le temps, surtout avant et à l'issue de la Seconde Guerre mondiale. Le pays était composé, avant sa dissolution, d'un certain nombre de républiques et régions autonomes en plus de ses quinze républiques fédérales : Arménie, Azerbaïdjan, Biélorussie, Estonie, Géorgie, Kazakhstan, Kirghizistan, Lituanie, Lettonie, Moldavie, Ouzbékistan, Russie, Tadjikistan, Turkménistan, Ukraine.
La constitution de 1978 de la Russie reconnaissait un certain nombre de subdivisions administratives, dont quelques-unes disposaient d'un certain degré d'autonomie. Leur existence justifiait à la « Russie soviétique » son statut d'État fédéral, au sein même d'une plus vaste fédération que constituait l’URSS (Union des républiques socialistes soviétiques). La Russie était donc aussi appelée la RSFSR (république socialiste fédérative soviétique de Russie). La confusion entre URSS et RSFSR est fréquente.
Elle comportait notamment 16 républiques autonomes (bachkire, bouriate, de Carélie, du Daghestan, kabardino-balkare, de Kalmoukie, des Komis, des Maris, de Mordovie, d’Ossétie du Nord, oudmourte, tatare, de Tchétchénie-Ingouchie tchouvache, Touva, yakoute). Elle comportait aussi 5 oblasts autonomes (Adyguéens, du Haut-Altaï, juif, des Karatchaïs-Tcherkesses, Khakasse). Elle comportait enfin 10 districts autonomes (des Bouriates d’Aga, de Bouriatie-Oust-Orda, des Evenks, des lamalo-Nenets, des Komis-Permiaks, des Khantys-Mansis, des Koriaks, des Nenets, des Tchouktches, de Taïmyr). Il était déjà très abusif de parler de réelle autonomie à propos de ces républiques, oblasts et districts, mais cela va être pire avec la mise en place d’un état dictatorial par Poutine.
Nous allons voir que l’URSS va laisser sa place à la CEI. Cette dernière n’aura plus guère de rôle à jouer au moment où la RSFSR va être remplacée par la Fédération de Russie (constitution de décembre 1993).
De multiples interprétations sur ces évènements circulent. Avant de pouvoir en discuter, il faut au moins avoir connaissance des faits. Je donne ci-dessous une chronologie de quelques faits qui me paraissent importants.
En 1989, pour la première fois depuis le début de l'ère soviétique, des élections libres ont lieu.
En 1990 les partis politiques sont autorisés. Cette ouverture est surtout l'occasion pour les peuples des différentes nationalités composant l'URSS de manifester leurs souhaits de souveraineté.
Le 12 juin 1990, Boris Eltsine fait voter la souveraineté de la RSFSR par le 1er Congrès des députés du peuple de la RSFSR.
Le traité START I, est signé le 31 juillet 1991 par les présidents George H. W. Bush et Mikhaïl Gorbatchev quelques mois seulement avant la dislocation finale de l'Union soviétique. Ce traité entre en vigueur le 5 décembre 1994 ;
Le 25 août 1991, le PCUS est dissous, puis la plupart des républiques qui constituent l'URSS prennent leur indépendance dans les jours ou semaines qui suivent.
D'août à décembre 1991, les quinze républiques soviétiques ont dénoncé le traité de création de l'URSS et, comme la Constitution soviétique l'autorisait, elles ont quitté l'Union.
Le 8 décembre 1991, signature de l’accord de Minsk sur l’établissement de l’USG (Union des Etats Souverains). L’accord est signé par la Russie (RSFSR), la Biélorussie et l’Ukraine. L’objectif est de tenter de maintenir des liens privilégiés entre les pays issus de l'ex-URSS.
Le 21 décembre 1991, onze républiques signent les accords d'Alma-Ata établissant officiellement la Communauté des États indépendants (CEI) et déclarant que l'URSS a cessé d'exister. Ce nouvel accord modifie donc l’accord de Minsk. Les onze républiques signataires sont : Arménie, Azerbaïdjan, Biélorussie, Kazakhstan, Kirghizistan, Moldavie, Ouzbékistan, Russie, Tadjikistan, Turkménistan, Ukraine. La Géorgie ne participe pas à la conférence d’Alma-Ata mais elle rejoindra la CEI sous la pression russe deux ans plus tard, le 23 octobre 1993, dans le contexte du cessez-le-feu entre les forces gouvernementales géorgiennes et les séparatistes d'Abkhazie. L’objectif de cet accord d’Alma-Ata est d'acter la fin de l'existence de l'URSS en tant que « sujet du droit international et de la réalité géopolitique » et de préserver les liens entre les futurs nouveaux États. La déclaration conjointe précise que la CEI n'est « ni un État, ni une entité supranationale ». Les républiques Baltes (Estonie, Lituanie, Lettonie) refusent d’y adhérer. Ces républiques avaient été contraintes de rejoindre l’URSS en 1940 lors de l’accord entre Hitler et Staline par la volonté de ces deux dictateurs.
La confirmation à Alma-Ata de la création de la CEI par onze des quinze anciennes républiques signifie de façon irrémédiable la fin de l'URSS. La déclaration publiée par les onze stipule explicitement que « l'Union des Républiques socialistes soviétiques cesse d'exister avec la création de la Communauté des États indépendants ».
Le 24 décembre 1991, la Russie est reconnue par l’ONU comme État continuateur de l’Union soviétique et lui succède au Conseil de sécurité des Nations unies.
Le 25 décembre, Eltsine proclame d'autorité, lors d’une séance au Parlement, la dissolution de l’Union soviétique et l’indépendance de facto de la Russie. Le président soviétique alors en poste est Mikhaïl Gorbatchev. Il est le huitième et dernier dirigeant de l'URSS. Il démissionne et déclare son poste supprimé. Il transfère ses pouvoirs, y compris le contrôle des codes de lancement de missiles nucléaires, à, Boris Eltsine. Ce soir-là, à 19 h 32, le drapeau soviétique est abaissé pour la dernière fois du Kremlin et est, le lendemain à l'aube, remplacé par le drapeau russe.
Le 26 décembre 1991, le Soviet suprême se réunit et dissout formellement l’Union soviétique.
Le 30 décembre 1991, un nouvel accord est signé à Minsk. Il prévoit un transfert des armes nucléaires tactiques vers la Russie dans un délai de 6 mois. A ce moment, quatre anciennes républiques de l’URSS possèdent l’arme nucléaire : la Russie, l’Ukraine, la Biélorussie et le Kazakhstan. L’Ukraine est alors la troisième puissance nucléaire mondiale.
Le 20 mars 1992, la force collective de maintien de la paix de la CEI est créée à Kiev. Entre 1992 et 1993, les Russes interviendront, dans ce contexte, en Transnistrie, au Tadjikistan, en Ossétie du Sud et en Abkhazie.
Le 21 avril 1992, la RSFSR est renommée fédération de Russie.
Le 15 mai 1992, sept États de la CEI (la Russie, la Biélorussie, le Kazakhstan, l’Arménie, le Tadjikistan, le Kirghizistan, l’Ouzbékistan) signent à Tachkent un traité de sécurité collective.
Le traité START II est signé le 3 janvier 1993 par les présidents George H. W. Bush et Boris Eltsine dont la ratification est retardée jusqu'au 14 avril 2000 en raison de désaccords entre les deux États ; bien que ratifié, le traité n'entre pas en force, les deux États signataires s'accordant alors sur la signature du traité SORT de désarmement stratégique ?
En 1993, le commandement militaire unifié de la CEI est aboli.
En 1993, la Charte de la CEI a été adoptée et ratifiée par sept membres de la communauté (la Russie, la Biélorussie, l’Arménie, le Kazakhstan, le Tadjikistan, l’Ouzbékistan et le Kirghizistan). Cependant, l’unité politique de la CEI se révèle difficile à construire car l’Ukraine et le Turkménistan refusent d’accepter la Charte.
Le 23 octobre 1993, la Géorgie a été contrainte de demander l'adhésion à la CEI, en échange d'une intervention militaire russe devant stabiliser la situation politique en Abkhazie et en Ossétie du Sud.
La CEI n’a pas été remplacée par la Fédération de Russie. Elle existe encore. Elle était composée au départ de 11 républiques, puis 12 avec l’adjonction de la Géorgie. Il en reste 8 depuis le départ en 2023 de la Géorgie, du Turkménistan, de l’Ukraine et de la Moldavie.
La CEI, qui a notamment pour ambition de régler les conflits postsoviétiques à l’échelle intergouvernementale, échoue dans cette mission. Elle ne réussit pas non plus à empêcher les risques de balkanisation dans le Caucase
Le 12 décembre 1993, création de la Fédération de Russie. Nous avons vu que dès le 21 avril 1992, la RSFSR avait été renommée fédération de Russie. Mais c’est vraiment avec la mise en place de la nouvelle constitution qu’on peut parler de la création de la Fédération de Russie. La constitution est approuvée par référendum. Cette constitution remplace la constitution soviétique de 1978 de la RSFSR. Cette RSFSR était l’une des 15 républiques de l’URSS. Elle en était de facto la république dominante tant politiquement qu’économiquement. Elle représentait les trois quarts du territoire de l'Union, plus de la moitié de sa population, les deux tiers de son industrie et environ la moitié de sa production agricole. La Constitution russe du 12 décembre 1993 a posé les fondations d'un « État de droit, démocratique fédéral, doté d'une forme républicaine de gouvernement ». Il est indispensable d’écrire cette expression avec des guillemets. (Version de 2014 de la constitution) C’est cette constitution qui acte la création de la Fédération de Russie. Cette constitution consacre le régime dictatorial de la Russie qui sera bientôt gérée par un seul homme : Poutine. Celui-ci modifiera pour cela cette constitution. Cela est exprimé en des termes charmants par un juriste français (Marie-Elisabeth Baudoin) qui examine comment fonctionne la cour constitutionnelle
« Un des principaux défis qui se posent aujourd'hui à la Cour constitutionnelle russe concerne l'extension du pouvoir présidentiel et le renforcement de la centralisation du pouvoir, ou de la fameuse « verticale du pouvoir » selon l'expression de Vladimir remplace Poutine. Or, il apparaît que l'action de la Cour constitutionnelle se trouve largement contrainte par des facteurs exogènes, qu'ils soient d'ordre politique ou normatif. Depuis 1993, la domination du Président sur la scène politique russe se traduit soit par l'absence de respect de la majorité parlementaire, soit par la totale soumission du Parlement au Président. En effet, de 1993 à 1999, la Russie a connu un Parlement dominé par l'opposition au Président, sans que celle-ci ait d'influence sur la composition du Gouvernement. À partir de 2000, une évolution sensible est apparue, le Président Poutine ne se voyant pas opposer une majorité parlementaire ouvertement hostile. Enfin, avec les élections législatives du 7 décembre 200, a vu le jour un Parlement largement acquis à la cause présidentielle, ce qui lui laisse une totale liberté d'action, encore accrue par les élections du 2 décembre 2007. »
En 1994, la CEI ne parvient pas à mettre fin au conflit entre l’Arménie à l’Azerbaïdjan à propos du Haut-Karabagh (1992-1994).
Le 5 décembre 1994 sont signés les mémorandums de Budapest. Ce sont trois documents signés en termes identiques par la Biélorussie, le Kazakhstan et l'Ukraine ainsi que par les États-Unis, le Royaume-Uni et la Russie, qui accordent des garanties d'intégrité territoriale et de sécurité à chacune de ces trois anciennes républiques socialistes soviétiques (RSS) en échange de leur ratification du traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (TNP). En 2009, les États-Unis et la Russie confirmeront la validité de ces trois mémorandums. Avec ces référendums,la Biélorussie, le Kazakhstan et l'Ukraine renoncent à la possession d'armes nucléaires et s'engagent à rejoindre le traité sur la non-prolifération des armes nucléaires.
Entre 1994 et 1999, la CEI se trouve paralysée. On peut dire qu’avec ka dictature que Poutine met alors en place, la CEI n’a plus vraiment de rôle. Par exemple, la brutalité de l’intervention russe en Tchétchénie (première guerre de Tchétchénie (1994-1996)) remet en question le pouvoir unificateur de la CEI.
En 1994, face à l'immobilisme de la CEI et aux difficultés économiques dues à l’éclatement de l'Union soviétique, certains pays issus de l’ex-URSS prennent des initiatives pour créer des unions plus poussées et plus dynamiques au sein de l’espace post-soviétique. Une partie des républiques de la CEI, notamment la Russie, le Kazakhstan, la Biélorussie, l’Ukraine et le Kirghizstan, plaident pour un rapprochement plus important que celui de la CEI. En effet, une proposition faite en 1994 par le président kazakh Nazarbayev envisage la création d’une Union eurasiatique, mais cette proposition ne sera jamais adoptée.
Le 2 avril 1996, la « Communauté de la Russie et de la Biélorussie » est formée.
En 1996, l’Ukraine, la Géorgie, l’Azerbaïdjan et la Moldavie forment ce qui deviendra le GUAM (Organisation pour la Démocratie et le Développement).
En 1997, les tensions entre Kiev et Moscou diminuent lorsqu'un traité est conclu. Selon ce traité, la Russie reconnaît les clauses bilatérales du traité « Paix et Amitié » confirmant l'appartenance de la Crimée à l’Ukraine. L’ancienne flotte soviétique de la mer Noire et ses installations sont alors partagées entre l’Ukraine et la Russie, la base navale de la flotte de la mer Noire est située à Sébastopol, grâce à un bail qui expirera en 2017.
Le 2 avril 1997, la « Communauté de la Russie et de la Biélorussie » devient l’« Union de la Russie et de la Biélorussie ».
Le 29 avril 1998, Berezovski est nommé secrétaire exécutif de la CEI, il est également chargé de préparer les réformes « en profondeur ».
En 1999, l'organisation, dite alors GUUAM, succède au GUAM par l’adjonction de l'Ouzbékistan. Cette organisation pro-occidentale regroupe des États qui se sentent menacés par la Russie. Cela n’est pas du goût de Poutine. Ces quatre États sont membres de la CEI au moment où ils se constituent en son sein. Ils subissent des conflits territoriaux latents où la Russie joue un rôle de premier plan2, avec l'entretien en particulier de bases militaires : Transnistrie russophone pour la Moldavie, Crimée et minorité russe en Ukraine, Abkhazie et Ossétie du Sud (et dans une moindre mesure Adjarie) en Géorgie, et Haut-Karabagh occupé par l'Arménie (alliée de la Russie) pour l'Azerbaïdjan.
Septembre 1999, Poutine est promu Premier ministre.
Le 31 décembre 1999, la démission de Eltsine fait de Poutine le président par intérim
Le 26 mars 2000, Poutine remporte l’élection présidentielle dès le premier tour avec 52,9 % des voix. Il est ainsi confirmé dans cette fonction.
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