Tous des cons !
Nul ne sait combien ils sont, mais une chose est sûre : les cons sont très nombreux. Et indétectables à la vue, la connerie n’étant pas affichée sur le visage des cons. À cet égard, il faut se rendre à l’évidence : les cons nous encerclent sans que nous en ayons conscience. Souvent les cons identifiés comme tels nous agacent. Parfois, des cons nous menacent. Par chance, les cons sont les autres…
Il faut être lucide : les cons sont partout : engagés en politique, implantés dans les entreprises, licenciés dans les clubs de sport, infiltrés dans les partis et les syndicats, investis dans les associations, prosélytes en religion, logés dans les immeubles ou les lotissements pavillonnaires. Autant de cons qui permettent à la connerie d’être, au moins autant que le « bon sens » vanté par René Descartes, « la chose la mieux partagée du monde ».
Petits ou grands, gros ou maigres, jeunes ou vieux, hommes ou femmes, actifs ou retraités, riches ou pauvres, français ou étrangers, en civil ou en uniforme, les cons sont aussi omniprésents dans notre cadre de vie que les bactéries et les virus qui prolifèrent à notre insu dans les transports en commun et sur le mobilier urbain des lieux publics. Et cela à un point tel qu’il serait vraiment très con d’affirmer le contraire.
Certains cons sont toutefois plus ciblés que d’autres. Ainsi le jeune con. Celui-ci est en général considéré par le personnage aux tempes grisonnantes qui l’apostrophe de cette manière avec quelque indulgence ; et cela au motif que la connerie du jeune con est présumée liée à l’âge, et de ce fait possiblement éphémère. Un pari sur l’avenir en l’occurrence car rien ne garantit que le jeune con d’aujourd’hui ne deviendra pas le vieux con de demain !
Précisément, parlons-en du vieux con. En général retraité – sauf lorsqu’il est insulté par un gamin pour qui toute personne ayant passé la quarantaine est un débris –, ce con-là ne bénéficie d’aucune circonstance atténuante. Eu égard à son âge, et à la probabilité qu’il ne changera plus de comportement, son cas est désespéré : con il était, con il est, et con il restera ! Le vieux con est considéré comme définitivement irrécupérable.
À noter que le petit con est le plus souvent assimilé au jeune con, sa connerie étant vue comme une sorte de crise adolescente. Tout espoir de rompre avec cette connerie n’est par conséquent pas perdu pour lui. Cela dit, il arrive que le petit con en question soit un quinquagénaire ou un sexagénaire ; dans ce cas, la petitesse alliée à la connerie dans l’insulte a évidemment pour but de renforcer le mépris contenu dans celle-ci.
Beaucoup de mépris également dans le pauvre con. La personne visée appartient manifestement à la catégorie des déchets de l’humanité aux yeux de celui qui insulte. Et il en va de même pour le gros con : lui aussi fait partie des individus indignes de la moindre considération. Surtout s’il est fluet : sa silhouette ne pouvant être mise en cause, c’est l’énormité de sa connerie qui est stigmatisée. Et cela a contrario du grand con, ainsi qualifié en raison de sa taille.
Et que dire du sale con ? Contrairement au pauvre con et au gros con, ce con n’est pas une sorte d’étron humain caractérisé par une grande stupidité, mais plutôt un individu dont la connerie est mal nommée. Le sale con est en effet plus souvent une personne délibérément malveillante et manipulatrice dont l’insulteur s’estime victime de la perversité ou de la méchanceté gratuite à son égard. Ce con-là, dont la saleté est morale, occupe souvent un poste ou une fonction qui lui permet d’assouvir un pouvoir, que ce soit en entreprise ou sous un uniforme.
Reste le très désuet con béni que l’on pourrait également nommer con disciple dans la mesure où il tient sa présumée connerie d’une foi béate qui l’amène à gober les nombreux bobards contenus dans les dogmes religieux. Disons-le tout net, ce con est devenu rare depuis que la mode n’est plus à casser les curés sans ouailles ou les ouailles sans curé. Et l’expression ne s’applique pas aux fous d’Allah.
Outre les cons affublés d’un adjectif, le vocabulaire contre la connerie comporte de nombreuses apostrophes dérivant du mot con, les plus connues étant connard, ducon et sa variante duconnaud. Mieux vaut, pour ne pas être en butte aux quolibets, ne pas porter un patronyme comme l’un de ceux-là. Encore qu’il ait bel et bien existé un Duconnaud dont le nom est resté dans les annales satiriques de la politique parisienne (cf. Aux urnes, citoyens : votez Duconnaud !)
Pour rester dans la politique, rappelons que Georges Frêche, ancien maire de Montpellier puis président de région, avait une grande estime pour les cons auxquels il devait ses mandats : « Des gens intelligents, il y en a 5 à 6 % (…) Moi je fais campagne auprès des cons », professait-il en 2009 auprès d’étudiants en droit avant d’ajouter : « J’ai toujours été élu par des cons ! » Des propos tempérés cette même année sur l’antenne d’Europe 1 : « Les cons sont sympathiques. Je suis le roi des cons, c’est pour ça que je suis élu. »
Toujours en politique, il arrivait à Jacques Chirac de faire également allusion aux cons, mais de manière détournée à propos des soucis de gouvernance : « Les emmerdes, c’est comme les cons, ça vole toujours en escadrille ! » Et force est de reconnaître que les cons sont souvent grégaires. Mais pas toujours, et le con solitaire est souvent beaucoup plus redoutable car nettement moins prévisible qu’un groupe de bas du front ou de supporters alcoolisés.
Nicolas Sarkozy a lui-même développé un rapport particulier, et même paranoïaque, aux cons. Et pour cause : il en voyait partout. Outre les « abrutis », les « connards », les « débiles », les « enculés » et les « imbéciles » qu’il rencontrait dans le cadre de ses fonctions ou dont il était entouré, l’ex-président avait surnommé Alain Juppé « Ducon » et François Fillon « Durien » ce qui, en termes de hiérarchie dans la connerie, plaçait de facto le héros du Penelopegate plus bas que le maire de Bordeaux (cf. Au rayon des disparus : Sarkozy de A à Z).
Et les femmes ? Ne peuvent-elles pas être aussi connes que les hommes ? Certes. Mais le vocabulaire injurieux les concernant est, au plan de leur connerie supposée, nettement moins varié. Ainsi n’y a-t-il pas de petite conne, de jeune conne, de vieille conne ni de grande conne dans notre société. On n’y croise que la grosse conne, la pauvre conne et la sale conne. Qui plus est, l’usage se perd : de nos jours, les dames et les demoiselles considérées comme des connes sont plus facilement traitées de pétasses, de putes et de salopes !
Pour terminer, constatons avec Georges Brassens que « Cons caducs ou cons débutants / Petits cons d'la dernière averse / Vieux cons des neiges d'antan (…) Le temps ne fait rien à l'affaire / Quand on est con, on est con ! » Eh oui, il avait raison, le bon moustachu. Encore s’est-il arrêté en chemin dans sa chanson (lien). Il a en effet omis de souligner que le con c’est l’Autre. Autrement dit, chacun d’entre nous. Car il ne faut pas se voiler la face : nous sommes tous le con de quelqu’un !
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