Macron croit-il vraiment que la France est un pays socialiste ?
Sur son blog, Malik Lounès a relevé avec pertinence que, dans l’allocution qu’il a prononcée cette année pour présenter ses vœux du Nouvel An aux électeurs qui avaient voté pour lui, le (P)résident de la République s’était livré à une révélation étonnante :
« Vous le voyez, nous sommes en train de vivre plusieurs bouleversements inédits : le capitalisme ultralibéral et financier trop souvent guidé par le court terme et l’avidité de quelques-uns, va vers sa fin ; notre malaise dans la civilisation occidentale et la crise de notre rêve européen sont là. »
Cette déclaration dans la bouche de l’ancien fondé de pouvoir de Rothschild adoubé par Bilderberg est un véritable coup de tonnerre dans le ciel serein des paradis fiscaux ! Bien sûr, les téléspectateurs médusés devant leurs écrans LCD ultra plats en sont restés comme deux ronds de flan. Ils ont pensé que l’ange Gabriel venait d’annoncer au bienheureux élu la date de l’apocalypse à laquelle seuls les fidèles pourraient échapper, à condition de suivre le chemin tracé par leur bon pasteur.
Or, leur espoir était vain. S’ils avaient écouté la suite du sermon, ils auraient compris que leur guide suprême n’avait pas été informé des tenants et des aboutissants des coutumes fiscales en vigueur dans son propre fief. Et ils n’auraient pas pensé que les lacunes étaient le fait du nègre qui avait rédigé ce morceau de bravoure empreint de dignité et de générosité. Car de deux choses l’une : ou bien l’orateur n’est qu’un récitant et le message divin vient de plus haut, ou bien le texte reflète la véritable pensée de celui qui le profère à haute et intelligible voix, et seuls des complotistes pourraient croire à une manipulation.
De quoi s’agit-il ?
La technique utilisée est une technique de vente bien connue sous le nom de « sandwich ». Vous alternez avantages et objections entre deux fines tranches de pain, cornichons aigre-doux et jambon. En l'occurence, la tranche de jambon se formulait ainsi :
« Nous vivons dans l’une des plus grandes économies du monde, nos infrastructures sont parmi les meilleures au monde, on ne paye pas ou presque la scolarité de nos enfants, on se soigne à un coût parmi les plus faibles des pays développés pour avoir accès à des médecins d’excellence. »
Comment ce « produit » privilégié d’un système éducatif élitiste qui lui a permis personnellement de recevoir dans des établissements privés (mais subventionnés et « gratuits ») le bagage qui allait le propulser dans une carrière d'inspecteur à l'Inspection Générale des Finances et chez la branche française (dite « de Paris) d’une dynastie bancaire mondiale, comment peut-il croire que les Français ne paient ni pour l'éducation de leurs enfants ni pour leurs soins de santé ?
Un de ses conseillers aurait dû l’informer du fait que le mouvement des gilets jaunes auquel il reproche « ses excès et débordements » a été déclenché par une taxe sur les carburants jugée en effet « excessive ». Car les Français paient des taxes sur les produits qu’ils achètent, des impôts indirects qui alimentent les budgets de l’état qui fait fonctionner les services publics comme l’école, mais aussi des cotisations pour financer la sécurité sociale, pour des montants bien supérieurs aux prélèvements sur les sociétés, et infiniment supérieurs à ce que rapporte l’ISF disparu. Et les millions de Français en colère ne sont pas seulement les salariés des grandes, moyennes ou petites entreprises, ce sont aussi les micro-entrepreneurs, artisans, spécialistes et exploitants agricoles qui ressentent une certaine injustice à voir de moins en moins les retombées de ce qu’ils financent, et ces derniers secteurs sont justement le support électoral du jeune homme. Mais qu’à cela ne tienne : même si sa popularité est tombée au plus bas niveau enregistré depuis que ce genre de sondage existe (24%), Manu (pas le père Adam des hindouistes, l’autre) éprouve le besoin de réprimander ses sujets pour leur "déni flagrant de la réalité", et il en remet une louche, toujours en utilisant la technique « sandwich », mais cette fois-ci avec les cornichons aigre-doux :
« On ne peut pas travailler moins, gagner plus, baisser nos impôts et accroître nos dépenses »
En fait, en prétendant que le contribuable ne supporte pas les coûts de l'éducation et de la santé, Macron expose sa vision d'un avenir dans lequel tout est marchandise, tout est commercialisé, à vendre ou à acheter.
Pour la classe sociale dont il représente les intérêts alors que lui-même ne sort pas de la cuisse de Jupiter (ce qui explique sans doute sa fascination pour le dieu des dieux romains), les services publics ne sont déjà plus les éléments d'un système universel. Dans leurs esprits et dans l’inconscient présidentiel que révèle le lapsus (ou acte manqué freudien), ils doivent devenir des suppléments facultatifs « marchandisés », comme les mutuelles complémentaires, sur le modèle dystopique britannique où un NHS de plus en plus commercialisé et fragmenté supporte les coûts inutiles engendrés par les mécanismes du marché et l’exigence de marges de profit et où l’accès aux « parcours d’excellence » est réservé aux enfants dont les parents ont déjà fréquenté le même établissement privé auquel leurs moyens économiques leur permettent de prétendre.
Il existe une alternative à cette pulsion mortifère, et c’est peut-être ce dont rêvent ceux qui remettent en cause « l’ordre international bâti en 1945 …/… et malmené par certains de nos alliés ». Inutile de formuler ou de théoriser : si le rapport de forces qui se développe n’est pas une bulle de savon, cette alternative deviendra bientôt une évidence.
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