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Accueil du site > Tribune Libre > Les leçons de la clairière de Rethondes

Les leçons de la clairière de Rethondes

Le wagon 2419D de la Compagnie Internationale des Wagons-Lits disposait d'un salon-restaurant aux murs d'acajou transformé en bureau itinérant pour le maréchal Foch et stationnait dans la forêt de Compiègne. C’est là, le 11 novembre 1918, que huit hommes français, allemands et britanniques ont passé une nuit à étudier les conditions de paix préparées par la France. Foch avait refusé de négocier. Pour lui, les Allemands avaient le choix entre signer l'armistice proposé ou partir. À 5 h 02, le politicien allemand Matthias Erzberger a signé, puis a déclaré : « Un pays de 70 millions de personnes souffre mais ne meurt pas. »

Foch a refusé de lui serrer la main.

Lors des pourparlers de paix de Versailles en 1919, Foch aurait précisé : « Ce n'est pas une paix. C'est un armistice qui durera 20 ans ». Puis, en 1940, Hitler a obligé les représentants de la France à prendre place dans les sièges de la délégation Erzberger dans le même wagon, puis il a fait dynamiter les monuments de Compiègne. Seule la statue de Foch restait debout.

Si l'armistice de 1918 doit servir à quelque chose, c’est à constituer un contre-modèle.

Ce n’est pas cet épisode qui a provoqué mécaniquement la seconde guerre mondiale déclenchée vingt ans plus tard, mais le centième anniversaire de cet « armistice » est l’occasion de réfléchir aux enseignements à tirer de l’évènement.

Dans les relations internationales, il est sage de considérer même les adversaires comme des partenaires commerciaux à long terme. Les blesser pour un gain à court terme risque de se traduire à long terme par « le coup de pied de la mule » : ils n'oublieront pas. Les dirigeants actuels des grandes puissances devraient en prendre note, même s’ils ne seront plus là quand il s’agira de ma déguster le plat qui se mange froid.

Les passions nationalistes sont faciles à faire sortir de la lampe d’Aladin mais difficiles à remettre dedans. Une des raisons qui a guidé Foch dans ses prises de positions était le deuil des familles françaises qui attendaient une réparation pour ces quatre ans de tueries. Aucune autre idéologie n’a le pouvoir émotionnel du nationalisme. De nombreux politiciens sont donc tentés d’exploiter ce pouvoir en promettant le retour à la grandeur par un repli. Mais l'utiliser avec modération est délicat.

Un peuple humilié cherche souvent des boucs émissaires et il n’y a qu’un pas de la colère à la violence. Erzberger n'avait pas d'autre choix que de signer l'armistice. Son pays était dans la tourmente après l'abdication du Kaiser le 9 novembre : les nouveaux dirigeants civils allemands et le général Paul von Hindenburg redoutaient une révolution communiste qui semblait réalisable et lui ont tous envoyé des télégrammes l'invitant à signer. Mais en signant, il est devenu le bouc émissaire désigné. Un an plus tard, Hindenburg se lamentait : "Comme l'a dit un général anglais, l'armée allemande a été poignardée dans le dos ". Et une légende est née : l'Allemagne aurait gagné la guerre si les "criminels de novembre" n'avaient pas trahi. Les traitres devaient être punis. Erzberger "est peut-être aussi rond qu'une balle, mais il n'est pas à l'épreuve des balles", écrivait le journal Tägliche Rundschau. En 1921, il était assassiné par des terroristes d'extrême droite dans une station thermale. 

Autre enseignement : les guerres engendrent des guerres et les mémoires sont infidèles. Les frontières du Moyen-Orient dessinées à Versailles ont contribué à engendrer les conflits actuels dans la région alors que les conflits franco-allemands paraissent aussi lointains que les guerres puniques aux collégiens d’aujourd’hui. Hitler a fait transférer le wagon 2419D à Berlin, où il a été exposé, puis il a brûlé (accidentellement ?) près de Gotha en avril 1945. Seul le châssis en métal du wagon a « survécu ». Il a été utilisé pendant 30 ans en RDA au transport des marchandises à la gare de Gotha, avant de se casser définitivement. Le wagon exposé à Compiègne aujourd'hui est un exemplaire de la même série. Mais peu de gens s’en souviennent.

 


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8 réactions à cet article    


  • Clark Kent NEMO 9 novembre 2018 13:48

    L’armistice a été signé à 5 h 02 mais, dans le but de frapper les esprits et sans doute pour fournir aux écoliers une astuce mnémotechnique, il n’a pris effet qu’à la onzième heure du onzième jour du onzième mois. Pendant les cinq heures et cinquante huit minutes qui se sont écoulées entre la signature et le cessez-le-feu, environ 2 738 hommes sont morts. 

    Le dernier soldat tué a été l’Américain d’origine allemande Henry Gunther, à Chaumont-devant-Damvillers (Meuse). Les Allemands, qui occupaient une position à proximité, ont vu surgir du brouillard deux soldats américains baïonnettes au canon. Ils ont tiré au-dessus de leurs têtes et les soldats se sont couchés sur le sol. Henry Gunther s’est relevé et a continué à avancer. Il a été abattu de cinq balles de mitrailleuse. Il était 10 h 59.


    • njama njama 9 novembre 2018 15:27

      @ math

      La guerre 14-18, c’est une histoire de chemins de fer qui a mal tourné...

      Les Britanniques, maître d’œuvre de la guerre de 1914 !
      .
      cause de la guerre, la construction du Transsibérien entre 1891 et 1916

      qui allait bouleverser les échanges commerciaux, l’Empire britannique ne pouvait pas laisser faire, fallait détruire ces projets d’alliances...
      ...

      Comment l’Empire britannique orchestra la Première Guerre mondiale
      Pour le roi britannique Edouard VII (à droite), la coopération continentale eurasiatique nouée par le chancelier allemand Bismarck, le ministre français des Affaires étrangères Gabriel Hanotaux et le ministre russe des Finances Serge de Witte (à gauche) était un casus belli . En effet, elle menaçait l’hégémonie de l’Empire britannique fondée sur sa domination des océans.
      [...]
      Le comte Witte [ministre russe des Finances de 1892 à 1903] disait en 1892 :
      .
      Personne ne peut plus nier la signification globale de la Route sibérienne. Elle est reconnue dans le pays et à l’étranger. Reliant l’Europe et l’Asie par une liaison ferroviaire ininterrompue, cette route devient un moyen de transit uniformisé par où devront passer les échanges de biens entre l’Ouest et l’Est. La Chine, le Japon et la Corée ont un demi-milliard d’habitants. Et déjà, avec un commerce international s’élevant à plus de 600 milliards de roubles et ce grand système de circulation continentale à vapeur, permettant un transport plus rapide et meilleur marché d’hommes et de marchandises, nous pouvons entrer en relations plus étroites avec l’Europe, un marché ayant une culture manufacturière développée, et y créer par là même une plus grande demande pour les matières premières de l’Est. Grâce à la Route sibérienne, il y aura aussi une demande plus importante d’usines européennes et de savoir-faire européen, et le capital trouvera un nouveau domaine d’investissement dans l’exploration et le développement des richesses naturelles des nations orientales. Le chemin de fer sibérien peut être d’une grande aide pour l’industrie chinoise du thé, car il pourrait y jouer un rôle dominant. Si les États européens persistent dans la voie actuelle, ils risquent un grand malheur.
      [...]
      http://www.solidariteetprogres.org/documents-de-fond-7/histoire/article/comment-l-empire-britannique.html

      indirectement, cette guerre aura permis la révolution de 1917 et la chute du tsar


      • Et hop ! Et hop ! 10 novembre 2018 03:35

        @njama

        Ce n’est pas pour empêcher la construction du trans-sibérien mais du chemin de fer Bagdad-Istambul-Vienne-Berlin, car il allait permettre de transporter le pétrole de Bassora par terre, sans recourir aux compagnies pétrolières anglaises, américaines et hollandaises et le Canal de Suez.

        Ce chemin de fer devait passer par la Serbie.... et à la fin de la guerre, les empires Ottoman, Autrichien et Allemand ont été démantelés par les Anglais.

        https://fr.wikipedia.org/wiki/Chemin_de_fer_Berlin-Bagdad#Dans_la_Première_Guerre_mondiale


      • njama njama 11 novembre 2018 13:46

        @Et hop !

        On nous faisait croire dans les manuels scolaires que la source des guerres procédait de manières immémoriales d’inimitiés séculaires entre « les peuples », il n’en est rien, seuls de sombres intérêts (impériaux ou impérialistes, coloniaux, capitalistes,..) de domination qui leur échappent les provoquèrent.

        Hier à la fin du XIX°, début XX° les chemins de fer

        étaient un enjeu majeur qui affaiblirait la domination britannique sur les océans, aujourd’hui, d’autres moyens d’acheminement.
        Il suffit de voir l’opposition farouche des USA au projet nord-stream2 (qui est peut-être cause directe du conflit en Ukraine), de la frustration du Qatar qui a vu son projet d’oléoduc (ou gazoduc) retoqué par la Syrie, les velléités de contrôle par les americano-israélo-saoudiens

        du Golfe d’Aden qui donne accès à la Mer Rouge et au canal de Suez qui expliquent l’actuelle guerre au Yémen, ...
        et demain peut-être ce contournement du canal de Suez sera cause de la prochaine et troisième grande guerre (?)


      • njama njama 11 novembre 2018 13:47

        La Russie construit son propre canal de Suez et contourne ainsi le contrôle des États-Unis et de l’Europe
         Le projet avait déjà été lancé par le ministère russe des Transports en 2000. Avec seulement 7200 kilomètres, le nouvel axe de circulation est nettement plus court que l’itinéraire standard par le canal de Suez : au lieu de 35 à 40 jours, le fret ne sera à l’avenir transporté que pendant 20 à 23 jours.
         Sputnik
        Jusqu’à présent, les cargaisons en provenance de l’Inde étaient transportées par voie maritime à travers le canal de Suez puis par voie terrestre à travers l’Europe jusqu’à Saint-Pétersbourg (trajet bleu).
          Le nouvel itinéraire de l’INSTC mène de la métropole portuaire indienne de Mumbai via l’Iran, l’Azerbaïdjan à Astrakhan en Russie et de là à Moscou et Saint-Pétersbourg (trajet rouge).
         Sputnik
        Outre le contournement de l’Europe et des Etats-Unis et les temps de transport plus courts, il y a un autre avantage :
         Les transports d’essai sur le nouvel itinéraire ont montré que les coûts peuvent être réduits d’environ 30 pour cent. Cela donnera un nouvel élan aux échanges commerciaux entre l’Inde et la Russie.

         Sputnik

      • flourens flourens 9 novembre 2018 16:05

        il faut savoir lire l’histoire, au 11 novembre 1918, plusieurs généraux, dont Pétain, voulaient continuer la guerre jusqu’à Berlin, du moins jusque sur le territoire Allemand, pour deux raisons, la vengeance, y casser tout ce que l’on pouvait casser pour bien leur faire sentir le poids de la guerre, comme en 45, et puis et surtout ne pas permettre à l’armée Allemande de se considérer comme invaincue et exiger une capitulation sans condition de l’armée, à cette seule condition pensaient-ils l’Allemagne avait perdu la guerre, l’histoire montre qu’ils avaient raison

        mais alors pourquoi cet armistice qui finalement ne faisait ni de vrais vainqueurs, ni de vrais vaincus, pour des raisons données comme humanitaires, sauver des vies, c’est bien mais ce n’est pas la seule vérité, en Allemagne sévissait la révolution bolchévique et ce bien avant l’armistice, or il était hors de question que le communisme s’installe à nos frontière et sans l’armée la révolution spartakiste aurait sans doute gagné, donc il fallait laisser l’armée rentrer chez elle pour mater la révolution, ce qu’elle a fait avec zèle, autre preuve, la France s’est empressée de libérer des prisonniers pour qu’ils aillent renforcer cette armée contre révolutionnaire, juste retour des choses puisque Bismarck avait fait de même pour le foutriquet en 1871 pour écraser la commune

        bref on peut dire qu’on a eu la 2em guerre qui découle directement de celle de 14-18 par anti communisme, souvenez vous le cri du coeur un peu plus tard, plutot Hitler que Blum


        • Clark Kent NEMO 9 novembre 2018 16:39

          @flourens

          Entièrement d’accord avec la fin de votre commentaire.
          Pour le début, c’est autre chose.
          Le trans-sibérien n’a été qu’un des éléments qui on amené les Anglais et les Français à affronter l’Allemagne.
          Même la revanche sur Sedan et le retour de l’Alsace-Lorraine sont secondaires par rapport à un élément clé : l’unification de l’Allemagne et son positionnement sur le terrain géopolitique. 
          Les Anglais et les Français s’étaient partagé de’immenses territoires sur plusieurs continents et constitué deux empires coloniaux qui enrichissaient leurs bourdeoisies respectives, et le nouveau venu voulait sa part de gateau. Pendant que les Français et les Britanniques câlinaient les Russes en visant la Sibérie, les Allemands câlinaient les Turcs en visant l’empire ottoman. Sauf que les Anglais et les Français étaient déjà sur le coup : ils s’étaient déjà répartis, avant même que l’ours ne soit tués et les ont récupérés à la fin de la guerre au moment du dépeçage. Les séquelles sont loin d’être terminées : la Srie et le Liban sont des « produits français », alors qu’Israël et l’Arabie Saoudite sont de « fabrication anglaise ». On connait la suite.
          Si la guerre de 39-45 est bien la suite de celle de 14-18, celle qui a suivi sans avoir de réel commencement n’est toujours pas terminée. Il faut dire qu’il y a un nouvel invité à la table, et il a un gros appétit : les Etats-Unis.


        • baldis30 9 novembre 2018 17:48

          @flourens
          bonsoir,
          «  y casser tout ce que l’on pouvait casser  »
           L’Allemagne a tout cassé et tout exploité en France pendant la guerre ! Si elle est remonté aussi vite c’est qu’elle n’a pas subi les pertes industrielles qu’elle a infligées notamment à la France ... même avec les indemnisations et l’occupation de la Ruhr ! L’outil industriel allemand était intact, certes il n’avait plus de matières premières mais il les retrouva dès l’armistice signée, sans même attendre le traité de paix de 1919 ... .. De fait Hitler surfa sur un outil intact après avoir balayé le régime de Weimar ! La France ne s’était pas relevée des destructions au bout de quinze ans ...

           Et en 1940 et après d’un commun accord entre qui et qui .... ( je pèse mes mots..) l’outil industriel français fut quasiment détruit ... au cas où... au cas où .... il profiterait à ces s.... du Front Populaire ( meuh non.... j’affabule, j’affabule , j’affabule ...)

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