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L’hiver des luttes de classes ?

L’Hiver des Luttes de Classes ?

 Faible Mobilisation du 1er Mai 2025

Le 1er mai 2025, journée internationale des travailleurs, a révélé une faible mobilisation ouvrière en France. Avec seulement 100 000 à 300 000 manifestants dans tout le pays, selon la CGT, et des cortèges clairsemés à Nice (800 personnes), Saint-Denis (600) ou Saint-Pierre (100), la mobilisation a été bien en deçà des 550 000 revendiqués en 2023 contre la réforme des retraites. Cet essoufflement, loin d’être conjoncturel, s’inscrit dans l’effondrement du syndicalisme de lutte et un brouillage politique orchestré par les politiques immigrationnistes d’Emmanuel Macron et Jean-Luc Mélenchon. En masquant le lien entre l’immigration et les exigences patronales pour une « chair fraîche » à exploiter, ces politiques paralysent la prise de conscience ouvrière, plongeant la lutte des classes dans un gel prolongé.

1er Mai 2025 : un printemps hivernal

Historiquement, le 1er mai, né du massacre ouvrier de Chicago en 1886, est un moment de solidarité internationale et de combat contre l’exploitation. En 2025, il n’a mobilisé qu’une fraction des travailleurs. À Paris, la CGT revendique 100 000 manifestants, contre 18 000 selon la police, loin des foules de 2023. À Nice, 800 personnes ont dénoncé « l’effort de guerre » de Macron (413 milliards d’euros) face à l’incapacité de financer les retraites (6 milliards). À Saint-Denis et Saint-Pierre, les cortèges, réduits à quelques centaines, ont peiné à incarner la lutte pour les acquis sociaux.

Plusieurs facteurs expliquent cette faiblesse. Le calendrier (pont du 1er mai, vacances) et une météo incertaine ont découragé les participants, comme en 2015. Les divisions syndicales, avec l’absence de la CFDT dans plusieurs cortèges (ex. Nice) et la réserve de certains syndicats face à la grève, ont fragmenté l’élan. Les tensions sociales, marquées par des violences (jets de projectiles contre un stand PS à Paris, trois interpellations à Lyon), ont détourné l’attention des revendications ouvrières. Enfin, des enjeux internationaux (Palestine, Ukraine) ont éclipsé les questions de classe, comme noté par des manifestants à Paris.

L’Effondrement du Syndicalisme de Lutte

Le syndicalisme de lutte, porté par la CGT, Solidaires et la FSU, est en crise. Avec un taux de syndicalisation à 10 % (INSEE, 2021) et une CGT réduite à 600 000 adhérents (contre 2 millions dans les années 1970), il peine à fédérer une classe ouvrière fragmentée par la précarité (12 % des salariés en contrats courts, DARES 2024). La désindustrialisation, avec 1,5 million d’emplois industriels perdus depuis 1980 (INSEE), a démantelé les bastions syndicaux. Les échecs de 2023 contre la réforme des retraites, adoptée par 49-3, et la répression (sanctions contre des militants CGT) ont démoralisé les troupes.

Pourtant, des résistances persistent. Les grèves à la RATP ou chez Keolis (2024) ont obtenu des hausses de salaires, et la victoire de Kai Terada (CGT Éducation) contre une mutation forcée montre que la combativité n’est pas morte. Les listes communes CGT-FSU pour 2026 et les alliances avec des mouvements féministes ou écologistes élargissent le front de lutte. Mais ces sursauts ne suffisent pas à contrer un hiver aggravé par un brouillage politique.

Le Brouillage Immigrationniste : un Outil du Capital

Le 1er mai 2025 a mis en lumière un obstacle majeur : le brouillage du lien entre les politiques immigrationnistes et les exigences patronales. Comme le dénonçait Georges Marchais en 1981 face à Francis Bouygues, l’immigration sert le capital en fournissant une main-d’œuvre bon marché. Marx, dans Das Kapital (Livre 1, Chapitre 25 et New York Daily trbune1853), analysait l’immigration ( « très funeste », comme une « armée de réserve industrielle », divisant les ouvriers et baissant les salaires. En 1981, Bouygues employait 80 % de travailleurs immigrés pour réduire les coûts, tandis que Marchais exigeait l’arrêt de l’immigration pour protéger les ouvriers français.

Ce schéma perdure. Le MEDEF, de Laurence Parisot (2011) à Thierry Marx (2022), soutient l’immigration pour combler les pénuries dans le BTP ou la restauration. Les lois de Macron (2018, 2023, 2025) durcissent l’asile tout en facilitant l’immigration économique via des titres « métiers en tension », alignés sur les besoins patronaux. Mélenchon et LFI, en prônant la régularisation des sans-papiers qui ne travaillent pas, brouillent ce lien en ignorant l’impact sur les salaires ouvriers, facilitant indirectement l’exploitation capitaliste. Ce double discours – libéral chez Macron, soi-disant humaniste chez Mélenchon – empêche la « décision ouvrière », cette action collective contre le capital.

Ce brouillage divise la classe ouvrière. Les ouvriers français, touchés par le chômage (7,5 %, INSEE 2024), constatent l’absence des migrants présents puissamment dans les années 70. Les débats sur l’immigration (ex. loi Retailleau 2025) exploités par les medias éclipsent les luttes contre l’austérité ou la flexibilisation, gelant les mobilisations. Le RN, avec 30 % du vote ouvrier (IFOP 2022), exploite cette colère sans s’attaquer au capital.

Les Racines du refroidissement

Cet hiver s’enracine dans des dynamiques structurelles. La mondialisation et les réformes néolibérales (loi El Khomri 2016, ordonnances Macron 2017) affaiblissent les syndicats. L’austérité (10 milliards d’euros coupés aux services publics en 2024) démantèle les leviers de lutte. La répression (violences contre les Gilets jaunes, amendes syndicales) et les crises multiples (climat, Ukraine) relèguent les questions sociales au second plan. La faible mobilisation du 1er mai 2025, marquée par des divisions syndicales et des revendications dispersées (retraites, paix, Palestine), illustre cette désorientation.

Vers un Printemps des Luttes ?

Malgré cette situation, des germes de renouveau émergent. Les convergences entre syndicats (CGT, Solidaires) et mouvements sociaux (féministes, écologistes) élargissent le front de lutte. Les grèves globales (Amazon 2024, Inde 2021) réveillent la CGT qui appelle à une nouvelle mobilisation le 5 juin 2025 pour abroger la réforme des retraites et défendre les services publics.

Pour sortir de l’hiver, les syndicats doivent clarifier le lien entre immigration et patronat, comme Marchais en 1981, tout en unissant ouvriers français et migrants contre l’exploitation. En dénonçant l’austérité et en fédérant les actions revendicatives, le syndicalisme de combat peut préparer un printemps des luttes.

 


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6 réactions à cet article    


  • Octave Lebel Octave Lebel 3 mai 10:36

    La gauche, la vraie comme la java de Broadway.

    Un peu lassant non, si on déblaie les généralités habituelles, c’est toujours la même thématique qui revient quasiment à chaque article. La gauche, la vraie, comme la java de Broadway aurait dit un autre, c’est celle qui se met à la remorque de l’extrême-droite en divisant le pays et nos concitoyens sur des critères d’origine ethnique et tout ce que l’on peut y associer, la religion, la bouffe, la sale gueule aussi, c’est pas bien de parler comme cela, mais un peu quand même si parce qu’il y a une clientèle pour, à ne pas négliger et même à faire fructifier si possible. Une vieille histoire que nous avons déjà connue, comme nos voisins en Europe avec le succès que l’on sait et maintenant aux USA avec le même casting partout. Autrefois plus ou moins visible au début en principe mais les temps changent. À la barre des milliardaires des secteurs économiques de pointe, ne payant pas l’impôt qu’ils devraient et même subventionnés, qui ont pris le contrôle des outils de fabrication de l’opinion publique comme en France et un peu partout, sans qui l’extrême-droite aurait du mal à se faire entendre parce que sur le fond elle n’a rien d’avouable à proposer et que dans les faits ses élus votent tout ce qui correspond aux priorités et lignes rouges de ces oligarques à l’inverse de ce qu’elle promet à ses électeurs. Des oligarques donc qui ont bien besoin d’un troupeau bien divisé, si possible vociférant ce qui évite d’avoir à réfléchir. Rien de bien nouveau sur le fond, Henry Ford et ses amis aux USA déjà, au début du siècle dernier, soutenaient le parti nazi avant d’être mis au pas par un Roosevelt qui leur a dit qu’il fallait rendre l’argent pris en excès sur le dos d’un peu tout le monde pour faire tourner un peu mieux le pays.

    Je crois que nous ne pouvons plus faire comme si nous ne comprenions pas. Un petit échantillon pour gens pressés sinon des développements à la demande.

     

    http://bernard-gensane.over-blog.com/2024/12/le-rn-un-parti-proche-du-peuple.html


    • Octave Lebel Octave Lebel 3 mai 11:26

      Relevons aussi ici sur une spécialité de l’extrême-droite, récupérer des gens morts qui ne peuvent plus les contredire. Avec une imagination et un culot étonnants. Ici Marchais, très récemment Martin Luther King et régulièrement le général De Gaulle (incroyable mais vrai). Nous attendons la suite avec curiosité. Des gens qui confondent la responsabilité politique avec l’animation de la kermesse à Neuneus version trash, dans le sillage d’un Sarkozy qui avait donné le la en faisant lire dans toutes les classes de France la lettre d’un jeune résistant communiste, Guy Moquet, 17 ans et fusillé par l’occupant allemand. Eh oui, c’est arrivé et cet homme avait été élu par une majorité d’entre-nous. Saluons ses plus ou moins dignes successeurs même s’ils n’arrivent même à naviguer à la hauteur de celui qui jouait à récupérer leurs thèmes et procédés. Des successeurs plus confus, plus brouillons, plus hasardeux, vite dépassés et déstabilisés par leurs propres turpitudes avant même d’avoir piloté quoi que ce soit et qui nous promettent la lune. Parce que nous serions c... comme la lune ? Comme nous le montrent les sondages de leurs amis faits sur mesure smiley

      Il ne tient qu’à nous en tant que citoyens de nous sortir de ce bourbier en nous donnant les moyens politiques et institutionnels d’être entendus, consultés et respectés. 


      • Octave Lebel Octave Lebel 3 mai 11:28

        Sinon, à l’occasion, toujours utile de se faire une idée par soi-même de ce qui tenu invisibilisé. Parce que c’est le seul programme politique existant qui embrasse toutes les composantes des fondamentaux de la gouvernance d’un pays. Réactualisé régulièrement. Après si vous préférez les sondages et plateaux-télé comme hors-d’œuvre électoraux.

        Programme L’Avenir en commun – Actualisation, édition 2025.

        https://programme.lafranceinsoumise.fr/programme2025/livre

        https://actionpopulaire.fr/groupes-thematiques

        → https://programme.lafranceinsoumise.fr/plans

        → https://programme.lafranceinsoumise.fr/programme-version-courte


        • Seth 3 mai 18:01

          Il ne peut pas y avoir de lutte des classes quand on a effacé la notion même de classes.

          Effet notamment de ceux qui ont créé une « classe moyenne » qui n’existe que pour ceux qui détestent le terme de « prolétariat » bien qu’ils en fassent partie en dépit de tout. Effet du capitalisme et de la tertiarisation allant avec la notion de « cadres » et de pavillons sam’suffy de chez Kaufmann et Broad, illustration de ’l’aristocratie du salariat« d’Engels et Lénine. Et des »bullshit jobs" de Graeber.

          Tout comme le refus d’admettre un Lumpenproletariat qui n’a pourtant jamais été aussi présent.

          En France la mitterrandie s’y était beaucoup attachée en son temps.


          • loulou 4 mai 01:41

             Bonsoir. J’ai bien peur que le rêve de rassembler dans le même combat de classe , autochtones et immigrés , n’est jamais lieu

            .L’immigration de masse ironiquement défendue par la gauche, est utilisée , dans tout l’occident, pas seulement pour baisser les salaires, mais aussi pour diviser les travailleurs. L’auteur de l’article a suffisamment expliqué cette évidence.

            La plupart des immigrés , n’ont aujourd’hui, aucune formation syndicale ou politique, dans la mesure, ou ils viennent de pays, ou il n’y a pas de tradition industrielle.En 40 ans de défilés militants,je n’ai pu en voir pratiquement aucun , dans les nombreux défilés revendicatifs et les bons délégués syndicaux issus de l’immigration, qu’on pouvait voir dans les usines, il y a 40 ans, ont disparus avec elles.

            Et puis, beaucoup , sont musulmans et l’islam, qui est un tout, leur suffit à expliquer le monde, sous quasiment toutes ses facettes et leur nombre leur permet de vivre ensemble, dans leur société a part de la société commune.

            J’ai peur que la différence de mentalité entre deux perceptions du monde soit trop forte et que l’avenir soit fait de bien plus de confrontation que d’entraide solidaire.

            Disons que les instigateurs de notre société de « Vivre ensemble », basée au départ , sois disant, sur des notions d’accueil de l’autre et d’humanisme,auront bien réussi leur coup !


            • anaphore anaphore 4 mai 07:33

              Si on se demande où sont passés les ouvriers le 1 er mai, je demande où sont passées les usines *

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