Le libéralisme mis en cause de tous côtés, mais de quoi parle-t-on ?
On entend souvent les hommes politiques en France critiquer le libéralisme ou s'en démarquer sans dire précisément de quoi il s’agit, ceci particulièrement depuis qu’Alain Madelin, ancien ministre centriste dans plusieurs gouvernements, n'a rassemblé que 3,91% des suffrages à l’élection présidentielle de 2002 en s’affichant clairement comme le seul défenseur du libéralisme parmi les candidats.
Récemment, le politologue Guillaume Bernard, auteur de « La Guerre des droites aura bien lieu » publié par Desclée de Brouwer et théoricien du mouvement « dextrogyre » du monde politique français et européen, déclarait dans une interview au quotidien La Croix du 18 juin que « Le conservatisme et le libéralisme sont des idéologies incompatibles » prônant pour la droite une rupture claire avec la ligne d’Emmanuel Macron supposé incarner le libéralisme.
En affirmant cette incompatibilité entre conservatisme et libéralisme, Bernard, comme de nombreux hommes politiques, fait une confusion grossière entre le libéralisme économique, une vision du monde qui a entre autres Montesquieu, Tocqueville ou Raymond Aron comme grands penseurs et qui n'est en rien opposée au conservatisme ou dans le cas de Tocqueville aux valeurs chrétiennes et d'autre part le libéralisme au sens anglo-saxon de libéralisme des mœurs.
D’une façon générale, le conservatisme, dans les pays anglo-saxons, famille politique marquée à droite en Angleterre comme aux Etats Unis, plaide pour une limitation des pouvoirs de l’Etat en matière économique et sociale, regardant l’Etat avec méfiance surtout quand il devient envahissant et bureaucratique tout en étant prudent en matière de mœurs et cherchant à défendre les traditions nationales. Ainsi nous voyons que le libéralisme économique n'est en rien incompatible avec le conservatisme.
Les "liberals" aux Etats-Unis, par opposition aux conservateurs sont les hommes politiques qui d'une façon générale, pensent que le gouvernement doit agir pour promouvoir les changements sociaux et politiques comme par exemple les Kennedy. Le "wealthy political liberal" ou le "limousine liberal", politicien ou homme d'affaires influent et supposé circuler en limousine avec un chauffeur est un équivalent américain d'un membre de "la gauche caviar" en France. Les réformes sociétales comme le mariage pour tous correspondent bien à l'approche libérale américaine par opposition à la défense du mariage homme-femme monogame par les conservateurs. Cela n'empêche pas le "liberal" américain de pouvoir être un fervent défenseur du capitalisme, de Wall Street et de l'entreprenariat.
Dans un pays comme la France qui a plus de 45% de son PIB en 2017 qui passe en prélèvements obligatoires (taux parmi les plus élevés au monde) et un Etat envahissant, nombreux sont ceux qui pensent que l'on a plus que jamais besoin de réformes libérales pour permettre de relancer l’économie, ce qui ne les empêche pas, bien au contraire, de défendre un certain patriotisme et des valeurs conservatrices comme l'opposition au mariage pour tous de la Manif pour tous, le refus d’une immigration incontrôlée et la défense de la culture européenne et chrétienne. On est ainsi à la fois liberal sur le plan économique et conservateur sur le plan sociétal.
On peut à contrario être libéral sur le plan des moeurs et interventionniste sur le plan économique, ce qui a été le cas d'une bonne partie la gauche en France depuis les années Mitterrand. Ainsi le président Holllande pouvait à la fois faire voter le mariage pour tous, aller voir sa maîtresse en scooter et déclarer lors de son premier meeting de campagne en 2012 que "mon adversaire, c'est le monde de la finance".
Confondre ces deux usages du mot libéralisme en français comme le font un grand nombre de responsables politiques et de politologues ou journalistes n'ajoute pas à la clarté du débat politique.
Un phénomène clair en Europe, surtout depuis les élections en Italie, c’est l’importance grandissante des mouvements dits populistes et ce malgré toutes les campagnes lancées contre eux depuis des décennies par les médias politiquement corrects comme en France les chaînes de télévision publique avec Arte en exemple caricatural et des journaux comme Le Monde, Libération ou l’Obs ainsi que les avertissements teintés de menaces de la Commission Européenne.
Ces mouvements avant d’être « populistes » sont avant tout démocratiques, exigeant que les politiques prennent en compte la volonté du peuple en matière d’immigration comme en d’autres domaines. Ils ont un caractère conservateur qui s’exprime par leur refus d’une immigration de masse qui mettrait en danger les traditions ou identités nationales, une volonté que entre autres l’Italie ou la Pologne préservent leurs cultures tout en s’accommodant très bien sur le plan économique, particulièrement pour les pays du groupe de Visegrad (Pologne, Hongrie, République tchèque, Slovaquie) de vues libérales comme une défense de l’entreprenariat, du marché libre et d’une réduction des interventions étatiques au niveau national et encore plus à celui de l’Union Européenne.
Ainsi, il est clair que l’on peut être conservateur en matière d’identité nationale sans défendre comme a essayé de le faire Marine Le Pen une politique économique et sociale de gauche à la Mélenchon, ce qui a abouti à son échec retentissant lors du débat télévisé de la présidentielle face à Emmanuel Macron.
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