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L’impossibilité du compromis - La CNIL : une institution controversée (3)

Suite de mon mémoire, une autocritique du métier de communicant. Après avoir parlé des pionniers de la propagande, puis survolé les problèmes déontologiques que posent ces professions, intéressons-nous maintenant à la CNIL, instance garante de nos libertés individuelles. 

La CNIL est rattachée au secteur des études de marché (type d'agence où j'ai effectué mon stage) étant donné que sa mission est de « veiller à la protection des données personnelles » et d’informer, réguler, sanctionner, protéger, contrôler et anticiper.[1]p

Elle est, sur le papier, indépendante. Pourtant, le président de cette commission a un pouvoir spécifique par rapport à celui de ses collègues, étant donné que c’est lui qui fixe l’ordre du jour. Voyons donc au travers de l’exemple de ses deux derniers présidents, Axel Türk (2004-2011) et Isabelle Falque Pierrotin (depuis 2011), dans quelle mesure une seule personnalité placée à un échelon stratégique peut influer sur le processus.

Axel Türk p[2]pa reçu le « Big Brother Award » décerné par l’association Privacy International, en 2003p[3]p, 2004p[4]p, 2005p[5]p et 2010p[6]p. Les motifs sont éloquents, mais n’ont pas fait l’objet d’un débat public ni de missions parlementaires. A noter le BBA mention « prix spécial du jury », catégorie novlanguep dont voici quelques unes des phrases attribuées à A. Türk :

« La CNIL veille à s’imposer comme un acteur incontournable, afin d’assurer un contrôle préalable et effectif pour s’assurer de la prise en compte effective des droits et libertés des personnes dans les dispositifs envisagés. » 

« La Cnil ne rend jamais d’avis favorable ou défavorable. La Commission remet des avis sur des points précis, des analyses d’articles. Mais ce n’est jamais général et tranché. »  

La nouvelle loi Loppsi tient à parler de vidéoprotection, et non plus de vidéosurveillance. Qu’en pensez-vous ? « Je ne me bats plus sur le terrain de la sémantique. Pour en avoir parlé avec plusieurs élus locaux de gauche comme de droite, le terme n’est pas important. Il est clair que la vidéoprotection, c’est de la vidéosurveillance. » 

 L’ironie est totale. C’est celui qui est censé protéger les libertés individuelles qui reçoit à plusieurs reprises le prix de celui qui les met en danger.

Quant à Isabelle Falque Pierrotinp[8]p, elle a remplacé Axel Türk lors de sa démission en 2011. Mariée au directeur général du groupe Kesa Electricalp[9]p basé à Londres, elle a démontré ses accointances avec le milieu des affaires en travaillant comme directeur auprès du président de Bull de 1992 à 1993. Ce groupe s’est trouvé plongé dans un scandale il y a quelques mois car ils auraient, selon le Wall Street Journal, aidé le régime libyen à espionner sa population jusqu’à ce que la révolte n’éclate.p[10]p Déjà récompensée par un Big Brother Award en 2007p[11]p pour service rendu au sein du Forum des droits sur l’Internet qu’elle présidait, Isabelle. Falque Pierrotin s’était notamment illustrée dans ses prises de position pro-machine à voter électronique, engins qui inquiètent la populationp[12]p en vue des élections de 2012. C’est donc ce type de profil, partisan de la protection du milieu des affaires et de l’oligarchie politique (les machines à voter ont démontré leur faillibilité lors de l’élection controversée de George Bush en 2000p[13]p). qui a été choisi pour diriger la CNIL.

Il serait bien sûr malhonnête de tirer des conclusions en ne se basant que sur ces quelques éléments. Néanmoins, ceux-ci sont je crois suffisamment sérieux pour que l’on se pose la question suivante :

La CNIL est-elle représentative de la volonté populaire ou bien est-elle au service d’intérêts privés ?

Pour protéger la population des manipulations et de la surveillance l’Etat devrait créer des institutions réellement indépendantes. Les membres de la CNIL pourraient être tirés au sort parmi un panel de citoyens volontaires pour des mandats courts, excluant ainsi toute corruption. Une instance de défense du public devrait voir le jour afin de donner les armes à la population et des grilles d’analyses pour décrypter les messages et les manipulations auxquels le public est confronté en permanence. La publicité devrait être limitée et taxée à 1% voir plus selon les secteurs, pour financer des médias indépendants. De plus, les professionnels de la communication devraient être sensibilisés à ces questions et revendiquer le droit d’exercer une profession pour des buts éthiques et allant davantage dans le sens de l’intérêt général.

Pour conclure, j’affirmerai que j’ai bien conscience que le public n’est pas une éponge. On sait notamment qu’Internet a renforcé les capacités de résistance des consommateurs par rapport aux publicitaires. Il n’empêche que, malgré ces résistances, les citoyens continuent de perpétuer un système qui nous mène inexorablement vers une crise multiforme profonde. Les récentes images des soldes et de ces consommateurs en furie se battant pour des objets fabriqués par des esclaves modernes nous ont encore rappelé à quelle condition certains humains avaient été réduits : convoiter l’avoir, pour paraître et être. 

En effet, notre propagande est subtile. Elle ment par omission. Or, pour effectuer un choix, il faudrait pouvoir être en possession de toutes les options, et être en capacité de décrypter le message. Si nous ne réagissons pas, nous resterons de simples « pions sur l’échiquier » et laisserons passer le train de l’histoire.

La prochaine partie aura pour thème : Connaître et comprendre le consommateur : la science au service des intérêts privés.

Bien à vous,

Jonathan Moadab
La Gazette d'un Humaniste


[13] Machines à voter, machines à truquer, Le Réseau Voltaire, 9 mai 2007


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3 réactions à cet article    


  • paul 28 janvier 2012 22:18

    On peut observer que pour certaines institutions comme le Conseil d’État, le Conseil Constitutionnel ou la CNIL, le mode de désignation de ses membres et surtout de leurs présidents, fait la part belle à la majorité présidentielle .
    La proximité avec le pouvoir politique et / ou des intérêts économiques ne permettent pas de croire à la totale indépendance de ces institutions qui devraient être le garant de la république .

    L’article a le mérite de faire connaitre les deux brillants titulaires des Big Brother Awards pour la CNIL : Merci !


    • Jonathan Moadab L’Incorruptible 1er février 2012 11:22

      D’où l’intérêt du tirage au sort ! L’élu ou le désigné est au service de la Nation et non d’intérêts privés !


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