L’humanitaire démasqué

Cet homme avait pourtant des responsabilités, dont visiblement il n’a pas pris totalement conscience, en agissant de manière irréfléchie. Démontrant par la même qu’en matière d’être humain, rien n’est jamais simple. Car cet homme est aussi responsable de la mort d’autres personnes, dans une vie antérieure que ses fonctions actuelles avaient tout simplement oublié de signaler. Le cas terrible de Garlasco, c’est le procès de l’irresponsabilité totale, en fait, et c’est pour cela que je vous propose d’y revenir, tant certains jeunes sujets (il n’a pas encore quarante ans) sont aujourd’hui tentés d’oublier certaines valeurs fondamentales de l’être humain, pour ne vivre que leurs propres désirs ou leur propres passions, en contradiction complète avec ce qu’ils vivent au quotidien, parfois. Retour sur l’homme qui n’aurait jamais dû être à la place où on l’a trouvé dernièrement, s’il avait pris véritablement pleinement conscience du sens de ses responsabilités. En réalité, il ne les a jamais eues. Ou alors, Marc Galasco est à la fois Dr Jekyll et Mr Hyde.
Cela commence par une photo accusatrice, répandue sur le net comme une traînée de poudre à la mi-septembre. On y distingue un individu en sweat-shirt blanc, portant une croix de fer allemande noire et un slogan écrit en gothique, naturellement, en tain de boire une bière et de déguster un sandwich à ce qui est visiblement une convention de collectionneurs. A ses côtés une petite fille, que d’aucuns disent être la sienne. C’est bien Marc Garlasco, et l’endroit une réunion de vente et d’achats de collectionneurs d’objets de la seconde guerre mondiale. Des bloggers, intrigués, ont cherché à en savoir davantage sur ce qui semblait bien être le hobby du week-end du bonhomme s’affichant auprès d’un enfant avec pareil accoutrement… pour découvir assez rapidement et tomber sur d’autres photos, celle d’un véritable collectionneurs d’objets nazis. Spécialisé dans la "Flak", ces canons anti-aériens dans lequel avait été enrôlé son grand père maternel. Un fin connaisseur, semble-t-il ayant rédigé à ce propos un ouvrage de 430 pages sur la question, à savoir les "insignes de reconnaissances de la Flak" ("The flak badges"). Un acharné, même, se promenant le soir sur le net à hanter les forums sous le nom révélateur de "Flak88" (le canon anti-aérien allemand le plus connu avait un calibre de 88 mm).
Selon celui qui a déniché ses activités de loisirs, cela a pris moins d’une heure à trouver tout ça : l’homme ne faisait pas vraiment mystère de ses activités. Les photos des vitrines de la collection de l’individu révèlent plus qu’un simple goût pour l’histoire personnelle de son grand-père. Poignard et épées nazis, décorations à croix gammées, chars d’assaut miniatures et têtes de mort, documents imprimés à en tête d’aigle, il n’hésite pas sur le net à exhiber tour l’étendue de son obsession véritable, allant jusqu’aux uniformes et les calots.. au milieu du forum, il exhibe celle de son neveu jouant au basket, pour montrer la qualité de son appareil photographique. Ou explique comment mieux prendre les photos en intérieur. Un neveu dont il se moque de bien étrange manière en rappelant aux lecteurs qu’il allait rater le "nazi show" du 22 juin, date anniversaire de l’invasion de l’URSS par les troupes allemandes (1) !
Il exhibe aussi sa voiture, une Mini, portant une plaque indiquée encore une fois "Flak 88"… l’obsessionnel n’est pas très loin, avec les chiffres 8 dont on connaît bien la symbolique en milieu néo-nazi. Il ne se cache donc pas vraiment, question idéologie, et visiblement, en décorations nazies, chez lui, il y en a pour un paquet d’argent. Au milieu de l’exhibition également, une phrase du forum laisse songeur : "j’ai eu une année chanceuse" dit-il. Ce à quoi on lui répond "Pour sûr, je n’ai pas idée de combien le HRW te paie"…. l’homme ne fait donc pas mystère de son travail véritable : c’est effectivement un délégué de l’organisme humanitaire américain Human Rights Watch, qui fait autorité dans le monde, qui passe pour être progressiste, pourtant, et qui, cette année là, lui aurait "rapporté davantage"… en raison de quoi, c’est ce que nous allons voir… Ce que des bloggeurs viennent de découvrir est un fameux scandale, qui va bien au delà de la simple collectionnite nazillonne...
Mais auparavant, il nous faut citer pour le moins Emma Daly, la directrice de communication embarrassée de HRW, la première concernée et la première à avoir reconnu que "Flak88" et Marc Garlasco étaient bien le même individu. Celle qui a ajouté aussitôt que "Garlasco n’est pas pronazi" et que "ces accusations sont monstrueuses, il ne s’occupe pas de collections nazies. Garlasco est un étudiant en histoire militaire et il s’intéresse à l’histoire militaire." La pauvre, on aimerait bien la croire. Car avec l’intéressé, HRW, qui se veut "très éthique" selon le Professeur Gerald Steinberg (de NGO Monitor, plutôt opposé à HRW), n’est pas qu’un peu dans la mouise. HRW aurait mieux fait de vérifier son CV avant d’en faire son spécialiste des armes au sein de l’association humanitaire ! C’est "absurde" (2) clame même encore HRW deux jours après la découverte des activités de leur membre, HRW qui entonne aussitôt les discours anti-israël avec lequel l’association a eu maille à partir à plusieurs occasions… "absurde", oui, mais surtout de l’avoir recruté, lui ! Au bout de plusieurs jours de flottement, la direction de HRW finissait pourtant par suspendre l’individu,"dans l’attente d’un enquête" sur son compte. Cette enquête n’est pas difficile à faire, pour autant. Elle prend moins de temps que de visionner ses vitrines fétichistes.
Car cet argent amassé, Marc Garlasco l’a gagné cette année en commettant rapport sur rapport sur les crimes israéliens à Gaza, enquêtant sur les débris d’obus au phosphore, devant lesquels il va même poser comme devant des trophées. C’est "l’expert" en chef, venu au nom des Droits de l’Homme constater l’usage d’armes interdites depuis la seconde guerre mondiale. L’homme est en mission pour l’humanité, et retourne, soupèse et photographie les débris qui jonchent encore le territoire de Gaza pour rendre son verdict. L’homme fait autorité, paraît-il, et ses textes précis sont repris dans les agences du monde entier, décrivant par le détail les horreurs de l’emploi des armes interdites. Seuls quelques détracteurs mettent en cause ses compétences en armement, et trouvent surtout étrange certaines signatures sur le web venues "naturellement" défendre son travail d’investigation. Dans un de ses rapports, il accuse Israël d’avoir utilisé un drone indiquant une cible erronée qui a provoqué la mort de 29 civils. Tout le monde est horrifié, bien entendu, et moi le premier. Mais personne ne retient le chiffre, qui chez lui est pourtant important… comme nous allons le voir. L’homme n’a pas que "88" pour lui rappeler des souvenirs.
Surpris, nous le serons davantage encore lorsque l’on va découvrir que ce second chiffre est chez en effet lui important, sinon primordial dans sa carrière. Car l’homme qui savait si bien dénoncer les tirs inconséquents…. est à l’origine lui-même de tirs du même acabit, il y a à peine six années de cela. Il sait donc très bien de quoi il parle question massacre de civils ! Mais cela, c’est un magazine allemand qui va nous le dire. Le 4 mars dernier, en effet, il avait été l’objet d’un article fort élogieux, sa notoriété d’humanitaire aidant, de la part du magazine Der Spiegel, qui était allé l’interviewer dans son domicile de Pleasantville, à 30 km à peine au nord de New-York…. une petite ville tranquille à 40 000 dollars de revenus moyen. Garlasco gagne plus que correctement sa vie au sein de HRW, c’est une évidence. Une interview qui n’évoque pas pour autant les hobbies inquiétants de l’individu, qui pourtant devaient être visibles chez lui… et que le Spiegel n’a pas vu, ou n’a pas voulu voir, mais qui révélait un bien étrange personnage, déjà. Car on y apprenait avec effroi qu’avant de devenir le commissaire chargé de découvrir les crimes d’Israël… il avait commis les mêmes, au nom du Pentagone !!
Dans cet ahurissant article, passé visiblement inaperçu, on apprenait en effet qu’avant d’être représentant de la paix, en quelque sorte, notre homme travaillait au Pentagone… comme faiseur de guerre, comme "cibleur" de bombardiers, exactement. Le responsable des objectifs et des cibles du déluge de bombes laser des F-117 et des B-1 lors de l’entrée en guerre en Irak (Choc&Awe, le 19 mars 2003), c’était lui !!! L’initiateur des 1 700 sorties aériennes, dont 504 avec des missiles de croisière, c’était lui ! Car des objectifs à déclarer, il n’en manquait pas, visiblement, principalement urbains car ciblés à Bagdad même le plus souvent. Selon les chiffres officiels, on relèvera 6 616 civils morts en tout dans l’attaque du pays. Et très certainement davantage : ce n’était autre qu’une BlitzKrieg moderne, avec un surnom américain bien entendu. En fait, bombarder Saddam était devenu l’obsession des ne-cons, depuis des mois, et il leur fallait à tout prix une liste d’objectifs.. que s’était empressé de fournir le héros du jour…toujours désireux de plaire ou de faire plaisir, visiblement.
L’article du Spiegel commence d’ailleurs par là, expliquant une terrible erreur commise par les américains, lors du bombardement du 5 avril 2003, à Al-Tuwaisi, un quartier de Bassorah. Un objectif déterminé par les renseignements réunis par Marc Garlasco, visant Ali Hassan al-Majid, plus connu sous le nom d’ "Ali-le-Chimique", surnom hérité pour avoir gazé, on le sait, des Kurdes irakiens. Deux bombes de 500 kg, les mêmes que celles tombées à Kudunz, avaient été larguées… sur le dignitaire irakien, le tout suivi en direct sur écran de contrôle à 10 000 km de là par Garlasco, qui s’écriait alors gaiement "on a fait sauter Ali le Chimique".
Deux semaines après, la mauvaise nouvelle tombait : le proche adjoint (et cousin) de Saddam n’était pas à l’endroit indiqué (il sera capturé et condamné à la pendaison bien plus tard en 2007, attendant toujours sa sentence à l’heure qu’il est)… Mais à la place d’Ali il y avait bien 17 civils, tués, et plusieurs autres blessés. Le Pentagone ne déclenchera pourtant pas d’enquête : l’armée américaine avait fixé auparavant à 30 le nombre de victimes civiles pour mettre en marche ses procédures internes. En dessous, c’était considéré comme une simple erreur sans conséquence, ce qui en dit long aussi sur l’état d’esprit qui a précédé l’invasion irakienne… et l’acceptation par l’auteur de plans d’attaque reposant sur des principes fort peu reluisants. Selon Der Spiegel, toujours, Marc Garlasco avait établi une bonne centaine d’objectifs prioritaires au total dans son travail de cibleur : effectivement, au début du conflit, Donald Rumsfeld ayant avant tout ciblé le dictateur, avait aussi décidé de bombarder partout où il était censé se trouver. Et comme l’homme se déplaçait souvent... La liste était longue, mais elle est aujourd’hui connue : le 20 mars à Bagdad, sur un bunker prétendu de Saddam : 14 morts, des blessés. Le 7 avril sur un restaurant où est censé être le dictateur : 18 morts et des blessés : Cheney avait annoncé ce jour-là un peu précipitamment que Saddam était mort sous les décombres. Et ainsi de suite… jusqu’au largage de bombes clusters en plein Bagdad… L’armée US mentira scandaleusement à ce propos, affirmant en avoir largué 1 500 dans tout le pays alors qu’on en décomptera au total…10 782 !
Selon Garlasco lui-même, les cibles étaient le plus souvent déterminées (par lui) grâce aux appels téléphoniques de l’entourage du dictateur. Sans trop se soucier, visiblement de ce qu’il pouvait y avoir autour comme civils sur place. Déjà, à l’époque, on avait cité le réseau Thuraya, dont on vous a déjà parlé ici comme étant celui utilisé plus tard en Irak par Blackwater, et retrouvé également à Mumbai. Permettant une localisation précise à 100 m près, pas plus, en GPS, selon les experts, la bombe elle-même l’étant de 10 m. Selon Slate, cette imprécision fondamentale était connue des militaires US. Et donc obligatoirement aussi par celui qui déterminait pour eux les cibles : autrement dit par… Marc Ernst Garlasco, puisque tel est son nom complet. Selon le Spiegel toujours, Garlasco avait quitté son poste à peine quinze jours après le fiasco d’Al-Tuwaisi, en fait l’un des derniers d’une longue série… Le Pentagone en a-t-il eu assez de ces rapports faussés ? L’homme est-il parti de lui-même ? Nul ne le sait. De toute manière, ce qu’on peut relever, c’est quand il part, la vague de bombardements en Irak est terminée, et son bilan... un vrai fiasco. Saddam Hussein était toujours vivant, il se cachait dans les environs de Tikrit, sa ville natale, où il sera découvert le 13 décembre 2003. Ce qu’il y a de plus intriguant encore, c’est que selon le site "Our Bombs", à la suite du bombardement d’Al-Tuwaisi, Garlasco et HRW se sont rencontrés sur place pour aller voir les dégâts... et selon lui c’est là qu’il aurait pris conscience des erreurs de bombardement ! Dès lors, en tout cas, HRW sait à qui elle a affaire et n’ignore rien de son rôle au sein des militaires !
Or, la même année, et la veille même de l’arrestation de Saddam, le 12 décembre 2003 exactement, ce même Garlasco remettait à la presse au nom d’HRW un rapport accablant de 147 pages sur ces fameux bombardements finalement pifométriques du début de campagne irakienne, annoncés comme étant sans dégâts collatéraux au départ. Le fameux concept de "guerre propre", déjà fourgué par le père du précédent président US. Selon le rapport la "décapitation" visée du régime de Saddam avait avant tout touché les civils et n’avait en rien affaibli le commandement des armées irakiennes. Un rapport signé Garlasco, un des trois "experts" nommés par HRW pour mener l’enquête, un Garlasco alors depuis neuf mois déjà passé dans l’association. Le rapport citait le nombre de 5 700 à 7 356 civils tués entre le 20 mars et le 1er mai 2003 par les attaques américaines. Parmi les faits reprochés aux américains par HRW, le bombardement de Mansour, dans la banlieue de Bagdad, qui avait fait 18 morts, tous civils. Un bombardement historiquement bien répertorié, effectué par un B-1, qui avait utilisé des JDAM à 56 000 dollars pièce (des bombes guidées par GPS) de 2000 livres : c’est l’attaque du restaurant où était censé être Saddam Hussein. Le rapport précise qu’il visait Saddam, qui n’était pas à cet endroit. Un lieu tout simplement "ciblé" par Garlasco !
Effarant de cynisme, donc : celui qui dénonçait les bombardements au nom d’HRW était celui qui les avait proposés comme objectifs quelques mois auparavant au nom du Pentagone (4) ! Dr Jekyll et Mr Hyde, sans nul doute : l’homme n’avait pas hésité une seconde à rédiger ses propres méfaits, dans le but, on s’en doute, d’en obtenir gratification, reconnaissance interne ou augmentation de salaire et achat à la clé de quelques colifichets nazis sur Internet : "la première bonne année" de son mandat, sans doute. Incroyable histoire ! Incroyable cynisme ! Mais ce n’est pas tout, il pouvait aussi faire pire encore, semble-t-il : en ne reconnaissant surtout pas sa responsabilité criminelle. Aujourd’hui, il peut donc toujours, six années après, nous décrire les larmes aux yeux les destructions d’Al-Tuwaisi (3), sa fausse empathie passe mal. Comme passent mal également ses appels désespérés de janvier 2009 demandant à ce que "cessent les bombardements israéliens sur Gaza, qui est densément peuplée" s’écriait-il (5) ! : une seule photo de l’endroit où ont été largués des milliers parmi les 10 000 clusters américaines devrait lui rafraîchir un peu la mémoire !
Lors de l’interview du Spiegel, en effet, interrogé sur le fait qu’il aurait pu avoir une once de remords sur les "moins de trente" civils tués lors du bombardement d’Al-Tuwaisi, (sans parler des autres !) Garlasco avait eu cette phrase étonnante, en affirmant qu’il ne se sentait en aucun cas coupable : "Je n’ai pas construit la bombe, je ne pilotais pas l’avion et n’ai pas pris la décision de bombarder. J’ai émis une recommandation" (6)…. Voilà qui sonnait mot pour mot en écho des dénégations d’un Adolf Eichman lors de son procès : "J’ai fait mon devoir, conformément aux ordres. Et on ne m’a jamais reproché d’avoir manqué à mon devoir. " En résumé, les deux avaient suivi les ordres, savaient très bien à quoi cela menait au final, mais pas un des deux ne voulait endosser la responsabilité de leurs actes. Ce deux-là ne seront jamais des Claude Eatherly, déboussolé, miné, abattu, rongé par le remords...
A partir de là, que l’on trouve chez Garlasco des documents nazis n’a donc strictement rien d’étonnant : dans une période de sa vie, il aura fait dans l’humanitaire, comme d’autres échappés d’Allemagne avaient été surpris à le faire en Argentine ou en Bolivie, voilà tout, dans une autre période de leur vie également. En ayant totalement oublié ce qu’ils avaient pu commettre auparavant. Garlasco vivant de nos jours sans jamais avoir de remords sur les crimes de sa vie précédente, qu’il n’endossera donc visiblement jamais. Mieux encore, puisqu’il avait finalement réussi la prouesse de faire condamner les siens, de crimes, par son nouvel employeur, en camouflant soigneusement qui les avait provoqués ! A condition de ne pas dépasser 30 victimes, bien entendu, comme il était venu le raconter tout aussi cyniquement sur 60 minutes, le 31 août 2008 (7), alors qu’il travaillait pour HRW ! Avouant ce jour là cependant, avoir "recommandé" ... au moins 50 préparations d’objectifs (8) ! L’homme qui accusait Israël de crimes de guerre en avait commis lui aussi ! Quelle aubaine pour ses détracteurs israéliens qui n’en demandaient pas temps !
Garlasco personnalise en effet "la banalité du mal", chère à Annah Arendt. Celle qui transforme des hommes bien ordinaires en adeptes nazis, qui ne reconnaissent jamais ce qu’ils ont fait et trouvent toujours des tas de prétextes à leurs exactions. Ce ne sont jamais eux, mais les "autres" qui, ici, appuient sur le bouton, même si ce sont eux qui ont apporté le détonateur et posé la bombe au bon endroit (en l’occurrence souvent le mauvais pour Garlasco !). Des hommes bien ordinaires, en somme, capables de se transformer en brutes épaisses capables de tuer…mais via des intermédiaires seulement, pour ménager leur confort intellectuel et ce qui leur reste de conscience morale. Dans sa pitoyable défense mise en ligne, Garlasco joue évidemment aujourd’hui la carte de la filiation et de son grand père allemand… mais n’évoque pas une seule fois sa première vie de désignateur de cibles d’avions tueurs, au courant que les frappes qu’il lançait provoqueraient obligatoirement et invariablement des victimes civiles. Dans une autre aussi pitoyable tentative, il tentera vainement de minimiser son rôle, mais reconnaîtra au moins le fait d’avoir été embarqué dans de ce qu’il avoue être des crimes de guerre (9). En tentant fort maladroitement d’expliquer qu’il avait au contraire tout fait pour qu’il y ait le moins de victimes possible (10). En bombardant avec des engins dont il connaissait parfaitement le peu de précision ? Encore un peu, et Garlasco nous aurait servi la théorie de "l’omelette sans casser des œufs", comme banale excuse. L’effroyable banalité du diable. En bon "manager" de guerre, si bien décrit justement dans l’article de presse qui le visait nommément (11). Un "fonctionnaire de la mort", en quelque sorte, ce dont s’était réclamé être également Adolf Eichmann. Le journaliste Rick Ayers, du Times, lui avait déjà réglé son compte en beauté (12), en pointant le premier le fait qu’il ne pouvait absolument pas être à la place ou il était avec ce qu’il avait fait auparavant ! Bien avant de connaître ses piteux hobbys dominicaux !
On l’accable aujourd’hui pour trois vitrines pleines de médailles nazies, mais on se trompe totalement de reproches le concernant, car on n’ose pas lui rappeler ses atrocités passées : le débat, à son propos, n’est pas sur ses loisirs, mais bien ce qu’il a pu faire avant de débarquer dans l’humanitaire. Ce qui explique aussi ses loisirs, remarquez… Garlasco n’est autre qu’un épiphénomène du système si bien décrit par Stanley Milgram, celui de la soumission à l’autorité sans prise de conscience des méfaits que cela implique. Un homme sans dignité aucune, ce qui nous fait dire qu’il n’était pas à sa place à l’endroit où il était ces derniers temps. Garlasco, c’est simple, est un triste sire, et surtout aujourd’hui la honte de l’humanitaire... et de l’humanité. Comme ses anciens chefs, qui eux, n’auront jamais fait dans l’aide aux populations démunies, bien au contraire. Des démunis, ils en ont fabriqué des milliers, quand ils ne les ont pas tout simplement supprimés sous un déluge de bombes.
(7) "There’s this macabre kind of calculus that the military goes through on every air strike, where they try to figure out how many dead civilians is dead bad guy worth," says Marc Garlasco, who knows the calculus of civilian casualties as well as anyone. At the Pentagon, Garlasco was chief of high value targeting at the start of the Iraq war. He told 60 Minutes how many civilians he was allowed to kill around each high-value target — targets like Saddam Hussein and his leadership. "Our number was 30. So, for example, Saddam Hussein. If you’re gonna kill up to 29 people in a strike against Saddam Hussein, that’s not a problem," Garlasco explains. "But once you hit that number 30, we actually had to go to either President Bush, or Secretary of Defense Rumsfeld."
(8) "Garlasco says, before the invasion of Iraq, he recommended 50 air strikes aimed at high-value targets — Iraqi officials".
(9) "But though I wasn’t involved in war crimes (thanks, Rick, for assuming otherwise), I resigned from the Pentagon and went to work at Human Rights Watch (for less money) so that I could use my skills to assess the harm to civilians caused by conflict and, I hope, ensure there are fewer casualties in future wars".
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