Les folies de la Guerre Froide révélées (14) : en juin 1969, les américains savaient déjà qu’ils avaient gagné (a)
Enfant, puis adolescent, j'ai suivi l'avancée de l'ère spatiale sans jamais me rendre compte qu'on me trompait (*). Passionné par ces images de cosmonautes triomphants élevés au rang de héros, j'avais tout gobé tel quel. Paris-Match m'avait gavé de belles images couleurs (la saga des Mercury, la bravoure d'un Alan Shepard, le premier rendez-vous spatial des Gemini, le tour de la Lune un soir de Noël 1968, etc), et était passé rapidement sur les drames ou les erreurs. Le cadavre calciné de Komarov réduit à un amas informe de 80 cm, on ne pourra le voir que des décennies après : la censure soviétique était passée par là. Les vilenies endurées par Virgil Grissom, rendu responsable de la perte de sa capsule Mercury, l'entraînement dégradant des premiers astronautes, je ne les connaîtrai que bien après (**). La sortie dans l'espace de Léonov qui avait failli lui coûter la vie, elle m' avait été présentée comme une simple formalité alors qu'il avait failli en mourir. Plus tard, je découvrirai qu'on m'avait trompé sur pas mal de choses. Parmi celles-ci un énorme mensonge entretenu par les deux partis en lice : celui des efforts incommensurables des russes pour mettre le pied sur la Lune avant les américains. On me les avait effectivement cachés... à l'occasion du décès de Neil Armstrong, c'est le moment de se remémorer ses états d'âme... car avant qu'il ne s'envole pour la gloire, Armstrong savait. Il savait qu'il ne pouvait plus être battu.

Pour moi, en tout cas c'était simple, en effet : les soviétiques n'en avaient jamais eu le projet, puisque jamais ils n'en avaient parlé, et leurs concurrent direct non plus ! Les deux avaient donc menti ! Des années après je découvrirai en effet qu'on m'avait dissimulé un monstre volant de plus de 100 mètres de haut, aussi gros que Saturn V, resté longtemps complétement ignoré de tous. Des deux côtés, on m'avait donc caché la vérité : du côté russe, qui l'a toujours nié, et du côté américain, qui le savait mais n'avait rien dit (pour ne pas révéler l'existence de ses satellites espions, qui lui avaient appris l'infortune des russes)... La propagande avait marché à fond et la conquête spatiale si enthousiasmante avait dissimulé des programmes militaires monstrueux ou inavouables, héritiers direct des assassins hitlériens, dont les coûts faramineux finiront par avoir la peau de l'Ours russe et feront des USA un pays où une mafia militaro-industrielle avait pris le pouvoir, malgré les injonctions à ne pas le faire d'Eisenhower.
La fusée lunaire russe découverte, la question qui venait alors aussitôt à l'esprit était de savoir si Neil Arsmstrong, qui vient juste de disparaître, et ses deux collègues de galère spatiale, savaient ou non à quel stade en étaient les russes au moment où leur Saturn V les emportait vers la gloire. Savaient-ils qu'ils gagneraient la course, faute de combattants, s'ils revenaient vivants eux-mêmes de leur expédition ? Aujourd'hui, la réponse est sans nul doute possible... positive : oui, ils le savaient. Les américains, au moment même où ils posaient le pied sur la Lune savaient en effet qu'ils ne risquaient plus d'être battus par les russes. Leurs espions au sol ainsi que leurs satellites d'observation, dont j'ignorais alors l'existence et la forme, leur avaient prouvé que les russes ne pourraient plus le faire avant eux. Plus tard, le secret qui ne sera révélé au final qu'avec la Perestroïka, et l'aveu de l'effondrement d'un système économique exsangue sera révélé. Certains journalistes l'avaient flairé. Dès le mois de juin, 1980, le magazine américain Aviation Week and Space Technology avait présenté un croquis du modèle "J", qui avait repris ce qui avait déjà filtré dès 1971 sur 'existence de la fusée géante.
Récit d'une tromperie manifeste qui m'aura au moins appris à être plus suspicieux avec les communiqués annonçant de grandes réussites astronautiques ou technologiques (le coup de la fusion froide par exemple de 1989 avec Pons et Fleischman (**). Ou avec tous les communiqués, la succession d'annonces de propagande m'ayant rendu plutôt suspicieux, depuis. D'autres nous l'ont plutôt bien résumé, ce qui s'était passé pendant... et avant : "La victorieuse mission Apollo-11 a abouti au premier atterrissage de l'homme sur un autre corps céleste. Mais il faut aussi regarder ce qui s'est passé chez les soviétiques et leurs efforts dans les derniers jours de la course lunaire qu'ils ont perdue. L'impact sur l'humanité de l'effort spatial américain triomphant a produit un effet d'aubaine diplomatique majeur pour les Etats-Unis. L'administration Nixon a cherché à tirer pleinement parti de la réussite de soutenir les efforts diplomatiques américains dans les affaires mondiales. Mais le président Lyndon Baines Johnson, le président Richard M. Nixon et le conseiller de sécurité nationale Dr. Henry A. Kissinger (HAK) avaient gardé un œil au dessus de l'épaule, en regardant ce que l'autre tentait en même temps" a-t-on pu lire quelque part. La surveillance du rival étant dévolue au programme Corona...
Kissinger et Nixon, savaient, car la gigantesque fusée soviétique avait été photographié sur son pas de tir à plusieurs reprises par le satellite Gambit KH-8A. Le premier cliché, d'ailleurs, sera un véritable coup de chance : lors d'une mission lancée le 25 octobre et terminée le 5 novembre 1967, un satellite avait en effet surpris le 2 novembre 1967, et le lendemain encore les trois premiers étages d'une énorme fusée baptisée alors "modèleJ" couchée sur un bâti tout aussi colossal, lentement poussé sur deux voies parallèles par deux paires de locomotives diesel (ici vu du sol). L'engin était gris et blanc, et son premier étage présentait un diamètre incroyable (ici vu de beaucoup plus près on distingue les deux voies ferrées, et ici également). Ce ne sera pas le seul cliché ramené par les satellites "Keyhole". La toute première photo de la photo redressée était celle de la maquette de calibration, sur son site de lancement avec une N1-L-3 en attente de remplissage d'essai de Lox et de kéroséne, saisie dès le 24 septembre 1968, lors de la mission-1024-1 d'un Corona, (sur l'image N° 028, de la bobine 12572). Une seconde photo avait été prise le 2 octobre 1968 du modèle N1-L3 toujours en tests de remplissage (lors de la mission-1048-2, sur l'image 153, et la bobine 12721). Un travail rondement mené par les interprétateurs US sur les ombres portées (notamment celle de tour ombilicale accompagnatrice) avait vite donné la taille de la bête. L'estimation "top secrète " donnait 317 pieds : 96 mètres. En y ajoutant la tour de sauvetage à poudre qui n'y figurait pas lord des deux passages, on obtenait bien les 105 mètres du monstre de Korolev. La Saturn faisant en comparaison... 363 pieds (110 mètres). Il n'y avait donc pas de mystère : c'était bien un projet lunaire, les lois de l'astronautique étant simples pour envoyer plus de 30 tonnes en orbite, il fallait ça en effet.
D'octobre 1967 à juin 1969, les américains photographieront 13 fois la N1 ou ses maquettes, depuis la mission 47 jusque la mission 60 des Corona : difficile d'imaginer qu'ils ne savaient pas à quoi s'attendre... et pourtant, ils n'auront pas à la craindre. Un cliché pris sous un fort angle, d'une provenance inconnue avait aussi localisé le "VAB" des soviétiques, le MIK, là où ils montaient leur fusée...couchée, sur son berceau de transport et non debout comme les américains le faisaient avec Apollo. Devant l'entrée, le berceau vide de transport et d'érection de la fusée géante. Sur un autre cliché pris à la verticale du bâtiment de constuction, un indice important avait été relevé : l'écartement des deux voies ferrées montrait via la taille du berceau porteur le diamètre du plus gros étage de la fusée : le premier. Il devait faire... 17 mètres. Saturn n'en fait que 10 à la base. Les américains, à ce moment-là, craignaient surtout que la géante soit plus puissante que la leur !
Mais c'était déjà joué, et certains comme ici Marcus Lindross, affirment que la course à la Lune a basculé bien avant : "trois ans auparavant, les sovoiétiques, qui ont fait la course en tête depuis 1957 ont perdu aux alentours de 1966 déjà : lentement mais sûrement, les Américains rattrapent. Malgré l'opposition du Congrès qui a augmenté les dépenses de la guerre du Vietnam, la NASA a dépensé un montant record de 2 967 millions de dollars sur le projet Apollo en 1966 - bien plus que les Soviétiques ne pourraient se le permettre. La fusée géante Saturn V, ses installations de lancement à plusieurs milliards et des infrastructures connexes étaient prêts pour les tests basés au sol dès le moi de mai 1966. Les sondes Surveyor et Lunar Orbiter peuvent bien avoir été les secondes sur la Lune, elles étaient beaucoup plus avancés que les Lunas soviétiques et ont rapidement accompli dix missions réussies vers la Lune en quinze mois. Coté vols spatiaux habités, le vaisseau Gemini (un précurseur à deux hommes d'Apollo) avait été un beau succès. Gemini 8 a fait un amarrage spatial crucial pour la première fois en Mars 1966. Les dernières Gemini ont mis en place seulement à deux mois d'intervalle, la pratique de longue durée des vols habités, des rendez-vous et des sorties dans l'espace. Les Soviétiques ont dû se démener pour garder le rythme. Un troisième vol de deux semaines Voskhod a été retardé de deux mois, puis annulé en quelques semaines après son décollage prévu en mai 1966. Le reste du programme a été annulé pour gagner du temps et de se préparer pour le premier vol du nouveau vaisseau Soyouz (selon Harvey, 1996). Il semble également que la station spatiale militaire géante OS-1 - suspendue depuis la chute de Khrouchtchev du pouvoir deux ans plus tôt - a pris fin la même année (selon Vick, 1994),
pour être remplacé par une version plus petite lancée par Proton, une version appelée Almaz. Chelomei était maintenant en charge du projet et les capsules LK-1 feront partie à la place de la nouvelle station spatiale, mais il a continué à proposer ses plans alternatifs de conquête de la Lune. En 1967, il a commencé à travailler sur l'ingénierie des maquettes des baies des moteurs pour l'UR-700 et des zones inter-étages (selon Vick, 1996), contestant l'autorité de Mishin en tant que chef de file du programme lunaire". Les russes ont perdu Korolev la même année cruciale de 1966, et son successeur Mishin, il l'avouera lui-même, n'a pas son charisme pour éviter les coteries du Kremlin. Korolev avait rêvé en fait d'une Multirole Space Base Station (MKBS, voir schéma), alimentée à l'énergie nucléaire. mais l'URSS, ruinée par la conquête spatiale, n'avait déjà plus l'argent pour la construire.
Car les russes avaient été confrontés au même dilemme que les américains : il y avait bien trois façons de se rendre sur la Lune. Comme l'indique ce schéma repris du Numéro de Time-Life "L'homme et l'espace", imprimé en 1965 (avec en couverture Saturne 1B***, haute de 51 m), américains comme russes avaient à soupeser les trois méthodes, et selon chacune une fusée différente, où la même fusée lancée deux fois pour réaliser un "trains spatial" pour la Lune. La plus simple était le tir direct mais il fallait un monstre que les américains appelleront longtemps le projet Nova, ou une Saturne seule pour la version la plus difficile à réaliser : le rendez-vous lunaire avec un engin spécialisé pour descendre sur la Lune. Entre deux, l'envol de deux fusées Saturn à peu de temps de décalage pourrait suffire.
La fusée russe du rendez-vous lunaire avait été photographiée sur demande, car les services secrets US se doutaient que depuis... 1964 un projet de ce genre avait été proposé par les ingénieurs russes. Le plus étrange, c'est que pendant au moins 4 ans un homme n'en a jamais parlé : James ("Jim") Webb, le responsable de la NASA de 1961 à 1968. Pourquoi, voilà bien tout le mystère en effet, car il lui suffisait d'ouvrir le jounrnal pour le savoir en 1966 : "en Septembre 1966, des histoires parues dans le Washington Post et le New York Times affirmaient que les Etats-Unis disposaient d'informations comme quoi l'Union soviétique était en train l'élaborer une fusée plus grande et plus puissant que leur propre gargantuesque susée lunaire Saturne-V. Le 'New York Times estimait que la poussée de la fusée était de 7,5 à 10 millions de livres par rapport à la Saturn V et ses 7,5 millions. Mais ces deux articles parus aux États-Unis déclaraient que les analystes du renseignement n'avait pas encore vu la fusée elle-même. Les estimations antérieures de la fusée encore invisible avait dit qu'elle aurait une poussée de près de cinq millions de livres. Mais à l'été 1966, cette estimation a été augmentée, mais exactement quand et pourquoi la CIA a ainsi augmenté son estimation reste classé. Là encore, ce n'est sans doute pas un hasard si ces fuites dans la presse eu lieu en septembre, alors que Centre d'Interprétation Nationale photographique mettait la dernière main à ce qui était un rapport annuel sur l'ensemble des lancements. Ce rapport a été officiellement datée d'octobre 1966, mais son avant- projet aurait été distribué, au préalable dans toute la communauté du renseignement, et chez certains responsables de la NASA". En somme, la CIA avait appris quelque chose dès 1966 qui lui avait permis d'affiner son savoir : les russes préparaient bien une fusée de la taille de Saturn V. Et le directeur de Nasa n'aurait pas été au courant ?
Difficile à imaginer ! Ses liens avec les nazis de l'affaire (voir ici la photo avec Debus et Von Braun) auraient-ils eu une une infuence dans son mutisme ? En fait, le programme Apollo coûtait les yeux de la tête, et l'annonce le 27 janvier 1967, de la catastrophe d'Appollo 1 avait fait craindre à Jim Webb qu'il puisse être arrêté, faute de crédits. Il avait fait jusqu'alors un intense lobbying pour la NASA, et craignait avant tout de voir ses crédits supprimés. Ceux d'Apollo mais aussi des sondes de programme d'exploration planétaire avec Mariner et le programme Pioneer. Résultat, en février 1968, voilà que Jim Webb lâche le morceau : devant le Science House and Astronautics Comity il affirme que les Soviétiques "seront bientôt en mesure de lancer une fusée avec une plus grande poussée que Saturn V" (alors qu'il n'en avait rien dit pendant des mois !) ; maintenant que son programme est menacé, il condescend à avouer qu'il s'avait quelque chose depuis au moins deiux ans. "En septembre 1968 Webb a appelé la CIA pour obtenir l'autorisation de montrer au président Johnson des photographies de reconnaissance par satellite du Complexe "J" . David Brandwein, le directeur du Foreign Missile and Space Analysis Center de la CIA a déclaré Webb qu'il n'y avait pas de problème pour le faire. Johnson, et Brandwein le savaient, avait déjà été mis au courant de cette information". Johnson savait donc déjà, pour la "J", autrement dit la N-1 : seule la CIA avait pu le brieffer sur la question.
En réalité, les américains ne seront "libérés" de ce poids psychologique de l'existence de ce monstre que fort peu de temps avant leur voyage victorieux. Ils auront à craindre leur adversaire jusqu'en juin 1969, où leurs incertitudes et la peur de se faire battre sur le fil auront ce mois-là presque totalement disparues. Ils craignent toujours un projet à deux fusées pour un "train spatial" lunaire. Les russes, ce mois-là, s'agitaient en effet beaucoup, après des mois d'inactivité, et deux éléments significatifs permettaient de supposer qu'ils préparaient un événement d'importance : à Baikonour, où des préparatifs s'intensifiaient, et plus exceptionnellement en en mer, où de très nombreux navires avaient appareillé, comme si une mission de récupération de satellite se profilait à l'horizon. Le retour de la Lune a une vitesse phénomènale n'assurait plus obligatoirement de se poser en URSS seulement : il fallait prévoir comme chez les américains une flotte de récupération, au cas où...
Or, phénomène fort rassurant pour ses américains, leur adversaire potentiel n°1 avait été éliminé dans le mois même qui précédait l'aventure lunaire américaine, le 3 juillet 1969. Avec l'échec du lancement soviétique de l'immense fusée appelée "J" par les services secrets US, qui explosait le 3 juillet 1969 à 20:18:32 UT sur son pas de tir à Baikonour, le programme lunaire russe se retrouvait en effet en situation d'échec total. C'était la deuxième tentative ratée, déjà, en prime. L'ironie de l'histoire étant que l'armada de satellites espions Gambit KH-8, leurs largages de capsules, leur récupération acrobatique et leur développement obligatoire de leur films, n'avaient servi à rien dans la découverte de la catastrophe : c'était en réalité un satellite météo qui avait découvert la lueur de l'explosion de l'engin et non un de ces "Gambit" ! Cette explosion catastrophique de la fusée, en revanche, avait été connue de la Maison Blanche dans les 24-36 heures suivant l'accident, soit dès le 4 ou le 5 juillet. Un rapport depuis déclassifié montre en effet comment les USA avaient appris, 12 jours avant le décollage de Saturn V-Apollo XI (qui avait décollé le 16 Juillet 1969 à 14 h32-heure française), qu'ils ne pouvaient plus être rejoints et qu'ils seraient les gagnants de la course à la Lune... si tout se passait bien pour le trio Armstrong-Aldrin-Collins.
Mais la preuve photographique de cet échec, les américains n'en disposeront qu'après le retour de la Lune d'Apollo XI. Ils savaient, donc, en partant... mais ils ne savaient pas tout. Ce rapport montre que beaucoup savaient des choses, cependant. Depuis on a pu relever le nombre d'administrations US qui l'avaient appris : la CIA, en premier, mais aussi, la National Security Agency (NSA) et à un degré moindre l'Air Force Systems Command et sa division Foreign Technology Division (DFT) - devenue depuis le National Air & Space Intelligence Center (NASIC), ainsi que le Département d'État, le Bureau du renseignement et de la recherche (BIR) et la Defense Intelligence Agency (DIA) ou l'Office of Naval Intelligence (ONI) ont tous bien indiqué qu'ils avaient tous appris l'échec russe, mais peu d'entre eux l'avaient alors commenté, même des années après encore. Motus complet sur toute la ligne, telle était la consigne ! Les russes, eux, ne diront rien avant longtemps. Il faudra attendre l'effondrement de l'URSS pour que le voile soit levé sur cette aventure aussi imposante que le programme Apollo et dont ils avaient toujours nié l'existence. Officiellement, les russes n'avaient en effet aucun programme lunaire... alors qu'ils en avaient deux sur le grill (et même un troisième comme on va le voir plus loin) !
Une autre grande inquiétude US en juin 1969 provenait également des mouvements des navires de la flotte de guerre russe. Les Soviétiques avaient entrepris en juin et juillet 1969 le plus grand déploiement de navires jamais vu. Cette intense activité navale aurait dû servir de support à un événement spatial attendu. En juin et juillet 1969, ils avaient en effet déployé la flotte de soutien de l'espace déjà rencontrée sur les mers du monde, à laquelle ils avaient ajouté 9 nouveaux navires. Cela n'avait jamais été vu avant ce moment et n'a pas été revu par la suite, sauf pour les cinq exercices suivants d'Okean, dans les années de guerre qui ont suivi cet événement ou par la suite à chaque plan quinquennal. Les soviets avaient déployé 65 navires divers allant de la marine marchande (dont les fameux chalutiers), aux vaisseaux spécialisés de la marine russe pour suivre destinés à soutenir les événements spatiaux. Pendant cette période de juin à juillet 1969, on dénombrait effectivement 13 à 18 bateaux dans l'océan Pacifique, 10-15 dans l'Atlantique et 10-20 dans l'océan Indien : quelque chose d'important était donc attendu. Et les russes attendant l'arrivée de capsules en pleine mer, c'était plutôt inhabituel chez eux !
Ce qu'attend la flotte russe, ce n'était pas seulement la capsule qu'aurait pu satelliser La N-1, c'était un tout nouveau vaisseau Soyouz, le premier ayant connu les déboires que l'on sait ayant entraîné la mort du regretté Komarov (les américains avaient capté avec leurs grandes antennes ses cris de rage contre les concepteurs de sa capsule maudite, alors qu'il sait qu'il n'a plus aucune chance de s'en sortir).
Les russes ont en fait rejoint la course à la Lune... mais ils ont beau l'avoir fait tardivement, et leur Soyouz profondément remanié montre des capacités inquiétantes, bien supérieures à celle de Gemini, inon même à la capsule Apollo. Les russes, en prime, ce jour-là se sont payés le luxe de lancer deux vaisseaux et non pas un, et les deux Soyouz de voler carrément de concert : ".. la seule mission officiellement attribuée à Soyouz 3 était de réaliser des rendez-vous par pilotage manuel, analogues à ceux réussis par les Américains lors des expériences Gemini.
Deux fois, pendant le weekend, Beregovoï se rapprocha d'un vaisseau Soyouz 2, vide, qui avait été lancé le vendredi et qui regagna la Terre le lundi. On a presque l'impression d'un retour en arrière sur le plan technique. Sur d'autres points, en revanche, le vol de Soyouz 3 semble indiquer une avance des Soviétiques. Le vaisseau spatial, qui comporte une cabine de pilotage et une cabine de repos séparées, apparaît plus vaste et plus lourd que la cabine Apollo. Le confort cosmique y est également plus poussé, puisque les téléspectateurs, admis pour la première fois au spectacle d'un lancement, ont pu constater que Beregovoï pour embarquer, n'avait pas eu besoin de revêtir un scaphandre. Autre avantage : la possibilité de lancer simultanément deux masses aussi lourdes que les Soyouz. Comme certaines déclarations autorisées le suggèrent, les Russes auraient en effet choisi pour atteindre la Lune, la formule du rendez-vous en orbite terrestre. Qui exige plus de puissance, mais risque d'être moins acrobatique que le rendez-vous en orbite lunaire des Américains. Où en est leur technique des rendez-vous et des arrimages dans l'espace ? Les prochaines semaines peuvent fournir une indication. En effet, à deux reprises, les 9 novembre et 6 décembre, la Lune se trouvera en position privilégiée, tant da point de vue optique que des communications radio, par rapport au territoire de l'URSS..." et effectivement, car c'est ce que vont faire deux Soyouz (Soyouz 4 et 5)... début 1969, réussissant le premier amarrage de deux vaisseaux habités, et en même temps le premier transfert d'équipage céleste... via l'extérieur des vaisseaux, solution risquée et complexe (*) La télévision soviétique retransmetra en direct les préparations d'Elisseïev et de Khrounov pour leur sortie dans l'espace : les russes étaient très sûrs d'eux, on pourra les voi sans scaphandre dans leur capsule. On verra Volynov les aider à revêtir leur combinaison "Yastreb" dans le module orbital de Soyouz 5. Khrounov sortira le premier au dessus de l'Amérique du Sud, pendant qu'Elisseïev se dirigera à son tour à bord de Soyouz 5, au dessus de l'Union Soviétique. Dans Soyouz 4 rentreront donc sur Terre Chatalov, Khrounov et Elisseïev, Boris Volynov restant seul dans Soyouz 5. Les russes avient tout prévu : les deux cosmonautes transférés avaient avec eux des journaux, lettres et télégrammes imprimés après le lancement de Soyouz 4, pour prouver que le transfert avait bien eu lieu !
Ce fameux Soyouz 7K-L1 (exactement) devenu un vaisseau simplement circumlunaire, dénué de module de descente mais équipé d'un dock d'amarrage nouveau. Fait inquiétant pour les USA, l'année 1968 avait vu plusieurs tentatives de lancement de ce vaisseau par une fusée puissante d'un autre modèle, la Proton.La première tentative du 2 mars 1968 ne le fut pas vraiment, cirumlunaire, à vrai dire : l'engin ratera son décollage, montera tout juste à 330 000 km d'apogée et n'atteindra donc pas la banlieue lunaire. Le suivant, Zond 5, engin tout aussi lourd (5 375 kg !) inquiètera davantage les américains. Lancé le 14 septembre 1968, il avait redonné le sourire aux russes : il avait atteint la Lune le 18 septembre 1968, l'avait survolée tranquillement, à 1 950 km d'altitude, et était revenu de façon surprenante... le 21 septembre 1968 en pleine mer, intact ; avec ses occupants vivants (des tortues de Horsfields, des mouches et des plantes !). C'était le premier engin spatial à faire le tour de la Lune et revenir sur terre (Après avoir pris une belle photo de la Terre) !
La réussite de cette mission inquiètait donc fortement les USA, qui n'avaient prévu de faire de même qu'en décembre seulement de la même année avec Apollo VIII. Les craintes s'accentueront encore quand le 10 novembre 1968, un nouveau vaisseau Zond 6 était parti refaire la même chose que le précédent : l'inquiétude augmentait alors d'un cran à la NASA : le 14 novembre, 1968 il survolait la Lune à une distance minimale de 2 420 km, cette fois et la photographiait au passage : les russes étaient en réperage et préparaient un alunissage prochain, c'était évident ! Les américains craignaient au départ que la capsule ne contienne des cosmonautes. Ce n'était pas le cas, les russes étant de nature prévoyants. Ce qui va surtout "rassurer" les américains, c'est que Zond 6 va surtout marcher moins bien que prévu : le 17 novembre 1968, en rentrant dans l'atmosphère la cabine se depressurise (préfigurant hélas une catastrophe bien pire !), tuant ses bestioles à bord, ce qui oblige les ingénieurs à faire des modifications qui seront longues à bord du vaisseau. Son parachute se déployant trop tôt et la cabine se crashant à moitié au sol (et non en mer) : on ne pourra sauver qu'un seul négatif du rouleau de sa caméra. Zond 7 raménera en revanche une superbe photo couleur de la Terre, le 9 août 1969. C'était sans nul doute un vol de reconnaissance pour un tour de Lune en vaisseau habité.
Les soviétiques, qui clameront que la mission avait été une réussite totale, s'étaient montrés trop présomptueux cette fois-là : (très) satisfaits de Zond 5, ils avaient tenté plus difficile encore : une rentrée avec rebond atmosphérique ("skip reentry") pour atterrir pile en URSS et non plus en mer. Une opération trop délicate à réaliser, en fait, d'où la fin ratée d'une mission effectivement réussie jusque là. Les américains, qui avaient suivi les déboires en direct avec leurs stations radio d'espionnage disposées en mer pouvaient jubiler : ce n'est pas tout de suite que les russes enverront des cosmonautes autour de la Lune via le programme concoté par Chelomeï ; dont la puissance de la fusée est si impressionnante ;
mais dont les déboires s'accumulaient (après un nombre conséquent d'échecs successifs, elle deviendra un des plus fiables et des plus efficaces de l'arsenal russe : elle existe toujours et se charge des plus lourds lancements) Les américains ne savent pas non plus à ce moment-là que Chelomeï a été écarté pour son projet de gigantesque fusée lunaire UR-700, au profit de la N1 de Korolev. Dès fin novembre 1968, ils savent que le programme "de secours" des soviétiques va sunir un retard important et 7 mois plus tard que le programme N°1 est mort-né : ils peuvent partir confiants en juillet 1969 : ils ne peuvent donc plus être battus !
Les américains craignaient beaucoup le périple des vaisseaux Zond, car leur capsule Apollo, handicapée par le terrible accident qui a carbonisé Grissom, White et Shaffee avait pris beaucoup de retard (20 mois exactement), avec les modifications obligatoires après la catastrophe (les russes en perdront 18 avec Soyouz 1). C'est tout d'abord les russes qui ont ré-ouvert le bal comme on l'a vu : "placé sur orbite terrestre, le samedi 26 octobre, à 11 h 34, heure de Moscou, le vaisseau spatial Soyouz 3, après quatre jours de manoeuvres, est redescendu sur le territoire de l'URSS mercredi dernier, à 10 h 15. Mission accomplie, assure l'agence Tass. « Nous n'avons pas l'habitude, en Union soviétique, de dévoiler nos programmes spatiaux », rappelait, le 16 octobre, à New York, l'académicien Leonid Sedov" nous rappelle L'Express dans son numéro spécial de juillet 1993. "Que nous enseigne donc ce nouveau vol ?
D'abord, que la course à la Lune, relancée par le succès de Zond à la fin de septembre, puis par le vol triomphal d'Apollo 7 pour les Américains, bat désormais son plein et ne se ralentira sans doute plus maintenant jusqu'au débarquement du premier homme sur notre satellite. Ensuite, que les deux pays connaissent sensiblement les mêmes impératifs techniques. Vingt mois s'étaient écoulés depuis l'incendie au sol de la cabine Apollo 6, avant que les Etats-Unis puissent recommencer l'expérience prévue avec Apollo 7. De même, il aura fallu dix-huit mois, après le lancement de Soyouz 1, le 24 avril 1967, qui s'était terminé par la mort de Vladimir Komarov, pour que l'Union soviétique s'estime capable de risquer la vie d'un homme sur un vaisseau du même type" (...) Ce vol de Soyouz 3 semble augurer d'une réorientation de la doctrine spatiale russe, qui jusqu"ici privilégiait les sondes automatiques aux vaisseaux habité : Gagarine avait été un coup politique, pas le vœu des scientifiques russes "A travers certaines de ses déclarations à l'agence Tass, avant le vo !, on discerne une véritable querelle de doctrine chez les responsables de l'espace soviétique. « L'académicien Korolev, constructeur en chef des vaisseaux soviétiques, reconnaissait, certes, toute l'importance des dispositifs automatiques, a rappelé le colonel Beregovoï ; mais il demandait en même temps avec insistance que le rôle principal fût réservé, à bord d'une cabine cosmique, au pilote. » Korolev mourut pendant l'hiver 1966. Et il est frappant de constater qu'après l'échec de Soyouz toutes les expériences soviétiques furent réalisées automatiquement par des vaisseaux inhabités, y compris des rendez-vous en orbite que les Américains n'avaient jamais tentés".


(**) Ce qu'oublieront de dire les russes, c'est que la rentrée de Soyouz 5, avec Boris Volynov seul à bord avait failli se transfomer en catastrophe, le module arrière de service de son Soyouz n'ayant n'a pas réussi à séparer de sa capsule, au lieu du bouclier thermique dirigé vers le bas le vaisseau spatial a présenté le haut de la capsule pour la rentrée. Boris Volynov au lieu d'être poussé contre son siège pour la rentrée, s'est retrouvé suspendu dans l'autre sens, avec comme résultat sa trappe de sortie supérieure et même le pourtour de son hublot qui ont commencé à gonfler par la chaleur. Au dernier moment le module de service s'est enfin détaché (il était carbonisé !) et enfin le bouclier thermique s'est présenté dans le bon sens. Les problèmes de Volynov n'étaient pas terminés pour autant, car ses parachutes s'étant partiellement enchevêtrés, et il est arrivé au sol brusquement, sans que ses rétrofusées non plus ne se déclenchent : résultat, projeté en haut de sa capsule, il s'y était cassé des dents ! Rien, bien sûr, ne filtrera de ses déboires : l'omerta soviétique habituelle.
(***) plans ici :
http://kerbalspaceprogram.com/forum/showthread.php/6561-Saturn-IB-Rocket
sur Boris Chertok lire ceci :
http://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/boris-chertok-des-regrets-eternels-106299
l'indispensable visite est ici :
http://www.npointercos.jp/Energiamuseum.html
doc en russe :
http://www.astronaut.ru/bookcase/article/article04.htm?reload_coolmenus
sur la carrière d'Evguéni V. Khrounov :
http://cepaes.over-blog.com/article-3431686.html
super site ici :
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